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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Les campagnes fallacieuses sur les pesticides nuisent aux plans de sécurité alimentaire au Kenya

10 Janvier 2023 Publié dans #Activisme, #Afrique, #Pesticides

Les campagnes fallacieuses sur les pesticides nuisent aux plans de sécurité alimentaire au Kenya

 

Okisegere Ojepat*

 

 

Un agriculteur traite une culture de pommes de terre. PHOTO | NMG

 

 

Il y a quelques domaines où les orateurs auteurs d'une déclaration publique sont laissés entièrement libres de toute responsabilité et de toute limite légale.

 

Dans le monde des affaires, la publicité est interdite lorsqu'elle véhicule des informations erronées, et les dirigeants d'entreprise sont responsables des fausses déclarations au point de faire l'objet de poursuites, voire de peines de prison.

 

En politique, les candidats qui font des déclarations sur ce qu'ils feront s'ils sont élus seront jugés plus tard si leurs promesses ne sont pas tenues.

 

Mais il existe une forme de campagne où les fausses déclarations ne posent aucun problème : il n'y a pas de retour en arrière et aucune disposition légale exigeant des déclarations basées sur des faits.

 

En fait, lorsque les militants crient le faux assez fort, ils peuvent même obtenir l'appui de la salle pour refuser à quiconque le droit de s'exprimer.

 

C'est un fossé auquel nous sommes confrontés au Kenya, aujourd'hui, dans un crescendo de fausses déclarations qui pourraient bien façonner notre avenir, alors que des ONG locales financées par le parti vert allemand distribuent des séries de vidéos mettant en scène des célébrités locales brandissant des tomates et des sukuma wiki en déclarant qu'ils sont toxiques.

 

Le poison, affirment-ils, provient des produits de protection des plantes utilisés pour les produire.

 

Le même type de campagne générale contre les pesticides a déjà fonctionné en Europe, qui, comme le reste du monde, avait l'habitude d'évaluer scientifiquement la sécurité des produits phytosanitaires.

 

Elle ne le fait plus. Elle a changé son approche. Auparavant, les scientifiques approuvaient les produits qui étaient sûrs à utiliser et nécessaires à la production alimentaire.

 

Mais le public européen s'est fait dire tant de fois que tous les pesticides sont toxiques qu'il est tout simplement devenu trop politiquement préjudiciable de continuer à approuver les pesticides.

 

L'Union Européenne (UE) les a donc interdits sans aucune preuve de risque, juste au cas où ils pourraient, un jour, s'avérer dangereux, en invoquant le « principe de précaution ».

 

Cela a créé un grand désordre. L'UE a interdit une série de pesticides au cas où l'on découvrirait un jour qu'ils sont des perturbateurs endocriniens, c'est-à-dire qu'ils interfèrent avec le système hormonal humain, provoquant des problèmes de reproduction et autres.

 

Sous une pression politique accrue, l'UE a interdit l'utilisation de ces mêmes pesticides dans les aliments importés d'autres pays. Des dizaines de pays ont lancé un conflit commercial mondial contre l'Europe, qualifiant l'interdiction d'obstacle au commerce et exigeant que l'UE fournisse des preuves que chacun de ces produits chimiques est un perturbateur endocrinien.

 

Quinze ans plus tard, l'UE n'a jamais présenté de preuves, car il n'en existe aucune.

 

Les produits chimiques ont été interdits par précaution politique, à cause des militants.

 

Car leur pouvoir « sans preuve » est redoutable. Ce même type de campagne sans preuves a convaincu la plupart du public et des médias du monde entier que les pesticides tuent les abeilles, alors que le Centre Américain de Contrôle et de Prévention des Maladies explique minutieusement que la raison du déclin mondial des abeilles est due aux acariens qui ont balayé le monde, s'installant dans les ruches et infectant les abeilles avec des virus.

 

Les scientifiques s'efforcent de combattre les slogans effrayants et émotionnels par des données.

 

En effet, alors que les données réelles sont aux prises avec les absences de données, le plus récent Atlas des Pesticides, publié par des groupes de pression anti-pesticides, ne contient aucune citation, pas une seule étude scientifique à l'appui de ses affirmations.

 

Cependant, ce ramassis de fausses affirmations est bien plus dommageable au Kenya qu'en Europe, car le changement climatique augmente de manière exponentielle les nuisibles qui détruisent nos aliments.

 

Nombre de nos parasites sont des milliers de fois plus prolifiques aujourd'hui qu'il y a 20 ans, ce que prouvent les scientifiques qui les ont comptés et ont documenté l'augmentation de leur taille, de leur vitesse de croissance, de leur ponte et de leur nombre.

 

Lorsque les militants écologistes européens ont cherché à obtenir de l'Union Africaine qu'elle introduise une interdiction générale des pesticides par « précaution », sans tenir compte des preuves, l'UA a refusé.

 

Maintenant, la course est lancée pour que le Kenya fasse de même. L'astuce consiste à dire aux Kényans que l'UE a interdit les pesticides parce qu'ils étaient nocifs pour l'homme et l'environnement.

 

Si le gouvernement kenyan est finalement contraint de mettre de côté toute science et de les interdire également, à la demande du public, parce que des célébrités disent qu'ils sont toxiques, les militants peuvent aller en Ouganda et dire : « Vous devez les interdire, le Kenya les a interdits parce qu'ils sont dangereux. »

 

La rupture de la chaîne interviendrait dès qu'il y aurait une demande de preuve que ces produits chimiques sont dangereux lorsqu'ils sont utilisés correctement.

 

Bien sûr, si vous buvez des pesticides, vous allez être malade, tout comme deux paquets entiers d'analgésiques peuvent vous tuer, tout comme tout médicament pris au mépris de l'ordonnance du médecin.

 

Sans lutte antiparasitaire, nous condamnerons des millions de personnes à la famine. La FAO a estimé que l'arrêt des pesticides réduirait notre production alimentaire de 40 %, mais, l'année dernière, l'interdiction des pesticides, au Sri Lanka, a été bien plus catastrophique.

 

Les agriculteurs ont vu les rendements immédiats chuter de 54 % en moyenne, tandis que la baisse des rendements du riz, du maïs, du thé et des légumes atteignait 95 %. [Ma note : c'est sans doute exagéré.]

 

Cette invasion de ravageurs a déclenché une crise alimentaire et une crise économique, et en quelques mois, le gouvernement a été contraint de revenir sur l'interdiction.

 

Alors que le Kenya est poussé à suivre la même voie, l'argent utilisé pour faire de fausses déclarations dans des vidéos de célébrités pourrait être mieux utilisé à former les agriculteurs sur la meilleure façon de lutter contre les parasites.

 

_____________

 

Okisegere Ojepat

 

Produit des bananes, des haricots verts, des noix, des avocats et des pois. S'occupe des cultures de produits frais, principalement des cultures horticoles, de la semence à la commercialisation du produit, y compris la certification aux normes mondiales qui mènent à l'accès au marché.

 

L'auteur est PDG du Fresh Produce Consortium of Kenya.

 

Source : Fake campaigns on pesticides will hurt food security plans - Business Daily (businessdailyafrica.com)

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