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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Le Royaume-Uni ouvre la porte à une dérogation pour l'enrobage des semences de betteraves avec du thiaméthoxame

28 Janvier 2023 Publié dans #Betteraves, #Néonicotinoïdes

Le Royaume-Uni ouvre la porte à une dérogation pour l'enrobage des semences de betteraves avec du thiaméthoxame

 

 

(Source)

 

 

Le Royaume-Uni, libéré par le Brexit du carcan de la législation européenne, mais en partie seulement, certaines dispositions n'ayant pas (encore) été abrogées, a ouvert la voie à l'enrobage des semences de betteraves sucrières avec du thiaméthoxame pour préserver la filière sucrière des ravages de la jaunisse, transmise par des pucerons.

 

Le Département de l'Environnement, de l'Alimentation et des Affaires Rurales (DEFRA) a publié un intéressant et instructif exposé des motifs, même si les conditions sont draconiennes et correspondent à un overkill.

 

Sur le continent, la Cour de Justice de l'Union Européenne a décidé que les dérogations pour l'enrobage fondées sur l'article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009 sont illégales. Par continent, il faut aussi entendre quelques îles comme l'Irlande ou Malte, que Pesticide Action Network Europe (PAN Europe) considère comme un modèle de vertu en matières de pesticides, alors qu'elle est le plus gros utilisateur de pesticides de l'Union Européenne, et de loin (et ne cultive pas de betteraves sucrières)...

 

Au Royaume-Uni...

 

« L'autorisation d'urgence est prévue par l'article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009 tel que maintenu dans la législation britannique.

 

Cette disposition permet l'autorisation d'urgence à court terme d'utilisations de produits phytopharmaceutiques qui ne sont pas autorisées autrement, à condition que, compte tenu des faits du cas particulier, tous les critères suivants soient remplis :

 

  • il doit y avoir des circonstances particulières qui font qu'une dérogation à l'approche standard des autorisations est appropriée ;

     

  • il doit y avoir un danger ;

     

  • le danger ne doit pas pouvoir être maîtrisé par d'autres moyens raisonnables ;

     

  • une autorisation d'urgence doit apparaître nécessaire en raison de ce danger

     

  • une autorisation d'urgence ne peut permettre qu'une utilisation limitée et contrôlée du produit phytopharmaceutique.

 

L'exposé des motifs décrit la démarche adoptée et conclut que les cinq critères sont remplis.

 

Voici quelques extraits.

 

 

S'agissant du premier critère

 

« Le Secrétaire d'État estime que cette condition est remplie. Le Secrétaire d'État considère que la betterave sucrière est une culture nationale économiquement importante. Pendant plus de 25 ans, le VJ [virus de la jaunisse] a été efficacement contrôlé par des traitements de semences à base de néonicotinoïdes, avec seulement un besoin occasionnel de pulvérisations supplémentaires de pesticides.

 

Depuis que les traitements de semences ont cessé d'être utilisés en 2018 (lorsque l'utilisation de la substance active thiaméthoxam a été limitée à des usages en intérieur), le VJ a été un problème mineur en 2019 et 2021, mais en 2020, 25 % de la récolte nationale a été perdue malgré l'utilisation de pulvérisations foliaires.

 

De nombreux producteurs individuels ont subi des pertes encore plus lourdes. Les pertes estimées pour les producteurs en 2020 à cause du VJ étaient d'environ 43 millions de livres sterling et les pertes ultérieures pour le transformateur de 24 millions de livres sterling supplémentaires. Avec une incidence du virus de plus de 7 %, l'industrie de la betterave sucrière dans son ensemble souffrirait économiquement sans traitement des semences. »

 

 

S'agissant du quatrième critère

 

« Le Secrétaire d'État conclut que ce critère est rempli. Pour ce faire, il a pris en compte les conseils fournis par le HSE [Health and Safety Executive], l'ECP [Expert Committee on Pesticides], les fonctionnaires du Defra et le CSA [Chief Scientific Adviser] du Defra.

 

Le Secrétaire d'État a évalué les effets négatifs possibles de l'utilisation proposée du produit (en tenant compte de toutes les mesures d'atténuation proposées) par rapport aux avantages potentiels de l'utilisation du produit pour faire face au danger, en reconnaissant qu'il existe une certaine incertitude quant au niveau de risque posé aux abeilles par les cultures suivantes (y compris les risques de guttation) et par les plantes à fleurs en bordure de champ.

