Réduction des pesticides de 50 % à l'horizon 2030 : une vraie étude d'impact est demandée
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La majorité des États membres – le bon sens – l'a finalement emporté : la Commission devra produire, sous six mois, une « nouvelle » étude d'impact de sa proposition fort contestée de règlement sur l'utilisation durable des pesticides. Les guillemets s'imposent, le document existant répondant difficilement à la notion d'étude d'impact.
Ce résultat a été obtenu de haute lutte et, semble-t-il, grâce à quelques manœuvres acrobatiques de la présidence tchèque. Selon Agrarheute, la décision avait été acquise le 10 décembre 2022 en réunion du Comité des Représentants Permanents (COREPER). Mais, lors de la réunion du Conseil Agripêche des 11 et 12 décembre 2022, l'Allemagne, l'Espagne et la France s'étaient opposées à la demande, la première faisant valoir le risque de retard dans la mise en œuvre du projet – de l'ambitieux, irréaliste et irresponsable projet, à notre sens.
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Nous n'avons pas cherché à connaître les motivations de la position française. Rappelons tout de même que depuis 2007 – le Grenelle de l'Environnement qui constitue le prix qu'a payé le candidat Nicolas Sarkozy pour s'attirer les bonnes grâces de Nicolas Hulot – nous avons un « plan Écophyto » qui devrait au minimum interroger sur le réalisme et la pertinence d'un objectif de réduction des pesticides de 50 %.
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Un rapport sur l'état d'avancement des travaux daté du 8 décembre 2022 détaille les principaux points de préoccupation de la majorité des États membres. Du coup – expression devenue à la mode et remplaçant quelques adverbes et expressions adverbiales – nous avons une documentation sur les menaces qui pèsent sur l'agriculture et l'approvisionnement alimentaire européens :
« […] Toutefois, la plupart d'entre eux [des États membres] ont souligné que la sécurité alimentaire devait rester un objectif central de l'agriculture. Les objectifs et mesures de réduction proposés ne doivent pas compromettre la production et la compétitivité du secteur agricole de l'UE, ce qui pourrait conduire à une dépendance vis-à-vis des importations de denrées alimentaires qui pourraient ne pas répondre aux normes de l'UE. »
Arrêtons-nous un instant sur cette citation. Si l'auteur a bien mesuré la portée du propos, et il n'y a pas de raison d'en douter, le projet de la Commission fait fi de la sécurité alimentaire européenne.
Il a été noté que l'« étude d'impact » actuellement disponible avait été établie avant le déclenchement de la guerre en Ukraine et les crises des prix de l'énergie et de l'alimentation. Pour les ONG et « ONG », leurs alliés et idiots utiles, c'est là pain bénit : des États membres – oups ! De puissants lobbies – se servent de ce « prétexte » pour torpiller le projet.
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Un autre point sensible important est constitué par les « zones sensibles » dans lesquelles l'emploi de tous les produits de protection des plantes serait interdite, des dérogations limitées étant possibles (article 18 de la proposition).
Voilà quoi pourraient correspondre les zones sensibles en Allemagne. (Source)
Il y a aussi, parmi d'autres préoccupations, les charges administratives et le soutien financier.
Le secrétariat du Conseil de l'Union Européenne a produit un communiqué diplomatiquement correct : « Les États membres se félicitent des objectifs de la proposition »... mais... Il est vrai qu'aucun État membre n'a fait d'esclandre. Donc :
« Le rapport sur l'état d'avancement des travaux présenté par la présidence tchèque lors du Conseil "Agriculture et pêche" du 12 décembre relève que l'analyse d'impact de la Commission ne fournit pas d'analyses quantitatives adéquates concernant l'incidence potentielle de la proposition sur le secteur agricole de l'UE et les risques de dépendance alimentaire accrue, pas plus qu'elle ne tient compte de l'incidence de la proposition d'interdiction des produits phytopharmaceutiques dans les zones sensibles, compte tenu notamment de la disponibilité limitée de solutions de substitution à faible risque aux pesticides chimiques ordinaires, et en l'absence d'exigences similaires pour les denrées alimentaires importées sur le marché de l'UE. Il souligne en outre que les objectifs de réduction au niveau national devraient être fixés de manière souple, en tenant compte des conditions propres à chaque État membre. »
Le projet de décision du Conseil – on peut considérer qu'il a été adopté en l'état – est disponible ici.
On y voit que les États membres ont été très directifs.
C'est, rappelons-le, à l'exception d'une Allemagne dont le ministère de l'Agriculture est aux mains de Verts fortement idéologisés, de l'Espagne et d'une France dont on peine à discerner l'ossature de sa politique agricole ; ces États sont d'avis qu'il faut foncer dans le mur en klaxonnant...
Voici les trois premiers paragraphes des instructions détaillées : l'étude d'impact doit porter sur :
« a) les incidences quantitatives de la proposition de la Commission sur la production alimentaire dans l'Union, qu'il convient d'établir, en particulier, en quantifiant l'impact sur les rendements agricoles pour les principaux types de cultures et de produits végétaux concernés, considérés individuellement, tout en tenant compte, dans le contexte de la fixation des objectifs nationaux de réduction, des situations propres aux différents États membres, y compris les différences entre régions climatiques ;
b) l'analyse des conséquences de la proposition de la Commission sur la disponibilité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux dans l'Union, évaluée sur la base des principaux types de produits de base destinés à l'alimentation humaine ou animale, ainsi que de la possibilité d'une dépendance accrue à l'égard des importations de denrées alimentaires et d'aliments pour animaux pour les principaux types de cultures, et de l'incidence sur les exportations de denrées alimentaires et d'aliments pour animaux en provenance de l'Union ;
c) les répercussions potentielles sur les prix des denrées alimentaires et des aliments pour animaux en général, et ceux des produits alimentaires de base en particulier, en lien avec les incidences visées au point a) ; »
Dans cette affaire, les anciens pays de l'Est, en particulier la Pologne et la présidence tchèque, ont joué un rôle moteur. Le souvenir des gènes alimentaires y est sans doute plus vivace que dans une Europe occidentale qui a pourtant vu quelques rayons vides dans ses supermarchés au début de la guerre en Ukraine et aurait dû comprendre que l'abondance n'est pas un acquis sociétal.
Cette décision est donc fort bienvenue.
Il reste à espérer que l'étude sera réalisée de bonne foi et avec compétence. Mais le délai imparti est fort court pour une analyse qui devrait descendre au niveau des « principaux types de cultures » et tenir compte des diverses particularités des régions de production.
On ne saurait que trop recommander que les diverses entités de la filière agricole – comme les chambres d'agriculture et les instituts techniques – se penchent sur la question et produisent des études pouvant servir d'étalons pour mesurer la pertinence de l'étude d'impact de la Commission.
Ce, d'autant plus que, si nous avons bien compris, c'est la DG Santé et Sécurité Alimentaire qui est federführend.