Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

« C ce Soir » du 27 février 2023 sur le réchauffement climatique : ras le bol des boniments sur l'agriculture ! Ou peut-être non...

4 Mars 2023 Publié dans #critique de l'information, #Climat

« C ce Soir » du 27 février 2023 sur le réchauffement climatique : ras le bol des boniments sur l'agriculture ! Ou peut-être non...

 

Il ne faut rien laisser passer !

 

 

(Source)

 

 

Les limites de la liberté d'expression ? Non, de diffusion

 

Exercice difficile : comment concilier le respect de la liberté d'expression et d'opinion, et le refus du boniment et des contre-vérités ?

 

Se placer sur le plan de la diffusion : le droit de s'exprimer doit être libre. Celui de diffuser devrait être encadré. Pas forcément sous la forme d'un refus de l'expression.

 

On peut sans aucun doute en appeler à l'éthique de ceux qui programment des plateaux télé. Leur choix fondamental ? Inviter des personnalités compétentes apportant de la qualité au débat, le cas échéant en assurant la contradiction ; ou inviter des personnes apportant une visibilité grâce à des interventions, attendues, « vendeuses » pour elles-mêmes et la puissance invitante, mais problématiques.

 

Bref, faire de l'information ou de l'audience.

 

On peut aussi en appeler à leur sens des responsabilités. Attendre d'eux que des propos erronés soient corrigés ou du moins mis en perspective.

 

On peut enfin dénoncer l'indigence de la communication sur les réseaux sociaux qui consiste à sélectionner les séquences qui suscitent le plus de clics. Tout en reconnaissant, d'une part, que c'est aussi grâce à ce comportement que l'on peut mesurer l'importance de la lie médiatique et, d'autre part, que les propos mis en ligne font l'objet d'un véritable tir d'artillerie...

 

 

Faut-il s'attendre au pire ?

 

Le lundi 27 février 2023, France 5 diffusait un C ce Soir qui avait pour thème : « Réchauffement climatique : s'attendre au pire ? »

 

Le sujet a été introduit par une séquence mettant en scène M. Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique qui, pour exister médiatiquement (à notre sens), avait évoqué la perspective apocalyptique d'un monde à +4 °C et la nécessité de s'y préparer.

 

Les invités ?

 

« - Laure Noualhat, écrivaine, journaliste, autrice de “Bifurquer par temps incertains” aux éditions Tana (26.01.23)

 

- Rachel, militante et porte-parole de Dernière Rénovation

 

- Antoine Buéno, essayiste, conseiller au Sénat sur la prospection et le développement durable, auteur de "L’effondrement (du monde) n’aura (probablement) pas lieu" aux éditions Flammarion (19/10/2022)

 

- Emma Haziza, hydrologue, fondatrice du centre de recherche Mayane

 

- David Amiel, député Renaissance de Paris »

 

 

Sols, pesticides, « bassines », maïs... effondrement de filières

 

Voici une des déclarations de Mme Emma Haziza mises en ligne sur Twitter (c'est l'image en début d'article) :

 

« Je crois que si on parle des agriculteurs, il y a une question qui est majeure. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, toutes nos terres sont aussi notre salut. C'est-à-dire que c'est notre moyen de nous en sortir. Pour ça, ça veut dire qu'il va peut-être falloir accepter certains effondrements de filières qu'il faudra soutenir parce que pour re-rendre fertiles des terres, il faut qu'on retrouve ce microbiote dans les sols qu'on a perdu. On est les champions du monde en matière de pesticides. On est complètement guidé là-dessus et je crois que si vous devez à un moment donné avoir du courage, c'est être capable à mon avis d'accepter de rendre fertiles nos terres, de ne pas prendre des solutions comme celles des bassines, ces fameuses retenues de substitution qui sont des modèles qui ont été appliqués en Australie, qui ont été appliqués en Californie, mais qui les ont amenées dans un mur, et donc nous, pays tempéré à la base, qui avions trop d'eau, on est en train de se précipiter encore plus rapidement dans un mur en prenant les mauvais choix. Je crois qu'il est beaucoup plus intéressant d'essayer d'optimiser ce système-là. On a aujourd'hui le bio qui s'effondre [tentative d'interruption] il faut que derrière on essaye de renouveler... »

 

[Nouvelle interruption, réussie : Quelle filière, il faut laisser tomber?]

