Une alternative aux pesticides : la musique ?!
(Source)
France 3 Régions Occitanie a publié le 22 février 2023 un étonnant « VIDEO. De la musique dans les vignes pour lutter contre les champignons et les maladies parasitaires ».
En chapô et en résumé :
« Dans un vignoble du pays de Limoux, on berce les raisins et les ceps au son de la musique. C'est une alternative totalement naturelle pour lutter contre certains champignons qui parasitent les vignes de l'Aude. Diffuser une mélodie à la place d'un herbicide ou d'un insecticide, c'est peut-être la solution pour la viticulture bio de demain. »
Deuxième phrase péremptoire... troisième phrase prudente...
Mais la vidéo d'1:46 minutes – avec trois personnes interviewées entièrement acquises à la « chose » et aucune contradiction ou mise en perspective – et le texte ne sont pas, prudents.
C'est une séquence plus courte, dont je n'ai pas retrouvé la source originale. (Source)
Prenons le de l'INRAE :
« L’esca est une maladie du bois de la vigne provoquée par un ensemble de champignons parasites (en particulier Phaeomoniella chlamydospora, Phaeoacremonium minimum, Fomitiporia mediterranea). […] Les symptômes de l’esca sont caractéristiques : nécroses du tronc, dessèchement des baies et des feuilles, bande brune le long des tiges symptomatiques. [...] »
Bref, sans traitement, le cep est condamné. Et des traitements curatifs, il n'y en plus depuis l'interdiction des produits à base d'arsenic. Ne restent que la prophylaxie en pépinière et l'arrachage.
France 3 Régions Occitanie écrit donc :
« Seule solution, insolite, une berceuse régénérative, aux propriétés étonnantes. Diffusée deux fois par jour pendant huit minutes, la musique doit permettre au bois de renforcer ses défenses immunitaires, en amplifiant un phénomène déjà naturellement présent dans la vigne. »
On a un début de réponse sur le fonctionnement de la « solution » :
« Chaque fois que des protéines se développent, il y a une fréquence qui est émise. Cette fréquence est reproduite en fréquences sonores. C'est cela qui est transformé en gammes audibles par le boitier et diffusé dans la vigne. »
Et c'est miraculeux :
« Des solutions alternatives qui influent également sur le stress hydrique de la plante et pourraient même soigner d'autres maladies. »
Enfin...
« La promesse de la diffusion de cette mélodie est de soigner 60 à 70% de la vigne. Les premiers effets pourront être observés dans un an. »
Les auteurs de cette prose se sont-ils relus ? Ont-ils pris des informations au-delà des personnes interviwées ? Se sont-ils même demandé pourquoi cette « solution » n'était pas plus répandue ?
Bref, où sont le bon sens et la rationalité ?
L'information avait aussi été donnée par la Dépêche le même jour, avec un titre piège à clics, « Limoux : de la musique diffusée dans les vignes pour lutter... contre la maladie du bois », mais avec un angle très différent :
« Pour lutter efficacement contre l’esca, maladie du bois, sans pour autant utiliser de produits chimiques, les techniciens de la cave coopérative se lancent dans une expérimentation musicale. Sur une parcelle de 15 hectares, un boîtier diffuse des ondes sonores censées stimuler la fabrication de protéines. »
Cette histoire de musiques – de « génodique » et de « protéodies » – censées stimuler la production de certaines protéines ayant des effets bénéfiques sur la santé des plantes, c'est... une longue histoire. Nous l'avons évoquée en novembre 2017 dans « Contre les virus, de la musique... c'est de la flûte ! ».
Avec un petit florilège d'articles de presse dignes des heures les plus sombres de l'obscurantisme. Et les propos – disons – étonnants émanant de l'INRAE (mais en partie compréhensibles).
France 3 Régions Occitanie vient d'ajouter une pièce. Il y en a eu d'autres depuis 2017. Souvent avec le même mélange d'affirmations à l'indicatif et de propos au conditionnel.
Cela pose la double question de la compétence et de la déontologie journalistiques.
Mais on peut aussi prendre cela pour une invitation faite en particulier aux France 3 Régions qui ont produit des séquences et des articles par le passé de visiter à nouveau les exploitations qui ont mis en place le système pour nous informer des résultats. Enfin du ressenti des viticulteurs concernés.
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