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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Une étude « controversée » sur des rats : aujourd'hui, nous serons en pensée avec trois journalistes de talent

1 Septembre 2023 Publié dans #Divers

Une étude « controversée » sur des rats : aujourd'hui, nous serons en pensée avec trois journalistes de talent

 

 

Secret Toxiques appelle les scientifiques, les représentants politiques et les militants à se rassembler pour soutenir le Pr Séralini et la santé publique le 1er septembre 2023 à 13h30 devant le tribunal de Paris où se déroulera le procès en diffamation. Pour faire un don aux frais de justice... (Source)

 

 

Ce vendredi1er septembre 2023, trois personnalités du monde médiatique seront confrontées à des juges pour avoir dit leur opinion sur une étude que nous qualifierons poliment de « controversée », en des termes qui ont déplu.

 

 

Oh la la ! Un événement d'envergure internationale puisque l'officine d'« information » GMWatch qui prétend « contrer la propagande de l'industrie des biotech » a lancé une alerte en principe urbi et orbi, en fait dans son cercle tribal.

 

 

Acte I : une étude publiée puis rétractée

 

L'officine nous livre aussi un « contexte ». C'est complotiste à souhait...

 

 

Contexte : Comment #Monsanto a lancé une campagne concertée pour forcer la rétractation de l'étude de Séralini qui a révélé les effets toxiques du Roundup. Et comment des documents montrent que le rédacteur en chef de la revue qui a publié l'étude a conclu un contrat avec Monsanto. (Source)

 

 

Vous avez sans doute compris le contexte...

 

Il y a bientôt 11 ans, le 19 septembre 2012, la revue Food and Chemical Toxicology publiait « Long term toxicity of a Roundup herbicide and a Roundup-tolerant genetically modified maize » (toxicité à long terme d'un herbicide Roundup et d'un maïs génétiquement modifié tolérant au Roundup).

 

Une des caractéristiques essentielles en a été la photo de trois rats affligés de tumeurs énormes. Une photo qui avait fait le tour du monde bien avant qu'un observateur avec ou sans grande expertise n'ait pu signaler qu'il manquait la photo d'un rat témoin. Elle a suscité une panique quasiment digne de « La Guerre des Mondes », le canular radiophonique d'Orson Welles.

 

Cette publication « scientifique » a donc fait l'objet d'un extraordinaire tapage médiatique, en partie orchestré et soigneusement encadré. Ainsi, les journaux qui ont accepté de publier en primeur ont dû s'engager à ne pas révéler l'article à des tiers – lire : à consulter des experts pour un avis critique – sous peine de devoir payer l'intégralité des frais engagés dans l'étude !

 

Sous un titre plutôt mesuré, « L'étude sur les OGM fortement contestée », le Figaro citait le toxicologue Gérard Pascal (bien sûr affligé de gros conflits d'intérêts selon les aficionados du célèbre professeur) : « Cela ne vaut pas un clou... » Un résumé fort pertinent !

 

L'article a été rétracté en janvier 2014 dans des conditions – disons – rocambolesques. À notre sens, le défi pour le rédacteur en chef a été de ne pas (trop) entamer la crédibilité de sa revue, et heurter son propre égo.

 

Contrairement aux légendes que la nébuleuse anti-OGM ne cesse de répandre, ce n'est pas le fruit d'une « campagne concertée » de Monsanto – qui s'était tout de même livré à quelques branquignolades – mais d'une véritable bronca des mondes de la science (voir aussi les lettres à l'éditeur), de la réglementation et, en partie, du journalisme scientifique.

 

Pour en savoir plus, « L'Affaire Séralini l'impasse d'une science militante » de M. Marcel Kuntz est une lecture passionnante.

 

 

Acte II : un « Envoyé Spécial » très « spécial »

 

Le 17 janvier 2019, France 2 diffusait un « Envoyé Spécial » – ou un « Numéro Spécial d'Envoyé Spécial »qui restera dans les annales de la désinformation, « Glyphosate : comment s'en sortir ? ».