 

« Le maïs, par exemple, très clairement. Quel est le problème du maïs ? Le problème du maïs, au-delà du problème qu'il ait besoin d'un maximum d'eau au mois d'août – c'est ça le problème – ce n'est pas qu'il a besoin d'eau derrière... c'est qu'il en a besoin de beaucoup au moment où on n'en a plus. En fait. Et donc, ça, c'est un problème. Le problème c'est qu'en fait, on a tellement développé de filières industrielles en lien avec le maïs. Parce que le maïs, ce n'est pas juste pour nourrir le bétail, le maïs, c'est pour nos cosmétiques, le maïs, c'est pour nos filières plastiques. Donc, en fin de compte, il y a tellement d'économies qui sont sous-jacentes à ce maïs que bien entendu on n'a pas envie de l'arrêter. On n'a pas envie d'arrêter un système qui, derrière, nourrit d'autres économie, donc le problème... »

 

[Tentative d'interruption : « Parce que le coût économique, social est énorme ? »]

 

« Oui le coût social est énorme. Parce que, qu'est-ce qu'on fait derrière des gens et d'ailleurs, c'est ce qu'on nous met en face. On nous dit, mais à ce moment là, vous arrêtez cette filière, directement vous avez tant de chomage. C'est ce qui s'est passé avec la betterave quand on a décidé à un moment donné de jouer sur le fait de... de... de... d'essayer de protéger cette filière, c'était... qu'est-ce qu'on mettait en regard ? On mettait en regard le fait qu'on allait perdre des emplois. Donc, en fait, il va falloir décider d'accompagner en fait cette transition et l'accompagner tout de suite parce qu'on en a besoin pour transformer nos sols et c'est essentiel partout. »

 

Point n'est vraiment besoin d'insister sur les incohérences. On passe des sols, censés rendus stériles par les pesticides et auxquels il faut restituer le « microbiote », aux « bassines », supposées dévastatrices, puis au bio, le tout dans une perspective décroissante.

 

 

Sacrifier des filières agricoles ?

 

Redisons-le : la perspective sociopolitique qui a été exprimée ici est de sacrifier des filières économiques pour prix du refus d'une solution pourtant vieille, historiquement, de quelques millénaires et à l'origine de brillantes civilisation : la gestion de l'eau, autrement dit, l'irrigation, vilipendée ici par le terme péjoratif « bassines », du reste accolé de manière hérétique à l'Australie et la Californie.

 

Ce discours n'est pas nouveau, mais colporté d'un plateau radio ou télé à l'autre, chez des animateurs qui l'invitent avec complaisance.

 

Il va de soi qu'il est raisonnable de s'interroger sur les mesures à prendre, toutefois sur le moyen et long terme, dans la perspective d'une Terre à +4 °C à la fin du siècle.

 

Il n'est en revanche pas raisonnable de gesticuler sur la base d'une année 2022 et d'un début d'année 2023 exceptionnellement secs.

 

Il y a certes toute une faune scientifique, médiatique et médiatico-scientifique qui nous serine que cette année est le mètre-étalon du climat de demain. C'est un peu plus compliqué...

 

Mais l'année 2016, pas très éloignée du présent, fut exceptionnellement pourrie. Cela s'est traduit dans les rendements de nos cultures.

 

 

(Source)

 

 

(Source)

 

 

Selon un article du 27 septembre 2022 de la France Agricole, le rendement du blé s'établissait à 73 quintaux/hectare en 2022. Selon un article du 8 novembre 2022, le rendement du maïs grain (hors semences) était estimé à 78,9 q/ha, en baisse de 25,2 q/ha par rapport à 2021 et de 15,0 q/ha par rapport à la moyenne quinquennale 2017 à 2021.

 

Le maïs n'a pas subi le record de mauvaise récolte (73 q/ha en 2003 – année exceptionnellement caniculaire et sèche – pour la période récente). Il faut bien sûr aussi tenir compte des situations locales... Mais il n'y a certainement pas de raison objective de vouer le maïs aux gémonies... et l'irrigation est aussi une solution, quand elle est techniquement et économiquement possible.

