Glyphosate et États-uniens : encore une étude qui a failli être instrumentalisée
La première ? C'est faux ! (Source)
M. Stéphane Foucart m'a mis sur la piste de « Exposure to glyphosate in the United States: Data from the 2013–2014 National Health and Nutrition Examination Survey » (l'exposition au glyphosate aux États-Unis : données de l'enquête nationale sur la santé et la nutrition de 2013-2014) de Maria Ospina, Andre Schütze, Pilar Morales-Agudelo, Meghan Vidal, Lee-YangWong et Antonia M. Calafat, des Centers for Disease Control and Prevention d'Atlanta.
Voici le résumé :
Points forts
- Détection de glyphosate dans l'urine de 81 % de la population américaine ≥ 6 ans.
- Le jeûne ≤ 8 h est positivement associé aux concentrations urinaires de glyphosate.
- Un jeûne ≤ 8 h augmente la probabilité que le glyphosate soit > 95e percentile.
Résumé
Contexte
L'exposition au glyphosate, l'herbicide le plus utilisé aux États-Unis, n'est pas bien caractérisée. Nous avons évalué l'exposition au glyphosate dans un échantillon représentatif de la population américaine ≥ 6 ans issu de la National Health and Nutrition Examination Survey 2013-2014.
Méthodes
Nous avons quantifié le glyphosate dans l'urine (N = 2.310) par spectrométrie de masse en tandem par chromatographie ionique à dilution isotopique. Nous avons effectué une analyse univariée en utilisant les concentrations de glyphosate corrigées de la créatinine transformées en logarithmes avec des covariables démographiques et de mode de vie dont nous avons supposé qu'elles pouvaient affecter l'exposition au glyphosate sur la base de données publiées, y compris la race/ethnicité, le sexe, le groupe d'âge, le rapport entre le revenu familial et la pauvreté, le temps de jeûne, la saison de collecte des échantillons, la consommation de catégories d'aliments (y compris la consommation de céréales) et le fait d'avoir utilisé des produits désherbants. Nous avons utilisé la régression logistique multiple pour examiner la probabilité que les concentrations de glyphosate soient supérieures au 95e percentile et la régression linéaire multiple stratifiée par âge pour évaluer les associations entre les concentrations de glyphosate et les covariables statistiquement significatives de l'analyse univariée : race/ethnie, sexe, groupe d'âge, temps de jeûne, consommation de céréales, consommation de boissons gazeuses, saison de collecte des échantillons et créatinine urinaire.
Résultats
La fréquence de détection pondérée du glyphosate était de 81,2 % (médiane (intervalle interquartile) : 0,392 (0,263-0,656) μg/L ; 0,450 (0,266-0,753) μg/g de créatinine). La concentration de glyphosate a diminué de l'âge de 6-11 ans jusqu'à l'âge de 20-59 ans et a augmenté à partir de 60 ans dans les analyses univariées. Les enfants/adolescents et les adultes à jeun > 8 h présentaient des moyennes géométriques ajustées au modèle significativement plus faibles (0,43 (0,37-0,51) μg/L et 0,37 (0,33-0,39) μg/L) que ceux à jeun ≤ 8 h (0,51 (0,46-0,56) μg/L et 0,44 (0,41-0,48) μg/L), respectivement. La probabilité (odds ratio (IC 95 %)) que les concentrations de glyphosate soient > au 95e percentile était 1,94 (1,06-3,54) fois plus élevée chez les personnes à jeun ≤ 8 h que chez les personnes à jeun > 8 h (P = 0,0318).
Conclusions
Ces premières données représentatives au niveau national suggèrent que plus de quatre cinquièmes de la population générale américaine ≥ 6 ans ont subi une exposition récente au glyphosate. La variation de la concentration de glyphosate en fonction des habitudes de consommation alimentaire peut refléter des différences de régime ou de mode de vie. »
(Source)
Ce résumé n'est pas un monument de clarté. Résumons-le à notre manière : on a fait des analyses d'urine ; on a mené une fishing expedition, une pêche au chalut pour trouver des corrélation ; la pêche n'a pas été bonne.
Voici un extrait de la section « résultats » :
« La fréquence de détection pondérée du glyphosate était de 81,2 %, et les concentrations variaient de < LOD (0,20 μg/L) à 8,13 μg/L. Les concentrations de glyphosate de la moyenne géométrique, de la médiane et du 95e percentile étaient respectivement de 0,411 μg/L (0,443 μg/g de créatinine), 0,392 μg/L (0,450 µg/g de créatinine) et 1,58 μg/L (1,60 µg/g de créatinine).
On peut bien sûr gesticuler – comme on peut le voir sur les illustrations – sur la fréquence de détection de 81,2 % (quatre personne sur cinq).
Mais la dose urinaire de 0,411 µg [microgramme] /L en moyenne géométrique représente l'équivalent d'une buchette de sucre de 5 grammes dans 4 piscines olympiques de 3.000 mètres cubes.
En comptant large (2 litres d'urine par jour, 20 % du glyphosate éliminé par voie urinaire, le reste par les fèces), on arrive à une absorption journalière de 4 microgrammes.
On peut aussi comparer cette valeur à la dose journalière admissible, 0,5 mg[milligramme]/kg de poids corporel en Europe (1,75 mg/kg p.c. aux États-Unis), soit 40 milligrammes pour une personne de 80 kg. Le rapport est dans ce cas de 1 à 10.000.
Notons encore que dans le cas des « pisseurs de glyphosates », on a allégué une exposition de quasiment 100 % des personnes testées, pour une médiane de 0,9 µg/L d'urine, les analyses ayant été réalisées avec un test ELISA dont la limite de quantification alléguée était de 0,075 µg/L. Les auteurs de l'étude américaine n'ont indiqué qu'une limite de détection (0,20 µg/L).
(Source)
La conclusion de l'étude est très modeste :
« Dans cette première évaluation représentative au niveau national de l'exposition au glyphosate, nous estimons qu'environ 81 % de la population générale américaine âgée de 6 ans et plus avait été récemment exposée au glyphosate. Les concentrations de glyphosate, qui sont du même ordre de grandeur que celles rapportées également dans la NHANES pour un autre herbicide, le 2,4-D, et d'autres pesticides, définissent les concentrations de base de glyphosate urinaire dans une population non professionnellement exposée et fournissent une base pour évaluer les changements d'exposition dans le temps. Les différences observées dans les concentrations de glyphosate selon l'état de jeûne peuvent refléter la pertinence de l'alimentation comme source d'exposition potentielle. D'autres études visant à évaluer l'apport alimentaire de glyphosate, à examiner la relation entre les concentrations urinaires de glyphosate et les résultats de santé, et à identifier d'autres déterminants potentiels de l'exposition seront utiles pour mieux comprendre l'exposition au glyphosate et ses effets potentiels sur la santé. »
« ...la pertinence de l'alimentation » ? Quelle autre source ? On enfonce là des portes ouvertes.
Mais cette étude tend aussi à montrer que le glyphosate est rapidement éliminé par les urines. Ce qu'on a apparemment omis de signaler.