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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Aspartame : un festival de mésinformation et de désinformation

26 Août 2023 Publié dans #CIRC, #Aspartame

Aspartame : un festival de mésinformation et de désinformation

 

André Heitz*

 

 

 

 

Le 14 juillet 2023, une conférence de presse était organisée sur les résultats des évaluations de deux instances liées à l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) : le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) et le Comité Mixte d'Experts des Additifs Alimentaires de l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO) et de l'OMS (JECFA). Une grande partie des médias n'ont retenu que le classement en « cancérogène possible » de l'aspartame ou ont minimisé les conclusions rassurantes du JECFA sur les risques de cet édulcorant. En se trompant souvent sur l'un au l'autre élément d'information.

 

 

Remontons dans le temps : le CIRC, envers et contre tout

 

L'aspartame, l'édulcorant basses calories le plus utilisé dans le monde, fait l'objet depuis longtemps de recherches militantes visant à « démontrer » sa nocivité. Sans grand succès.

 

Cela n'a pas empêché un comité consultatif chargé de faire des recommandations sur le programme de travail du CIRC en matière de monographies, qui s'est réuni en avril 2014, d'attribuer une priorité haute à l'examen de l'aspartame.

 

Si vous avez quelques connaissances sur le fonctionnement des monographies, vous pouvez tomber à la renverse ! Comment produire une monographie sans études pertinentes ? Selon le rapport de ce comité,

 

« […] De nombreuses études sur l'épidémiologie du cancer et l'utilisation d'édulcorants alimentaires non nutritifs ont été réalisées et ont donné des résultats essentiellement négatifs. L'aspartame a été étudié dans de nombreux essais biologiques sur le cancer chez les rats et les souris, y compris une série récente d'un laboratoire qui a donné lieu à des rapports de constatations controversées pour un certain nombre de sites tumoraux. […] Le groupe consultatif a accordé à l'aspartame une priorité élevée pour l'examen par les monographies du CIRC en raison de son utilisation répandue, de l'inquiétude persistante quant à son potentiel cancérigène et des rapports récents faisant état de résultats positifs dans des études de cancérogénicité chez l'animal. »

 

Le même niveau de priorité a été donné au sucralose (nom commercial en France : Canderel) dans des conditions similaires.

 

Le méthyleugénol et l'isoeugénol, deux composés aromatiques et parfumants présents naturellement dans les huiles essentielles de diverses plantes, examinés en même temps que l'aspartame dans le récent exercice, n'étaient pas à l'ordre du jour du comité consultatif précité.

 

Faisons un peu de complotisme... ou peut-être pas.

 

Ce comité consultatif était présidé par le sulfureux et controversé Christopher Portier qui figurait sur la liste des participants sous son ancienne affiliation dans les Centers for Disease Control and Prevention, occultant ainsi son embauche par une association militante, pourtant connue du CIRC. Il a joué un rôle éminent dans la classification infâmante du glyphosate en « probablement cancérogène » en mars 2015, mais aussi, précédemment, en 2011, dans celle en « peut-être cancérogènes » des champs électromagnétiques de radiofréquences (essentiellement les téléphones portables) dans des conditions qui ont aussi fait débat. M. Christopher Portier a été un témoin expert des avocats prédateurs qui ont fait les poches de Bayer-Monsanto aux États-Unis d'Amérique. Il l'a vraisemblablement aussi été pour des affaires liées aux portables (voir ici, avec une reproduction du compte rendu de son audition dans le cadre d'une action portant sur le glyphosate).

 

Le classement de l'aspartame pouvait ainsi avoir deux effets : clarifier la situation et mettre fin aux attaques contre l'aspartame (du moins du point de vue du cancer) ou, au contraire, fournir une base d'action, notamment, pour les avocats prédateurs états-uniens (et leurs témoins experts...).

 

Le laboratoire aux constatations controversées, en fait pas seulement sur l'aspartame, c'est l'Institut Ramazzini. Nombre d'autorités d'évaluation ou d'homologation refusent maintenant de prendre en compte les résultats de cette usine à annonces d'apocalypse (voir par exemple ici pour l'ANSES sur... l'aspartame).

 

Notons encore que peu de temps après l'arrivée de l'actuelle directrice du CIRC, Elisabete Weiderpass, le site web du CIRC a été remanié et certains documents – dont le rapport du comité consultatif et des pages relatives au glyphosate – ont été « invisibilisés », sauf à avoir noté l'ancienne URL et à chercher dans les archives du Web.

