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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Point de vue : Ne pas blâmer le bétail pour le changement climatique

26 Juin 2023 Publié dans #Elevage, #Climat

Point de vue : Ne pas blâmer le bétail pour le changement climatique

 

Jack DeWitt, AGDAILY*

 

 

Threemile Canyon Farms prend des mesures tout au long de la traite pour réduire le stress et l'anxiété des animaux. (Photo : Threemile Canyon Farms)

 

 

Les vaches et le méthane. Vous avez certainement entendu dire que les rots des vaches sont une source importante de méthane, un gaz à effet de serre très actif. Les sources varient, mais certaines affirment que les ruminants, dont les vaches ne sont qu'un exemple, sont responsables de 16 % des émissions mondiales de méthane.

 

Que sont les ruminants ? Les ruminants ont un estomac spécialisé, appelé rumen, qui abrite des bactéries et d'autres organismes qui fermentent l'herbe et d'autres aliments végétaux, transformant des fibres autrement indigestes en composés que le ruminant peut utiliser pour sa croissance et son entretien. Mais une catégorie d'organismes, les méthanogènes, qui travaillent dans l'environnement pauvre en oxygène du rumen, utilisent certains de ces produits de fermentation pour leur croissance et leur entretien, en libérant du méthane comme sous-produit. Le ruminant rejette ce méthane dans l'atmosphère.

 

Mais voici quelque chose que vous n'avez probablement jamais entendu lorsque les vaches sont accusées d'être une cause majeure du réchauffement climatique : le méthane contient un atome de carbone et quatre atomes d'hydrogène. L'atome de carbone qu'un ruminant éructe provient du dioxyde de carbone qu'une plante a prélevé dans l'atmosphère. Le méthane libéré par la panse se décompose en dioxyde de carbone au bout de 10 à 12 ans d'errance dans l'atmosphère.

 

Ce cycle se poursuit depuis des milliers d'années, depuis que la famille des ruminants – qui comprend les bovins pour la viande et le lait, les bovins pour le travail de traction, les moutons, les chèvres, les élans, les cerfs, les antilopes, les bisons, les gnous, les girafes, etc. – pâture sur la Terre et rote du méthane. Compte tenu des grands troupeaux de bisons (60 à 100 millions) et d'autres herbivores qui existaient avant que l'homme ne remplace la plupart d'entre eux par du bétail, on peut supposer que le méthane dans l'atmosphère provenant de tous les types de ruminants n'a pas beaucoup changé depuis des dizaines de milliers d'années.

 

 

 

 

Vous avez certainement entendu dire que les bovins qui vivent toute leur vie dans les pâturages (c'est-à-dire le bœuf nourri à l'herbe) émettent moins de méthane. Ce n'est pas vrai.

 

La digestion des graminées et des légumineuses des pâturages nécessite des communautés de microflore robustes dans le rumen (le premier des quatre estomacs) pour décomposer la lignine et d'autres glucides complexes qui donnent aux plantes en croissance la force de se tenir debout et de résister aux aléas de l'environnement : vent, sécheresse, inondations, insectes, maladies. Elles ne peuvent pas courir, elles doivent se défendre sur place. Les graines de ces plantes, en revanche, sont riches en graisses, en huiles et en amidons faciles à digérer, pour une énergie rapide et facile à obtenir, afin de donner aux plantes une bonne chance de survivre aux premières semaines vulnérables de leur vie. Les graines de céréales et de légumineuses sont particulièrement bien adaptées à l'alimentation animale (et humaine).

 

Ainsi, lorsqu'un ruminant est nourri avec des céréales, les méthanogènes sont court-circuités et moins de méthane est produit. L'animal consacre une plus grande partie de son alimentation à sa croissance et à son entretien. C'est pourquoi le bétail des parcs d'engraissement grossit beaucoup plus vite et plus efficacement que le bœuf nourri à l'herbe. Il faut deux à trois ans pour amener un bovin élevé en pâturage à l'état d'abattage. Le bœuf des parcs d'engraissement passe un an dans les pâturages et six mois avec une ration riche en céréales.

