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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

« Des objectifs audacieux pour la biotechnologie et la biofabrication aux États-Unis » ?

29 Mai 2023 Publié dans #Etats-Unis d'Amérique, #Biotechnologies

« Des objectifs audacieux pour la biotechnologie et la biofabrication aux États-Unis » ?

 

Charles R. Santerre, ACSH*

 

 

Image  : 12222786 de Pixabay

 

Le récent rapport de l'Office of Science and Technology Policy démontre que le gouvernement fédéral n'est pas sérieux lorsqu'il s'agit de nourrir le pays ou de développer une bioéconomie forte. L'évaluation de la Maison Blanche contient des initiatives irréalisables vieilles de plusieurs décennies. Nous posons donc la question suivante  : l'administration propose-t-elle un programme « audacieux » et « innovant » ou se concentre-t-elle simplement sur des initiatives climatiques, tandis que la Chine fait progresser sa bioéconomie ?

 

 

La bioéconomie désigne la partie de l'économie, les produits, les services et les processus dérivés des ressources biologiques (par exemple, les plantes et les micro-organismes). La bioéconomie englobe de nombreux secteurs, tels que l'agriculture, les textiles, les produits chimiques et l'énergie.

 

En mars 2023, l'Office of Science and Technology Policy (OSTP) a publié un rapport intitulé « Bold Goals for U.S. Biotechnology and Biomanufacturing » (objectifs audacieux pour la biotechnologie et la biofabrication aux États-Unis), conformément à un décret du président Biden. Ce rapport présente la vision de plusieurs agences fédérales, dont les départements de l'énergie, de l'agriculture, du commerce, de la santé et des services sociaux et la National Science Foundation, pour « transformer l'économie américaine afin de parvenir à des émissions nettes de gaz à effet de serre (GES) nulles d'ici à 2050 ». Le rapport étant principalement axé sur le climat, il est notable que l'EPA n'y figure pas.

 

Le rapport de l'OSTP préconise l'utilisation de produits agricoles, comme la canne de maïs [1], pour produire de l'énergie. À première vue, l'utilisation de la biomasse agricole à des fins énergétiques (c'est-à-dire la transformation du maïs en éthanol) a profité financièrement aux producteurs agricoles et aux fermenteurs, mais si l'on tient compte des incidences sur l'environnement, elle ne nous a pas permis d'atteindre nos objectifs climatiques.

 

  • La production intensive de maïs pour l'éthanol profite aux producteurs en augmentant la valeur marchande du maïs et du soja et en produisant des drêches de distillerie (un produit de fermentation riche en protéines) pour l'alimentation animale.

     

  • L'EPA rapporte que les impacts négatifs ne sont pas négligeables et comprennent la diminution des réserves et de la qualité des eaux souterraines, le ruissellement des nutriments créant des proliférations d'algues en aval (c'est-à-dire des marées rouges) et l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre.

     

  • L'éthanol ne présente que peu d'avantages lorsqu'il est ajouté aux carburants automobiles, si ce n'est qu'il permet de parler de la réduction de l'utilisation des combustibles fossiles.

     

  • La récolte de la biomasse agricole, comme la canne de maïs, pour créer de l'énergie prive le sol d'éléments nutritifs importants, qui doivent être remplacés par des engrais (que l'accord de Paris espère éliminer). Les cannes de maïs sont utilisées pour restituer les nutriments au sol, et elles sont également utilisées pour fabriquer de l'ensilage destiné à l'alimentation animale et font partie intégrante de la production de bétail.

     

  • L'augmentation des prix du maïs et du soja résultant de l'utilisation de produits agricoles pour la production de biocarburants constitue une difficulté pour les consommateurs marginaux de la planète.

 

Au cours des dernières décennies, des tentatives ont été faites pour convertir la biomasse forestière en énergie. Mais notre capacité à collecter, transporter et fermenter ces produits lignocellulosiques (végétaux secs) pour en faire de l'éthanol n'est pas économiquement viable. Certaines installations peuvent produire des produits de fermentation d'une valeur supérieure à celle de l'éthanol, ce qui améliore la rentabilité de ces opérations, mais l'impact global est négligeable. Trouver une utilisation viable pour la biomasse lignocellulosique permettrait de réduire la quantité de combustible sur les sols forestiers ainsi que le risque et l'ampleur des incendies de forêt.

 

Un autre sous-produit agricole qui devrait être considéré comme un biocarburant est l'huile de restaurant usagée ou épuisée, la graisse jaune. En plus de fournir un substitut au gazole, il permettrait d'éliminer les préoccupations liées à l'introduction d'acides gras trans et de produits chimiques toxiques dans l'alimentation animale. L'augmentation de la production agricole pour produire des biocarburants ne fera que stresser les ressources actuelles telles que la qualité et la disponibilité de l'eau et les nutriments du sol, tout en n'atteignant pas l'objectif déclaré de réduire les émissions de GES de 50 % d'ici 2030. Laissons l'agriculture se concentrer sur l'alimentation humaine et animale et sur les fibres. Tout le reste rapproche le monde de la famine, en particulier lorsque des gouvernements étrangers mettent fin aux activités des producteurs agricoles pour atteindre les objectifs climatiques de l'Accord de Paris.

