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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Abeilles – parasites, pesticides et changement climatique

14 Avril 2023 Publié dans #Abeilles, #Pesticides, #Climat

Abeilles – parasites, pesticides et changement climatique

 

Chuck Dinerstein*

 

 

Image : marian anbu juwan de Pixabay

 

 

Les abeilles sont pour nous vitales ; sans elles, il n'y aurait pas d'amandes, et peu de pommes, d'oignons, de myrtilles, de carottes ou même – Dieu nous en garde – de café. Selon le Center for Biological Diversity, « plus de la moitié des 4.000 espèces d'abeilles indigènes d'Amérique du Nord sont en déclin, et une espèce sur quatre est menacée d'extinction ». Selon Food and Water Watch, « les colonies d'abeilles sont en train de mourir massivement, à cause de dangereux pesticides qui les empoisonnent et détruisent leurs habitats ». Une nouvelle étude parue dans Nature bat en brèche cette idée.

 

 

Il ne fait aucun doute que les abeilles mellifères (Apis mellifera) sont en train de dépérir, les États-Unis ayant enregistré une perte de 43 % des colonies d'abeilles en un an. Comme l'a rapporté le New York Times, les amandiers, dont la pollinisation dépend entièrement des abeilles, utilisent 30.000.000.000 d'abeilles par an. Cela nécessite 2.000.000 de ruches. En réalité, les abeilles sont élevées et déplacées dans tout le pays pour polliniser les cultures. En février, elles se rendent en Californie pour polliniser les amandiers ; en mars, elles vont dans le nord-ouest du Pacifique pour polliniser les pruniers, les cerisiers et les pommiers ; en avril, elles arrivent dans le Maine pour polliniser les myrtilliers, puis en Floride pour aider les agrumes, et enfin elles se reposent dans le Dakota pour polliniser le trèfle et les tournesols en mai.

 

L'étude publiée dans Nature s'est appuyée sur une série de données pour décrire les pertes de notre «cheptel » apicole et en identifier les causes. Tout d'abord, les pertes d'abeilles sont en grande partie saisonnières ; la plupart des décès surviennent pendant la période d'hivernage, avant la poussée initiale vers la Californie. Elles tendent à diminuer au printemps, pendant les périodes de pollinisation active jusqu'en mai. Ensuite, il y a toujours une attrition des colonies pendant la période où elles se trouvent parmi le trèfle et d'autres cultures de plein champ dans le Dakota. Les trois principales causes de mortalité sont les parasites et les agents pathogènes, les pesticides et le climat. L'étude de Nature nous donne leurs contributions relatives.

 

 

Parasites – Varroa destructor

 

Varroa destructor est un acarien parasite qui s'accroche à l'abeille et tire son énergie de la succion de la graisse de l'abeille. Il se reproduit dans les cellules de couvain de la colonie et se propage, affaiblissant les abeilles et tuant finalement la colonie. Les populations de V. destructor augmentent et diminuent avec les populations de la colonie, exerçant leur plus grand effet à la fin de l'automne et pendant l'hivernage.

 

 

Pesticides

 

Comme pour toutes les créatures, c'est la dose qui fait le poison, et les abeilles sont sensibles aux pesticides pulvérisés sur les cultures et à ceux répandus sur le sol et qui se retrouvent dans les fleurs et le pollen des plantes. Les néonicotinoïdes, dérivés de la nicotine, sont considérés comme le « méchant acteur » de la disparition des abeilles et de l'effondrement des colonies.

 

 

Climat

 

Les abeilles sont affectées par la météo, qui « influe sur la disponibilité de la nourriture, la capacité de thermorégulation pendant l'hiver et la période initiale d'élevage du couvain au printemps ». L'étude fournit des informations fascinantes sur le climat et ses changements. Plutôt que de se contenter de prendre en compte les moyennes de température, les chercheurs ont examiné deux autres mesures de la centralité des données [1]. Ils ont étudié l'asymétrie des températures, accumulées « à l'une ou l'autre extrémité de la fourchette observée des températures minimales », ainsi que l'aplatissement, une mesure du caractère extrême des valeurs à ces extrémités asymétriques.