 

Le temps écoulé entre la naissance et l'abattage signifie à lui seul que le bœuf nourri aux céréales produit moins de méthane, et le fait que les rations soient riches en céréales entraîne moins de rots de méthane.

 

 

 

 

Les critiques affirment que « l'herbe est l'aliment naturel du bétail, pas les céréales ». Là encore, ce n'est pas tout à fait vrai. Les céréales sont comme des bonbons pour le bétail. Si elle (ou il) s'introduit dans le grenier, elle (ou il) mangera jusqu'à ce qu'elle (ou il) soit très malade, voire se tuera. Les céréales sont des aliments à haute teneur en énergie – elles doivent être mélangées à du fourrage.

 

Quoi qu'il en soit, de nombreuses mesures sont prises pour réduire les émissions de méthane des vaches. La recherche sur les additifs alimentaires qui suppriment les méthanogènes est en cours depuis des années. En juillet 2020, Burger King a lancé un hamburger « à teneur réduite en méthane » sur certains marchés, affirmant avoir réduit les émissions de méthane de 33 % en ajoutant de petites quantités de citronnelle (à forte teneur en huile de citronnelle) à la ration des animaux en parc d'engraissement. Étant donné que la citronnelle n'est utilisée que dans les parcs d'engraissement, les scientifiques affirment que la réduction à long terme n'est que de trois pour cent.

 

Des recherches ont montré qu'il était possible de réduire le méthane des parcs d'engraissement de 50 % en ajoutant des nitrates à la ration, mais le dosage entre l'innocuité et la toxicité est étroit. Une classe de composés qui s'est avérée sûre et efficace est celle des ionophores, des composés qui inhibent le transport des ions à travers les parois cellulaires. Ils ne tuent pas les bactéries ou les archées, mais suppriment leur croissance et leur reproduction. Ces composés sont donc classés comme antibiotiques, mais ne sont pas des antibiotiques utilisés en médecine humaine et ne sont pas réglementés par la Directive sur les Aliments pour Animaux Vétérinaires qui limite l'utilisation des antibiotiques. L'ionophore monensine est couramment utilisé dans la production de viande bovine et peut entraîner un gain d'efficacité de 7 à 10 % du poids des aliments, avec une réduction correspondante de la production de méthane.

 

L'impact du bétail sur le méthane aux États-Unis est nettement inférieur à ce qu'il était il y a 50 ans et continue de diminuer en raison des gains d'efficacité dans la production de viande bovine et de lait. En 1970, 12,5 millions de vaches laitières produisaient 53,25 millions de kilos de lait. En 2019, 9,3 millions de vaches ont produit 99 millions de kilos, soit 86 % de lait en plus pour 26 % de vaches en moins. Depuis janvier 2000, la production de lait par vache a augmenté de 28 % et l'industrie laitière produit aujourd'hui 30 % de lait en plus avec un peu plus de vaches.

 

Le nombre de bovins de boucherie a diminué de 6 % depuis 1970, mais la production de viande à partir de ces bovins a augmenté de 25 %, en partie grâce à un poids plus important à l'abattage, rendu possible par l'élevage d'animaux présentant des taux de croissance plus élevés et une meilleure efficacité alimentaire. Il faut s'attendre à ce que ces tendances en matière d'efficacité se poursuivent.

 

Il faut également s'attendre à ce que les émissions de méthane provenant des lagunes à lisier des grandes exploitations laitières diminuent continuellement, car de plus en plus de propriétaires couvrent leurs lagunes et utilisent le méthane produit.

 

Threemile Canyon Farms à Boardman, dans l'Oregon, l'une des plus grandes exploitations laitières des États-Unis (35.000 vaches laitières et 70.000 bovins au total), a récemment modernisé son digesteur de méthane installé en 2012. Le digesteur alimente trois générateurs électriques qui peuvent produire un total de 4,8 mégawatts. (Une éolienne typique peut produire de 2,5 à 3 mégawatts, un barrage moyen de la rivière Snake, 1.000 mégawatts). La modernisation, d'un coût de 30 millions de dollars, convertit le méthane en gaz naturel renouvelable qui peut être injecté dans les conduites de gaz naturel menant aux habitations et aux entreprises.