 

Le rapport vante les nouvelles utilisations de la biotechnologie, mais n'identifie pas le fait que toutes les cultures et le bétail biotechnologiques sont bénéfiques pour l'environnement. Les biotechnologies améliorent la génétique des cultures et du bétail et, à leur tour, améliorent l'efficacité agricole, la capacité de production et la gestion de l'environnement. Par exemple, le maïs et le cotonnier Bt, tout en augmentant le rendement, réduisent :

 

  • le besoin de terres supplémentaires (et protègent donc des forêts tropicales critiques) ;

     

  • l'érosion en réduisant le passage des tracteurs dans les champs pour les traitements phytosanitaires (ce qui réduit les marées rouges d'algues) ;

     

  • l'utilisation de pesticides, en particulier ceux qui tuent les espèces non ciblées ;

     

  • les gaz à effet de serre ;

     

  • la contamination des eaux souterraines par les pesticides ;

     

  • l'utilisation de combustibles fossiles.

 

Le soja HT augmente le rendement tout en remplaçant les pesticides les plus toxiques par un pesticide plus sûr (le glyphosate). Il réduit les GES et le travail manuel pour le désherbage (une tâche difficile effectuée principalement par les femmes dans les pays en développement).

 

La pomme Artic™ et la pomme de terre Innate™ réduisent les déchets en ralentissant le brunissement ; les tomates biotechnologiques se ramollissent plus lentement à mesure qu'elles mûrissent, ce qui prolonge la durée de conservation et réduit les déchets. Le papayer biotechnologique contrôle une maladie dévastatrice et augmente ainsi le rendement. Le saumon biotechnologique améliore l'indice de consommation, et un porc résistant au syndrome reproducteur et respiratoire porcin permet de lutter contre un virus porcin mortel, entraînant des pertes économiques importantes. Le rapport ne comprend pas que de nombreuses autres avancées passionnantes dans le domaine de l'agriculture de production nous attendent. Ces progrès seront bénéfiques pour notre climat, mais seulement si nous éliminons le plus grand obstacle à la réalisation de nouvelles avancées biotechnologiques et au renforcement de notre bioéconomie, à savoir la réglementation fédérale.

 

Le système actuel d'approbation des nouveaux produits biotechnologiques est lent et coûteux et ne fait rien pour protéger les consommateurs et l'environnement ou améliorer le bien-être des animaux (c'est-à-dire ses principaux objectifs). Le système actuel favorise également les grandes entreprises de biotechnologie (Bayer, Syngenta, BASF, Corteva) en écartant du marché les entités plus petites (universités, laboratoires de l'USDA-ARS et petites entreprises), ce qui réduit la concurrence et l'innovation. Si les États-Unis veulent vraiment atteindre leurs objectifs en matière de climat, il faut que le gouvernement se retire du chemin et qu'il s'abstienne de dire au marché libre quels produits développer. Les innovateurs sont plus créatifs que les bureaucrates fédéraux, mais tant que le gouvernement leur met la pression, ils ne peuvent pas faire ce qu'ils font le mieux (c'est-à-dire résoudre des problèmes).

 

Une approche vraiment « audacieuse » consisterait à éliminer ou à réduire considérablement la réglementation fédérale sur les cultures et le bétail biotechnologiques.

 

Pendant que nous nous débattons avec un « agenda climatique » et que nous prétendons être sérieux sur des questions cruciales, comme la bioéconomie américaine, la Chine, notre plus grand concurrent, développe ou vole des produits nouveaux et innovants. Les initiatives décrites dans le rapport de l'OSTP prouvent que le gouvernement américain ne peut pas construire une bioéconomie forte parce qu'il ne comprend pas l'importance de l'innovation par le secteur privé, ni le rôle approprié du gouvernement. Pour être compétitifs, nous devons éliminer les réglementations fédérales de valeur douteuse qui étouffent l'innovation.

 

Les opinions exprimées ici sont uniquement celles de l'auteur et non celles des organisations auxquelles il est affilié.

 

______________

 

[1] Les cannes de maïs désignent les tiges, les feuilles et les rafles restant après la récolte du maïs.

 

* Charles R. Santerre, Ph.D., est directeur au College of Agriculture, Forestry, and Life Sciences pour le développement de la politique agricole et professeur à l'Université de Clemson, où il était auparavant directeur du Département des Sciences de l'Alimentation, de la Nutrition et de l'Emballage. Il a précédemment occupé le poste de conseiller politique principal pour l'agriculture et la santé à la Maison Blanche. Il a été nommé au comité consultatif sur les aliments du Centre pour la Sécurité Alimentaire et la Nutrition Appliquée de la FDA et a été sélectionné comme membre de l'Association Américaine pour l'Avancement de la Science – Science & Technology Policy Fellow.

 

Source : ‘Bold Goals for U.S. Biotechnology and Biomanufacturing’ | American Council on Science and Health (acsh.org)

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