 

 

Une nouvelle tentative en 2019

 

L'aspartame ne fut pas évalué. Un autre groupe consultatif se réunit en mars 2019 pour faire des recommandations pour la période 2020-2024.

 

L'aspartame fut à nouveau affecté d'une priorité haute, avec la mention supplémentaire que l'évaluation pourrait se faire dans un délai de deux ans et demi.

 

Parmi la littérature citée, il y avait Morando Soffritti et al. (incluant Fiorella Belpoggi), The carcinogenic effects of aspartame: The urgent need for regulatory re-evaluation (les effets cancérigènes de l'aspartame : l'urgence d'une réévaluation réglementaire). Un titre qui pue la science militante... de l'Institut Ramazzini. Et qui n'était pas très nouveau puisqu'il datait de janvier 2014.

 

Dans le groupe d'experts, il y avait... Mme Fiorella Belpoggi. Ce monde fonctionne en vase clos.

 

Et parmi les exploits de Mme Fiorella Belpoggi témoignant de son militantisme, il y a sa participation, pendant un temps, dans l'arnaque russe Factor GMO.

 

Il y avait aussi deux personnages de la saga du glyphosate : Mme Kathryn Guyton, en tant que chef par intérim du groupe des monographies du CIRC, et M. Kurt Straif, ancien chef et pour l'occasion consultant.

 

M. Kurt Straif mérite ici une mention particulière : il a produit en 2021 Aspartame and cancer – new evidence for causation (aspartame et cancer – nouvelles preuves de causalité) avec Philip J. Landrigan. Dans leurs conclusions résumées, outre l'appel à agir lancé aux autorités sanitaires :

 

« Ces nouveaux résultats confirment que l'aspartame est un cancérogène chimique chez les rongeurs. Ils confirment le résultat très inquiétant selon lequel l'exposition prénatale à l'aspartame augmente le risque de cancer chez la progéniture des rongeurs. Ils valident les conclusions des études originales de l'IR [Institut Ramazzini]. »

 

Le méthyl eugénol et l'isoeugénol ont aussi été classés en priorité haute par ce groupe consultatif.

 

Ces deux substances ont été évaluées en même temps que l'aspartame et classées en 2A (probablement cancérogène) et 2B (peut-être cancérogène), respectivement. Mais personne ne s'y intéresse, malgré un classement plus infâmant pour l'un...

 

 

L'OMS a imposé une coordination, mais les États-Unis et le Japon protestent

 

Après le scandale du classement du glyphosate en « probablement cancérogène », les États membres – à défaut d'un arrêt des monographies dans le domaine alimentaire – ont imposé une coordination entre le CIRC et les comités mixtes de la FAO et de l'OMS experts des additifs alimentaires (JECFA) et des pesticides (JMPR).

 

L'aspartame devait donc être examiné par le CIRC du 6 au 13 juin 2023 et le JECFA, du 27 juin au 6 juillet 2023. Le classement du CIRC devait rester confidentiel et les conclusions des deux organes devaient être publiés conjointement le 14 juillet 2023 – ce qui fut fait (communiqué de presse de l'OMS ; conférence de presse conjointe).

 

Les gouvernements des États-Unis d'Amérique (échange de lettres ici) et du Japon (un extrait de la lettre ici) n'ont pas été satisfaits. Le premier écrivait en particulier, le 12 août 2022 :

 

« Nous sommes extrêmement préoccupés par le fait que des déterminations contradictoires présentées par le CIRC et le JECFA mineraient sérieusement la confiance dans le processus scientifique pour les deux organes et pourraient enflammer davantage le climat actuel de scepticisme du public quant à la validité de la science et du processus scientifique. »

 

 

Et l'inévitable se produisit...

 

La décision de classer l'aspartame en « peut-être cancérogène » a évidemment fuité, le 29 juin 2023. Courtoisie de Reuters et d'un informateur anonyme (mais il y a des soupçons...). Des médias alléchés par une « mauvaise nouvelle » qui est médiatiquement une bonne nouvelle ont repris l'information, souvent amputée du contexte, en se trompant parfois d'adverbe, et en attribuant le classement à l'OMS plutôt qu'au CIRC (c'est classique !).

 

Ainsi, Doctissimo a titré le 30 juin 2023 : « Vers un classement de l’aspartame comme cancérogène ? », sans qualificatif, et a évoqué un « probablement cancérogène » dans le texte. Le titre a été modifié, apparemment le 18 juillet 2023, mais la classification erronée figure toujours dans le chapô, dans un intertitre et dans le commentaire d'un médecin nutritionniste...