 

Les chercheurs ont rassemblé les données dans un modèle de régression. J'utilise les coefficients de ce modèle comme contribution relative de ces trois facteurs. Pour les besoins de cette discussion, les ravageurs seront la valeur de référence pour les pertes d'abeilles mellifères. Les pesticides ont contribué à hauteur de 17 % par rapport à V. destructor – ce qui n'est pas négligeable, peut-être évitable, mais certainement pas le « méchant acteur » que l'on a dépeint. La fourchette standard des températures minimales a contribué à hauteur de 25 %, mais les températures extrêmes, ces changements climatiques, ont contribué à hauteur de 90 % par rapport aux pertes causées par les ravageurs. Plus important encore, les extrêmes de ces changements ont été presque trois fois plus importants en tant que facteur de perte d'abeilles mellifères lorsqu'ils étaient présents.

 

Les parasites et le climat ont davantage contribué à la mort des abeilles que les pesticides. N'oublions pas que les abeilles mellifères sont des animaux d'élevage, élevés dans des structures construites par l'homme, tout comme les poulaillers où les maladies peuvent se propager rapidement. Les abeilles se déplacent tout comme le bétail d'un climat à l'autre. Est-il possible que les humains qui « élèvent » des abeilles mellifères constituent un problème plus important qu'on ne le pensait ?

 

Les éleveurs d'abeilles font de leur mieux pour protéger les colonies des parasites. Les États où les pertes sont les plus faibles, le Montana et le Wyoming, ont le climat le plus stable ; les États où les pertes sont les plus élevées, comme le Nouveau-Mexique, ont les variations les plus fortes et les plus extrêmes. Un climat stable permet aux apiculteurs de mieux prévoir les conditions d'hébergement de leurs colonies.

 

Notre étude suggère que, sur une grande échelle spatio-temporelle, les parasites, les événements climatiques extrêmes et les pesticides sont parmi les facteurs potentiels de la perte de colonies d'abeilles mellifères.

 

L'effondrement des colonies et la disparition des abeilles mellifères ne sont pas dus uniquement aux pesticides. Ils sont liés à l'évolution du climat et à nos méthodes agricoles. Les abeilles mellifères sont une autre forme de bétail, et la manière dont nous les hébergeons et les déplaçons est tout aussi gérable que la manière dont nous déployons les pesticides.

 

_______________

 

[1] Si l'on considère une courbe en cloche, la moyenne est une bonne représentation de la valeur centrale la plus courante. Mais lorsque la courbe est déformée vers l'une ou l'autre de ses extrémités, la moyenne n'est plus une aussi bonne représentation de cette valeur centrale.

 

Source : Honey bee colony loss linked to parasites, pesticides and extreme weather across the United States, Nature Scientific Reports DOI : 10.1038/s41598-022-24946-4

 

Directeur de la médecine. Le Dr Charles Dinerstein, M.D., MBA, FACS, est le directeur médical de l'American Council on Science and Health. Il a plus de 25 ans d'expérience en tant que chirurgien vasculaire.

 

Source : Bees – Parasites, Pesticides, and Climate Change | American Council on Science and Health (acsh.org)

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H
Que M. Dinerstein ne s'inquiète pas ! <br /> Outre la technologie des récoltes puis pulvérisations de pollen en plein développement, et dans le domaine des amandiers, l'Australie a bien dépassé le stade expérimental et a ma connaissance la Californie également, on a des améliorations variétales qui peuvent faire disparaitre le besoin de pollinisateurs :https://www.ars.usda.gov/news-events/news/research-news/2021/researchers-develop-self-pollinating-almond-with-a-gold-mine-of-tasty-traits/<br /> Quand aux carottes et aux oignons, on a un peu l'impression que M. Dinerstien n'est pas au courant qu’on les mange comme nombre de plantes (salades, choux, betteraves...) avant qu’elles soient en fleurs. Seuls les semenciers et leurs agriculteurs multiplicateurs ont, dans ce cas, besoin des abeilles et ces professionnels travaillent avec des apiculteurs eux aussi professionnels qui savent gérer et protéger leurs ruches.
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