 

Nous l'avons évoqué sur ce site avec, notamment, « Numéro spécial d’Envoyé Spécial consacré au glyphosate : un grand moment de désinformation est annoncé », « Numéro Spécial d'Envoyé Spécial sur le glyphosate et Monsanto : on s'attend au pire » et « Envoyé spécial : ils ont pété un câble ! » avec une petite revue de presse.

 

Signalons encore trois contributions à la dénonciation du scandale : « Glyphosate : l’incroyable manque de rigueur scientifique d’Envoyé Spécial » de M. Marcel Kuntz sur Atlantico, « Glyphosate sur France 2 : décryptage de deux heures de désinformation » de MM. Jean-Paul Krivine et Hervé Le Bars, avec la commission agriculture de l’AFIS, et « "Envoyé Spécial" et son traitement malhonnête du glyphosate » de M. Laurent Pahpy sur Contrepoints.

 

Résumé, en ouverture d'article, de ce dernier :

 

« Un cas d’école d’obscurantisme journalistique. C’est ce que l’on pourra retenir de l’émission "Envoyé Spécial" de jeudi soir sur le glyphosate. Durant les deux heures du reportage, Élise Lucet aura réussi à cumuler les théories du complot, la promotion d’un scientifique discrédité, l’instrumentalisation d’un enfant handicapé et de personnes malades, le tout dans une ambiance anxiogène et malhonnête. »

 

 

Des mots qui fâchent... et direction prétoire

 

Dans le brouhaha d'une énorme bronca, trois journalistes ont utilisé des mots qui fâchent à propos de la longue séquence dans laquelle France 2 aura donné libre cours à M. Gilles-Éric Séralini pour exposer, sans opposition ni contestation, ni mise en perspecive, ses points de vue. Il est vrai que cette émission faisait une large place à « Monsatan », et plus particulièrement aux vilenies qu'il a infligées à un honnête chercheur.

 

Et, comme d'autres, ces journalistes se sont vus assigner en justice. Une audience a lieu ce jour, 1er septembre 2023.

 

 

Une audience spectacle ?

 

GMWatch a relayé une autre entité dont on apprend incidemment qu'elle a été co-fondée par...

 

C'est : « Un des fondateurs de la campagne Secrets Toxiques, le Pr. Seralini, attaque ceux qui défendent Monsanto-Bayer »

 

La « campagne Secrets Toxiques » ? Un site Web, sur lequel on apprend tout de même que « La campagne Secrets Toxiques est initiée Nature et Progrès France, Campagne Glyphosate France, et Générations Futures et portée par plus de 60 autres association et groupes locaux ». Bref... un autre exemple de démultiplication de l'activisme.

 

Revenons au sujet. Le titre est une déjà une merveille : limite diffamatoire, sinon vraiment, envers nos trois journalistes décrits comme « ceux qui défendent Monsanto-Bayer ». Il est vrai qu'un bon activiste doit se choisir de préférence un épouvantail, un repoussoir, et qu'il peut se permettre bien des libertés avec la décence juridique, ses cibles n'étant généralement pas d'humeur quérulente.

 

L'article est – surprise, surprise – un mille-feuille argumentatif. En voici l'extrait le plus pertinent :

 

« Malgré l’existence documentée de cette campagne active de décrédibilisation de travaux scientifiques gênants pour la firme, trois journalistes, à la suite de la diffusion de l’émission, ont reproché à Envoyé Spécial de donner la parole au Pr. Gilles-Eric Seralini, le traitant de "f       ", ou l’accusant d’avoir produit une "t        " ou une "é                  ". Cette accusation est, pour un scientifique et un fonctionnaire titulaire dans l’exercice de ses fonctions, d’une gravité extrême, puisqu’elle met en doute l’éthique professionnelle appuyant la sincérité de ses travaux et est susceptible de le faire révoquer. »

 

Nous caviardons... Il est aussi diffamatoire de reproduire les propos diffamatoires d'un tiers (je dirais : même quand la personne prétendument diffamée s'est en fait diffamé elle-même). Et il y a un truc qui s'appelle les « procédures bâillons »...