 

Médisite est encore plus péremptoire en titre le 3 juillet 2023 : « Aspartame : un organisme de l’OMS le considère comme cancérigène ».

 

 

Un communiqué de presse de l'OMS millimétré

 

Le communiqué de presse de l'OMS, « Publication des résultats de l’évaluation des dangers et des risques liés à l’aspartame » est un « communiqué commun » pédagogique, millimétré et s'efforçant de ménager les susceptibilités :

 

« Le CIRC a classé l’aspartame comme "peut-être cancérogène pour l’homme" (groupe 2B) sur la base d’une "indication limitée" de cancer chez l’homme (en particulier, pour le carcinome hépatocellulaire, qui est un type de cancer du foie). En outre, il existait une "indication limitée" de cancer chez l’animal de laboratoire, de même qu’une "indication limitée" concernant les mécanismes possibles d’action cancérogène.

 

Le Comité mixte a conclu que les données évaluées ne fournissaient aucun motif suffisant justifiant une modification de la dose journalière admissible de 0 à 40 mg par kilogramme de poids corporel (en anglais) précédemment établie pour l’aspartame. Par conséquent, le Comité mixte a réaffirmé qu’une personne peut consommer de l’aspartame sans risque dans la limite de cette quantité journalière. Par exemple, avec une canette de boisson gazeuse light contenant 200 ou 300 mg d’aspartame, un adulte pesant 70 kg devrait consommer plus de 9 à 14 canettes par jour pour dépasser la dose journalière admissible, en supposant aucun autre apport en aspartame provenant d’autres sources alimentaires. »

 

Mais l'exercice avait eu ses limites :

 

« "Le Comité mixte a également examiné les éléments de preuve concernant le risque de cancer, dans le cadre d’études menées chez l’animal et chez l’homme, et a conclu que les données faisant état d’une association entre la consommation d’aspartame et le cancer chez l’homme ne sont pas convaincantes", a déclaré le Dr Moez Sanaa, Chef de l’Unité Normes et avis scientifiques sur l’alimentation et la nutrition de l’OMS. »

 

En fait, la conclusion générale du JECFA est encore plus large :

 

« Dans l'ensemble, le comité a conclu qu'il n'y avait pas de preuves convaincantes provenant de données expérimentales sur les animaux ou sur l'homme que l'aspartame a des effets indésirables après ingestion. Cette conclusion est étayée par le fait que l'aspartame est entièrement hydrolysé dans le tractus gastro-intestinal en métabolites qui sont identiques à ceux absorbés après la consommation d'aliments courants, et qu'aucun aspartame ne pénètre dans la circulation systémique. »

 

 

Et les médias ?

 

On peut faire court : dans la plupart des cas, ils se sont concentrés sur le classement par le CIRC.

 

Même l'ONU, avec « Edulcorant : l’aspartame est "peut-être" cancérogène, selon une 1ère évaluation de l’OMS »...

 

Avec toujours des problèmes de conformité aux faits. Même le Quotidien du Médecin ,« Le Circ classe l'aspartame comme cancérogène probable, mais le risque reste contenu selon l'OMS et la FAO »... Non, ce n'est pas « probable » et le risque n'est pas « contenu », mais nul. On s'expose à une intoxication à l'eau bien avant d'atteindre la dose journalière admissible d'aspartame.

 

Parmi les morceaux d'anthologie : cet articulet du Monde, avec Reuters (tiens donc... après la fuite...), « L’aspartame classé comme "cancérogène possible" ». En chapô :

 

« VIDÉO La dangerosité potentielle de cet édulcorant, parmi les plus répandus du marché, vient d’être reconnue par l’OMS. »

 

Et, en bref, aucune référence à l'évaluation rassurante du JECFA, mais :

 

« Concrètement, cela signifie que le niveau de preuves scientifiques n’est, pour le moment, pas suffisant pour qualifier définitivement l’aspartame d’agent cancérogène, mais que des signaux sérieux existent. »

 

 

La FDA réagit sans délai !

 

Des signaux sérieux (alors qu'ils sont au mieux faibles) ?

