Comment les restrictions imposées par l'Union Européenne ont alimenté les voix anti-OGM et la faim dans les pays du Sud, et principalement en Afrique
Victor Oria, Alliance pour la Science*
Nous sommes en 2002 et la faim extrême en Afrique menace plus de 15 millions de personnes.
Les États-Unis ont permis aux pays africains touchés à importer de l'aide alimentaire pour venir en aide aux personnes dans le besoin.
Ce geste de bonté a été accueilli avec hésitation et refus parce que les importations de nourriture contenaient des organismes génétiquement modifiés (OGM).
Levy Mwanawasa, alors président de la Zambie, a déclaré que les OGM étaient un poison et qu'ils ne seraient pas acceptés par son peuple.
Cette année-là, The Economist a publié un article intitulé Better Dead than GM-fed (plutôt mort que nourri aux OGM) qui mettait à nu les sentiments des Africains à l'égard des OGM.
Levy Mwanawasa, alors président de la Zambie, a déclaré que les OGM étaient un poison et qu'ils ne seraient pas acceptés par son peuple.
Ses déclarations manquaient de fondement scientifique, car rien ne prouvait que les OGM étaient malsains et dangereux pour la consommation humaine.
L'Union Européenne mène une guerre contre les OGM depuis des décennies, invoquant des problèmes de sécurité et de santé pour ses citoyens.
Cependant, d'autres problèmes graves ont alimenté les sentiments anti-modification génétique en Afrique à l'époque et ont persisté.
L'Union Européenne (UE) était et est toujours le plus grand marché pour les produits agricoles africains.
L'UE mène une guerre contre les OGM depuis des décennies, invoquant les préoccupations de ses citoyens en matière de sécurité et de santé.
L'UE protégeait ses agriculteurs de la concurrence des producteurs américains qui avaient adopté les cultures alimentaires génétiquement modifiées.
L'attitude de l'Union Européenne à l'égard des OGM a trouvé un terrain propice en Afrique, ce qui a alimenté les sentiments anti-modification génétique.
Il a été dit que l'aide alimentaire américaine contaminerait les cultures africaines, ce qui finirait par fermer les marchés d'exportation vers l'UE pour les produits agricoles de l'Afrique.
En 2003, la Royal Society a publié les résultats d'essais de terrain sur les OGM au Royaume-Uni, les jugeant nocifs dans certains cas et utiles dans d'autres.
Sur la base de ces résultats mitigés, certaines organisations non gouvernementales de l'UE ont demandé l'interdiction de toutes les cultures génétiquement modifiées.
Après des décennies de déni, on se rend compte que l'Union Européenne doit adopter les technologies génétiques pour garantir sa sécurité alimentaire.
Cette attitude typiquement européenne à l'égard des OGM a trouvé un terrain propice en Afrique, où elle a alimenté les sentiments anti-modification génétique qui prévalent, malgré les preuves documentées de l'adoption d'une agriculture basée sur les OGM.
En juin 2023, un document ayant fait l'objet d'une fuite a montré que la Commission de l'Union Européenne envisageait d'assouplir les règles relatives au génie génétique [pour les documents officiels, partir d'ici].
Après des décennies de déni et d'intransigeance, on se rend compte que l'UE doit adopter les technologies génétiques pour garantir sa sécurité alimentaire.
Les mises en garde concernant les nouvelles techniques génomiques (NGT), qui décrivent les nouvelles méthodes scientifiques utilisées pour modifier les génomes des plantes afin d'obtenir des caractéristiques souhaitées telles que la tolérance à la sécheresse et la résistance à des maladies, constituent un élément essentiel de ce document qui a fait l'objet d'une fuite.
L'Autorité Européenne de Sécurité des Aliments a conclu que les produits alimentaires issus des nouvelles techniques génomiques ne présentaient pas de nouveaux risques pour l'environnement, les animaux ou la santé humaine.
Comme les NGT n'impliquent pas l'introduction de nouveaux gènes dans les plantes, la réglementation et l'étiquetage actuellement imposés aux OGM seraient assouplis.
Face aux graves menaces qui pèsent sur la production alimentaire, telles que les ravageurs, les maladies et le changement climatique, le monde doit adopter de nouvelles stratégies pour garantir la sécurité alimentaire.