 

 

« Tous cobayes ! »

 

Dans la formidable campagne de communication qui s'est appuyée sur l'article publié dans Food and Chemical Toxicology, il y avait notamment un livre, « Tous cobayes ! », de M. Gilles-Éric Séralini. L'Obs en avait publié un extrait dans « OGM : quand la grande distribution finance une étude choc ».

 

Là, nous pouvons citer un extrait :

 

« Un montage financier ad hoc

 

Nous avons cependant dû sortir de ce cadre pour organiser le montage financier nécessaire à l’expérience. Pour éviter tout rapprochement disqualifiant avec les méthodes des industriels, il fallait un cloisonnement net entre les scientifiques, qui menaient cette expérience dans le respect d’une éthique de l’indépendance et de l’objectivité, et les associations qui la subventionnaient.

 

[...]

 

Il n’était toutefois pas concevable qu’elle [l'association (ad hoc) CERES] soit le commanditaire direct de l’étude. Nous ne pouvions nous exposer à apparaître aux yeux de nos détracteurs comme des scientifiques financés directement par le lobby de la grande distribution – d’une façon symétrique aux experts influencés par celui de l’agro-alimentaire. Et cela même si de nombreux autres métiers étaient représentés dans le Céres. »

 

Et que dit l'article dans Food and Chemical Toxicology ?

 

« Conflit d'intérêts

 

Les auteurs déclarent qu'il n'y a pas de conflit d'intérêts.

 

Remerciements

 

[…] Nous remercions l'Association CERES, la Fondation ''Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l'Homme'', le Ministère français de la Recherche, et le CRIIGEN pour leur soutien majeur. »

 

 

L'article republié

 

L'article a été republié sous une forme différente dans Environmental Sciences Europe, une revue qui fait la part belle aux sciences parallèles. Que devient la déclaration ?

 

« Intérêts concurrents

 

Le(s) auteur(s) déclare(nt) qu'ils n'ont pas d'intérêts concurrents et que, contrairement aux évaluations réglementaires des OGM et des pesticides, ils sont indépendants des entreprises qui développent ces produits. »

 

« ...indépendants des entreprises qui développent ces produits » ? Oui, mais encore ?

 

Cette republication s'est faite avec avec une revue par les pairs limitée à une vérification de l'absence de différences par rapport à la version initiale. On a dû considérer que l'attaque, sinon diffamatoire, du moins dénigrante et, en tout état de cause, gratuite n'était pas une différence...

 

Il y avait aussi, imbriquée dans l'article, une notule :

 

« ...en le republiant [...], il n'est pas question de porter une quelconque appréciation sur le contenu de l'article. Le seul objectif est de permettre la transparence scientifique et, sur cette base, une discussion qui ne cache pas les controverses méthodologiques, mais qui vise à les mettre en lumière. – Winfried Schröder, éditeur de la série thématique "Implications pour la culture et la surveillance des OGM" dans Environmental Sciences Europe»

 

Une sorte de baiser de Judas qui entérine implicitement l'avis quasi unanime de la commnauté scientifique.

 

 

« Utinam aves super caput tuum cacent ! »

 

C'est du latin de cuisine « mi-macaronique, mi-cicéronien » de Jules Romains (Les copains)...

 

« Que les oiseaux du ciel répandent leur bénédiction sur ta tête ! »

 

Nous n'aurons pas l'audace de lancer un appel – relayé sur le plan international – à un rassemblement devant le tribunal pour « pour défendre le droit à une science indépendante et sans compromission, contre les mensonges et les manipulations de l’agroindustrie, et pour un changement de modèle agricole »... Quelle grandiloquence !

 

Mais nous serons en pensée avec nos trois amis journalistes.

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