 

C'est apparemment un événement rare : la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis d'Amérique a réagi publiquement, le jour même de l'annonce par l'OMS, au classement en « peut-être cancérogène » de l'aspartame :

 

« La FDA n'est pas d'accord avec la conclusion du CIRC selon laquelle ces études justifient la classification de l'aspartame comme cancérogène possible pour l'homme. Les scientifiques de la FDA ont examiné les informations scientifiques incluses dans l'étude du CIRC en 2021, lorsqu'elles ont été mises à disposition pour la première fois, et ont identifié des lacunes importantes dans les études sur lesquelles le CIRC s'est appuyé. Nous notons que le JECFA n'a pas soulevé de problèmes de sécurité pour l'aspartame dans les niveaux d'utilisation actuels et n'a pas modifié la dose journalière admissible (DJA). »

 

 

Des dysfonctionnements patents

 

« ...les données faisant état d’une association entre la consommation d’aspartame et le cancer chez l’homme ne sont pas convaincantes », selon le Dr Moez Sanaa, de l'OMS (et le JECFA) ? C'est un euphémisme !

 

Nous ne disposons à ce stade que d'un résumé des travaux du CIRC dans The Lancet. Mais il est déjà instructif.

 

Le groupe de travail était composé de 25 chercheurs de 12 pays... mais six des États-Unis d'Amérique (ils étaient sept sur 16, plus le fameux Christopher Portier, pour le glyphosate ; et dans le cas des pompiers, 11 sur 25).

 

Ils n'ont déclaré aucun conflit d'intérêts. Pourtant, au moins quatre d'entre eux ont co-signé des études sur l'aspartame : Mmes Mélanie Deschasaux-Tanguy et Mathilde Touvier (une étude fondée sur la cohorte NutriNet-Santé – qui n'a du reste pas trouvé grâce aux yeux du groupe de travail), M. Daniele Mandrioli (de l'Institut Ramazzini) et Mme Marjorie L. McCullough (une des études retenues).

 

Intéressante, cette étude (Sugar- and Artificially-Sweetened Beverages and Cancer Mortality in a Large U.S. Prospective Cohort – boissons sucrées et artificiellement sucrées et mortalité par cancer dans une grande cohorte prospective américaine) : le résumé ne comporte aucune indication sur les boissons artificiellement sucrées.

 

Ce n'est pas une preuve, mais une suggestion : on a dû fouiller dans tous les recoins pour trouver quelque chose qui puisse étayer un « preuves limitées » pour la cancérogénicité chez l'homme.

 

« Sweetened beverage consumption and risk of liver cancer by diabetes status: A pooled analysis » (consommation de boissons sucrées et risque de cancer du foie en fonction du statut diabétique : une analyse groupée) présente une analyse nuancée. Mais quand des rapports de risques ont été mentionnés – y compris pour le sucre – les limites inférieures étaient très proches de 1, donc de l'absence de signification statistique.

 

La troisième étude, « Consumption of soft drinks and juices and risk of liver and biliary tract cancers in a European cohort (consommation de boissons gazeuses et de jus de fruits et risque de cancer du foie et des voies biliaires dans une cohorte européenne) a suivi 477.202 personnes sur 11,4 ans et trouvé, sur 191 carcinomes hépatocellulaires (CHC), que « La consommation combinée de boissons gazeuses (>6 portions/semaine) était positivement associée au risque de CHC : HR 1,83 ; CI 95 % 1,11-3,02 ». Mais, en conclusion selon le résumé, « La consommation quotidienne de boissons gazeuses combinées est positivement associée au CHC, mais une association différentielle entre le sucre et l'édulcorant artificiel ne peut être écartée. »

 

Dans un deuxième article publié par le Monde (mis en ligne le même jour et à la même heure que celui évoqué ci-dessus – 00h30, heure de fin de l'embargo fixé par l'OMS), on impressionne le lecteur en chapô : « Le CIRC s’appuie sur 1 300 études scientifiques parues ces dernières années ».

 

Non ! Trois études pour la cancérogénicité chez l'homme et quatre études sur la cancérogénicité chez l'animal... du très contesté Institut Ramazzini. Et encore, il a fallu bien des contorsions pour leur trouver du mérite en minimisant ou écartant les objections (idem pour les études sur les mécanismes, non référencées dans l'article du Lancet)...

 

Et pourtant...

 

« Une minorité du groupe de travail n'a pas partagé ces préoccupations concernant cette série d'études et a considéré que les preuves de cancer chez les animaux de laboratoire étaient "suffisantes" ; ils ont donc soutenu une classification dans le groupe 2A plutôt que dans le groupe 2B pour l'aspartame. »

 

 

Cancérogène... envers et contre tout

 

On aurait donc écarté quelque 1.290 études... Il sera du reste intéressant de consulter la monographie une fois qu'elle sera publiée pour voir les avis du groupe de travail sur les études écartées. Du reste, si l'on veut trouver un intérêt dans les monographies, c'est peut-être dans le tri qu'elles opèrent entre études considérées (à tort ou à raison) comme digne d'intérêt et les innombrables autres.