Un tel changement de politique dans l'UE aurait des effets considérables sur les agriculteurs, les consommateurs et les chercheurs en Afrique et dans le reste du monde.
Les sentiments anti-OGM dans l'Union Européenne ont affecté l'Afrique et façonné les politiques de modification génétique.
L'Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) a conclu qu'il n'y avait pas de nouveaux risques pour l'environnement, les animaux ou la santé humaine liés aux produits alimentaires générés par les NGT.
Il s'agit d'une excellente initiative, car elle vient appuyer un examen antérieur par la Commission Européenne de sa politique en matière d'OGM, reconnaissant que la législation existante de 2001 devait être mise à jour.
En outre, les scientifiques de l'UE ont fait pression sur la Commission pour qu'elle révise ses dispositions réglementaires strictes afin de stimuler la recherche, le développement et l'innovation.
Les dirigeants africains ont toujours cité l'Europe comme référence pour l'adoption des technologies du génie génétique dans l'agriculture.
Cet assouplissement réglementaire de l'UE suit les traces du Royaume-Uni, qui a revu son cadre réglementaire existant pour soutenir la recherche et l'application de l'édition de gènes dans l'agriculture.
Les sentiments anti-OGM dans l'UE ont profondément affecté l'Afrique et façonné les politiques en matière d'OGM.
Dans la plupart des cas, les dirigeants africains ont toujours cité l'Europe comme référence pour l'adoption des technologies de génie génétique dans l'agriculture.
L'agriculture représente 17,2 % du produit intérieur brut de l'Afrique et fait vivre plus de 50 % de la population.
Maintenant que l'UE assouplit sa position sur les technologies génétiques, nous espérons que cela pourra révolutionner l'agriculture dans les pays du Sud.
L'agriculture représente 17,2 % du produit intérieur brut (PIB) de l'Afrique et fait vivre plus de 50 % de la population.
Pourtant, l'agriculture africaine est la moins développée, sa productivité est la plus faible et elle est fortement touchée par les maladies, les nouveaux ravageurs et les phénomènes météorologiques extrêmes.
Nous devons nous demander si nous voulons être les destinataires de technologies longtemps après qu'elles ont été développées et adoptées ailleurs.
Même si l'UE prend une nouvelle direction en ce qui concerne les modifications génétiques dans l'agriculture, il faudra beaucoup d'efforts pour changer les sentiments anti-OGM qui existent depuis des décennies dans les pays du Sud.
Les gouvernements des pays du Sud doivent prendre ce défi à bras-le-corps et assurer une communication efficace avec les agriculteurs au niveau local.
Ces technologies doivent avoir un sens pour les agriculteurs afin de faciliter leur adoption.
Aucun agriculteur n'aime perdre ses productions à cause de maladies et de parasites évitables qui peuvent être éradiqués.
C'est l'occasion pour l'Afrique de s'organiser et de tirer parti des technologies qui contribueront à révolutionner l'agriculture.
Elle adoptera donc des solutions de rechange abordables, efficaces et facilement disponibles qui garantissent la productivité si elles sont bien présentées.
Toutefois, cela ne fonctionnera que si un dialogue efficace entre toutes les parties prenantes est étayé par une recherche solide.
Enfin, pour les pays du Sud, nous devons nous demander si nous voulons être les destinataires de technologies longtemps après qu'elles ont été développées et adoptées ailleurs.
L'agriculture et les industries connexes représentent moins de trois pour cent du produit intérieur brut total de l'Union Européenne et des États-Unis.
C'est l'occasion pour l'Afrique de s'organiser et de tirer parti des technologies qui contribueront à révolutionner l'agriculture.
Les données de la Banque Mondiale montrent que l'agriculture et les industries connexes représentent moins de 3 % du PIB total de l'Union Européenne et des États-Unis.
Par rapport à l'Afrique subsaharienne et à l'Asie du Sud, où l'agriculture représente plus de 15 % du PIB, il est évident que nos économies doivent révolutionner l'agriculture pour rester à flot.
La balle est maintenant dans notre camp.
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* Victor Oria (PhD) est LEAD Fellow, Prof Janine Erler Research Group, Biotech Research and Innovation Centre – Université de Copenhague, Danemark.