 

Mais voilà... L'irrigation et les militants... La pression médiatique...

 

 

© Agreste - La sécheresse a fortement impacté les rendements de maïs grain en 2022. (Source)

 

 

Ne rien laisser passer

 

On peut, sans conteste, préconiser un grand chambardement sur un plateau télé, une politique – qui serait courageuse – menant à « certains effondrements de filières » – qu'il faudra toutefois, et néanmoins, soutenir... Mais pour quelles alternatives, avec quels moyens d'y parvenir, et avec quelles conséquences ?

 

Le plateau télé n'est évidemment pas la plate-forme idoine pour aborder ces sujets. Quoique... on aurait pu poser une question plus pointue que le très général « coût économique, social ». Cette question aura toutefois élicité une réponse, axée sur le chômage, qui laisse pantois !

 

À ce stade se pose le grand dilemme : perd-on à voir ce genre de propos diffusé – sous l'emprise de l'argument d'autorité tiré du pédigrée de l'oratrice – parce qu'il marque une majorité d'esprits subjugués ? Gagne-t-on au contraire parce que les esprits sont rétifs, notamment au mépris affiché des conséquences économiques et sociales, et qu'il y a des réponses vigoureuses sur les réseaux sociaux ?

 

Une chose est en tout cas sûre : il faut répondre, ne rien laisser passer.

 

 

Le bobard de la France championne du monde des pesticides

 

C'est du reste ce qui a été fait sur Twitter pour un bobard qui a la vie dure, « On est les champions du monde en matière de pesticides ». Il a été tellement répété – et démonté – que c'est à se demander si l'auteure du propos vit dans le vrai monde, ou le sien, si c'est de l'analphabétisme agro-économique ou de l'entêtement dans l'erreur... ou pire.

 

 

(Source)

 

 

(Source)

 

 

Même en Europe, la France se situe dans la moyenne, en kg/ha !

 

 

(Source)

 

 

La gravité terrestre

 

Polluer le débat sur la situation de la France et les mesures à prendre par ce pays par des exemples exotiques, ça passe crème sur le plateau télé. Et pourtant !

 

 

(Source)

 

 

(Source, source et source)

 

 

L'argument repose sur l'hypothèse qu'il y a, en Inde, des nappes, sans doute phréatiques puisqu'elles étaient à l'origine à 5-10 mètres de profondeur, qui ont au moins 500 mètres d'épaisseur...

 

Mais il y a mieux, à nouveau dans un discours incohérent (à partir de 0:53)...

 

« ...je ne sais pas si vous avez conscience que on est quand même les champions olympiques, on a été capables de... de jouer carrément sur la gravité terrestre de l'Europe en vingt ans. On a modifié la gravité de la Terre en Europe parce qu'on a trop soutiré dans nos nappes phréatiques au-delà de leur capacité de renouvellement... »

 

[Tentative d'interruption de l'animateur qui veut comprendre]

 

 

 

 

« ...La gravité terrestre. D'accord, jusque là ? Cette gravité terrestre, elle est aussi fonction de ce qui se passe dessous. Si tu prélèves l'intégralité de l'eau qu'il y a dans les milieux souterrains et qu'on la met dans le milieu supérieur, eh bien nécessairement on va modifier la gravité. [Tentative...] L'action humaine a été capable de jouer sur la gravité terrestre... »

 

Cette histoire de gravité terrestre est déjà grave en soi ! Soyons clair : la modification induite devrait être de l'ordre d'un epsilon d'un epsilon d'un epsilon (même si cela peut être repéré par les satellites)... et il n'y a pas de quoi faire pénitence.