 

Mais ce n'était pas assez selon le Dr Moez Sanaa et le JECFA.

 

Selon un article de 2019 de Carr J. Smith et Thomas A. Perfetti, « An approximated one-quarter of IARC Group 3 (unclassifiable) chemicals fit more appropriately into IARC Group 4 (probably not carcinogenic) » (environ un quart des substances chimiques du groupe 3 (inclassables) du CIRC correspondent mieux au groupe 4 (probablement non cancérogènes) du CIRC). On peut sans doute faire la même analyse pour les groupes supérieurs.

 

Cela ne posait pas de problème particulier tant que ces classements touchaient un public restreint et averti. Mais aujourd'hui, à l'Âge Facebook de la Science, elles sont instrumentalisées par des lobbies, par des entités qui font commerce de la peur (y compris pour le compte d'intérêts économiques concurrents), par des hommes politiques, par des médias...

 

Et ce, au mépris de la portée et de la signification réelle des classements – sérieux ou contestables, voire franchement inacceptables – quant au danger et non aux risques.

 

On bourre actuellement le mou du public sur l'aspartame – on incite implicitement des consommateurs à se tourner vers le sucre, peut-être plus problématique pour leur santé – alors qu'il ne se passe pas un jour sans que l'on voie une publicité pour un produit contenant de l'Aloe vera... également classé « cancérogène possible »...

 

 

C'est parti pour les grandes manœuvres

 

Mais ces produits ne sont pas commercialisés par Coca Cola et Cie... aux poches profondes. Les avocats prédateurs états-uniens seront sans doute déçus par ce classement... mais rien n'est perdu... Cependant, les perspectives ne semblent pas extraordinaires. Nous n'avons pas vu de racolage massif.

 

 

(Source)

 

 

Les manœuvres commencent à se mettre en place.

 

US Right to Know a trouvé un journal français pour, le 19 juillet 2023, initier une manœuvre qu'on a déjà vue pour le glyphosate, avec « Nouvelles recommandations sur l’aspartame : les liaisons dangereuses de certains experts avec Coca et Pepsi ». Et dans son article du même jour, a priori postérieur, Gary Ruskin cite Gaël Lombart du Parisien, un message subliminal pour faire porter l'initiative de l'attaque contre des membres du JECFA à ce dernier.

 

 

Gary Ruskin, c'est... US Right to Know. (Source)

 

 

Parce que, figurez-vous, au moins six des 13 experts du JECFA ont collaboré un jour avec l'International Life Sciences Institute (ILSI), « a longtime Coca-Cola front group » (un groupe de façade de longue date de Coca-Cola).

 

Cherchez par exemple Diane Benford et ILSI, et vous tomberez sur « Application of the Margin of Exposure (MOE) approach to substances in food that are genotoxic and carcinogenic » (application de l'approche de la marge d'exposition (ME) aux substances génotoxiques et cancérogènes présentes dans les denrées alimentaires) qu'elle a co-rédigé dans le cadre d'un groupe d'experts établi par l'ILSI (avec du reste trois autres membres du JECFA, MM. Michael DiNovi, Jean-Charles Leblanc et Josef Schlatter)... en 2009.

 

Mme Diane Benford a aussi signé « The Acceptable Daily Intake: A Tool for Ensuring Food Safety » (la dose journalière admissible : un outil pour garantir la sécurité alimentaire), une monographie succincte de l'ILSI... en 2000. Ce genre de coopération suffit pour monter des allégations de conflits d'intérêts qui, nécessairement pour la faune militante, vicie et invalide un avis qui lui déplaît. Pour tous les mis en cause – et à perpétuité condamnés – l'association avec l'ILSI date de dix ans et plus...

 

Le Parisien, toujours sous la même signature, a même tenté d'impliquer Bayer dans une cabale, alléguée et imaginaire, contre le CIRC :

 

« "L’intérêt de Bayer est de discréditer le CIRC, en raison de sa classification du glyphosate comme probablement cancérogène", croit deviner Gary Ruskin, directeur de l’ONG américaine US Right to Know»

 

 

Stacy Malkan, c'est... US Right to Know. (Source)

 

 

________________

 

André Heitz est ingénieur agronome et fonctionnaire international du système des Nations Unies à la retraite. Il a servi l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV) et l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI). Dans son dernier poste, il a été le directeur du Bureau de coordination de l’OMPI à Bruxelles.

 

Une version de cet article a été publiée sous un autre titre par Contrepoints.

 

 

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