 

 

 

 

Les résidus solides du digesteur fournissent des nutriments pour une grande partie des 16.000 hectares de cultures biologiques et non biologiques de la ferme. Il s'agit d'un système en boucle fermée : les vaches mangent, font leurs besoins, les excréments sont recueillis dans un lagon couvert, des micro-organismes les digèrent et émettent du méthane, le méthane est brûlé pour produire de l'électricité, et les solides restants nourrissent les cultures qui nourrissent les vaches.

 

Bienvenue dans l'avenir, dont l'agriculture responsable est le pionnier.

 

Au niveau mondial, la plus grande source de dioxyde de carbone est l'industrie des combustibles fossiles – pétrole, gaz naturel et charbon. Les ruminants seraient responsables de 16 % des émissions, mais comme je l'ai dit au début, ce méthane a été fabriqué à partir du dioxyde de carbone présent dans l'atmosphère et se décomposera à nouveau en dioxyde de carbone dans 10 à 12 ans. Le traitement des eaux usées et les déchets animaux contribuent chacun à hauteur de 5 %. Les termites en émettent 4 %. La culture du riz représente 12 %, car les méthanogènes se développent bien dans les sols gorgés d'eau, où les niveaux d'oxygène sont supprimés. Les décharges et la combustion de la biomasse représentent 14 %. Les zones humides et autres sources naturelles représentent 25 %.

 

On estime à 1,5 milliard le nombre de bovins dans le monde. Si on y ajoute les ruminants sauvages, le nombre total de ruminants s'élèverait à environ 2 milliards, tous rotant du méthane. Certaines personnes veulent éliminer un milliard de bovins et convertir les gens au végétalisme. Mais les humains rejettent aussi du méthane, et un régime végétalien en double la quantité. Et nous sommes 8 milliards. Peut-être qu'obtenir toutes nos protéines à partir de haricots et de pois serait un changement à somme nulle ? (Je plaisante.)

 

En octobre 2022, le Congressional Research Service a attribué 11 % des émissions de gaz à effet de serre des États-Unis à l'agriculture et à la sylviculture ; il crédite ces industries – qui absorbent de grandes quantités de carbone atmosphérique dans le sol et les tissus végétaux – de la compensation de 13 % des émissions totales de gaz à effet de serre des États-Unis, soit un résultat net positif de 2 % pour ces industries. Alors, s'il vous plaît, n'accusez pas les vaches !

 

______________

 

Jack DeWitt est un agriculteur-agronome dont l'expérience agricole s'étend sur plusieurs décennies, depuis la fin de l'élevage de chevaux jusqu'à l'âge du GPS et de l'agriculture de précision. Dans son livre « World Food Unlimited », il raconte tout et prédit comment nous pouvons avoir un monde futur avec une nourriture abondante. Une version de cet article a été republiée à partir d'Agri-Times Northwest.

 

Source : Perspective: Don't blame cattle for climate change | AGDAILY

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D
Le plus drôle dan cette histoire, c'est que l'on voudrait mettre des contraintes pour limiter la production de méthane des vaches (via des additifs astucieusement imposés par la réglementation, je vous prie de croire qu'il y a des groupes de pression sur ce sujet), alors que nous sommes parfaitement incapables de mesurer les conséquences sur le méthane atmosphérique, tant la part du méthane ruminal est faible.<br /> <br /> https://atmosphere.copernicus.eu/charts/packages/cams/products/methane-forecasts?base_time=202306250000&layer_name=composition_ch4_totalcolumn&projection=classical_global&valid_time=202306250300<br /> <br /> Les calculs se feront à partir de modèles...ça nous rappelle d'autres histoires...
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