 

 

(Source)

 

 

Mais voici la suite :

 

« Ce que je veux dire, c'est que... en fait, c'est le cas partout dans le monde, c'est-à-dire que les nappes phréatiques, c'est ce qu'on voit le moins, c'est ce qu'on va prélever le plus et ce qui derrière accompagne toutes les richesses de nos pays. Donc qui est-ce qu'on va décider... qu'est-ce qu'on va privilégier ? Est-ce qu'on va privilégier l'agriculture ? Est-ce qu'on va privilégier toutes les filières qui permettent la construction de tous les produits qu'on a dans nos magasins ? Est-ce qu'on va être capable de se contenter du minimum ? [Tentatives d'interruption] C'est une vraie question. »

 

Reconnaissons que cela boucle un propos initié par : « Quelle économie on doit prioriser aujourd'hui ? »

 

Et je dois bien avouer que l'idée ne m'a jamais effleuré que nous devions arbitrer entre nos activités économiques (et nos choix de société et de consommation) au nom du respect de l'intégrité de la gravité terrestre.

 

 

Post scriptum : le « Télématin » du 28 février 2023

 

Et, le 28 février 2023 au matin, dans le Télématin de France 2...

 

 

(Source)

 

 

« Ces bassines, d'après tous les scientifiques que l'on a en France, c'est un non-sens et ce n'est absolument pas une bonne solution... »

 

Quel aplomb !

 

« ...tous les scientifiques... » ?

 

Les concepteurs des projets – agriculteurs et instances agricoles, gestionnaires de l'eau, autorités administratives, Bureau des Ressources Géologiques et Minières (BRGM) – sont donc des idiots... Et personne sur le plateau ne répond !

 

Et cela continue :

 

« En fait, on parle de privatisation de l'eau... »

 

Quel aplomb encore ! Parce que l'eau pompée l'été dans une nappe déjà étique pour servir directement à l'irrigation n'est pas « privatisée »... Ce serit uniquement l'eau prélevée pendant la saison hivernale, quand les nappes sont bien pourvues et que le surplus part à la mer.

 

Dans ce cas précis, les réactions sur Twitter sont généralement positives, approuvant le propos. Le combo « hydrologue », donc par axiome experte, et discours allant dans le sens des préjugés que l'on a très largement suscité dans les médias marche à plein.

 

C'est ce qu'on appelle de l'information ! Beurkh !

 

« Télématin » donnera-t-il un jour la parole à quelqu'un qui expliquera ce que sont vraiment les « bassines » ? On ne retiendra pas sa respiration ! Mais il faut dénoncer la manipulation médiatique.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
F
Emma Haziza n'en est pas à son coup d'essai. Elle a déjà sévi sur France Info en 2022.
Répondre
H
Emma Haziza, c'est un business de la peur, via Mayane Eu qu'elle a fondé https://mayane.eu/fr/equipe/ qui vend des services et conseils, et c'est aussi une association d'éducation à la peur agrée par l'Education Nationale https://mayane-education.org/.<br /> Formater les enfants et adolescents avec l'accord de ceux qui nous dirigent, envahir les médias ignorants ou complices, et convaincre tout ceux qu'on a terrifié qu'il faut acheter vos services, cela s'appelle un business.<br /> Un business de la peur parmi d'autres...
Répondre
L
Nous avons là une championne du Monde, multi médaillée.<br /> https://www.arretsurimages.net/chroniques/initiales-ds/climat-lhydrologue-emma-haziza-trebuche-dans-les-vapeurs-deau<br /> Elle continuera à accumuler les médailles tant qu'elle trouvera des tribunes complaisantes.<br /> <br /> J'en profite pour dire bravo pour le contenu de ce blog!
Répondre
M
Quand il s'agit de l'eau on ne voit que Mme Haziza sur les plateaux, on aurait aimé avoir d'autres avis, par exemple celui d'un des experts du BRGM dont l'étude avait conclu que la bassine de Sainte-Soline aurait un impact favorable sur le régime hydrologique du Mignon et de la Courance. Malheureusement il semble que nos media "élitistes" (La5, LCP, ARTE, Telerama....) ne donnent la parole qu'aux prêcheurs d'apocalypse. Une exception notable, un reportage de C à Vous il y a deux jours qui présentait une vision mesurée et réaliste de la problématique des déchets nucléaires. Je me souviens d'ailleurs qu'il y a quelques années Patrick Cohen avait sévèrement secoué un auteur venu faire la promo de son livre "Nucléaire, danger immédiat?" mais ceci reste une exception avec les trop rares apparitions de Sylvie Brunel.
Répondre