 

Le Secrétaire d'État a examiné les risques potentiels pour la santé humaine et l'environnement de l'utilisation du Cruiser SB. Les évaluations des risques ne font état d'aucune préoccupation concernant la santé humaine (à condition que les opérateurs utilisent un équipement de protection approprié).

 

De nombreux risques environnementaux sont également identifiés comme étant faibles, dans les limites normales des autorisations. Le principal problème signalé dans l'évaluation des experts est le risque pour les abeilles.

 

Le Secrétaire d'État est d'accord avec l'analyse du HSE selon laquelle les risques liés à la betterave sucrière elle-même sont inférieurs à un niveau préoccupant car la culture est récoltée avant la floraison et, par conséquent, les abeilles ne butinent pas la culture de la betterave sucrière. Toutefois, le Secrétaire d'État reconnaît que les néonicotinoïdes peuvent rester actifs dans le sol et être absorbés par d'autres plantes dans le champ ou en bordure de champ.

 

Les abeilles pourraient alors être exposées aux néonicotinoïdes dans le nectar, le pollen ou le liquide de guttation des cultures suivantes ou des plantes dans le champ ou à proximité dans les années qui suivent l'utilisation des semences traitées avec du Cruiser SB.

 

Ce risque pour les abeilles au cours des années suivantes dépend de la mesure dans laquelle le thiaméthoxame reste dans le sol et est disponible pour être absorbé par les plantes. Le thiaméthoxame se décompose avec le temps et les quantités présentes dans le sol diminuent donc d'année en année.

 

Pour cette raison, le gouvernement a imposé une condition de 32 mois pour le colza et de 22 mois pour les autres cultures à fleurs en 2021. le CSA a indiqué dans le cadre de cette autorisation qu'il existait un faible niveau de risque pour la santé des abeilles lié à la plantation ultérieure de cultures à fleurs, même avec l'exclusion de 22 mois de ces cultures.

 

Ce risque n'est pas lié à une mortalité aiguë, il est peu probable qu'il s'agisse d'une mortalité chronique, mais les effets non létaux n'ont pas pu être pleinement évalués. Le risque global était faible par rapport aux utilisations des néonicotinoïdes sur les cultures à fleurs, ou sans le délai imposé de 22 mois pour la plantation de ces cultures, et n'était attendu que sur les sols où le thiaméthoxame a une demi-vie particulièrement longue.

 

Cette année, l'autorisation est soumise à une condition selon laquelle aucune culture à fleurs ne peut être plantée pendant les 32 mois suivant toute plantation de betteraves sucrières traitées avec du Cruiser SB.

 

le CSA indique que la concentration après l'exclusion de 32 mois serait inférieure au niveau de risque de mortalité aiguë ou chronique pour les abeilles provenant des cultures à fleurs ultérieures, mais qu'un certain risque d'effets de dose non létaux persiste sur le terrain et à partir des bordures de champs en fleurs.

 

En 2021, le CSA a indiqué que l'extrapolation d'une étude suggérait que l'exposition après une exclusion de 22 mois serait inférieure à une dose qui empêcherait les abeilles de retrouver leur chemin vers la ruche. Cependant, le niveau de dose auquel aucun impact négatif sur les abeilles ne se produit est inconnu.

 

Pour cette raison, il n'a pas été possible d'exclure complètement un certain degré de risque pour les abeilles (et c'est le cas même avec une exclusion de 32 mois) provenant des plantes à fleurs dans ou près du champ dans les années suivant l'utilisation des néonicotinoïdes.

 

Le Secrétaire d'État estime qu'il est approprié d'appliquer cette année une condition de 32 mois à toutes les cultures soumises à restriction. Cette mesure d'atténuation des risques garantira que les risques létaux aigus et chroniques pour les abeilles sont évités et que les risques non létaux sont considérablement réduits.

 

Il s'agit d'une condition plus stricte que celle qui a été appliquée lors de l'octroi de l'autorisation d'urgence de 2021 pour le Cruiser SB et qui réduirait considérablement le niveau d'exposition des abeilles et les implications pour la santé des abeilles.

 

Le Secrétaire d'État prend note de l'avis des experts selon lequel le thiaméthoxame est mobile dans l'environnement et peut présenter des risques potentiellement importants pour une série d'espèces sauvages, notamment les pollinisateurs, mais pas seulement. Des études indiquent que des effets ont été constatés en dehors des zones traitées et se sont accumulés via les réseaux alimentaires.

 

La compréhension de ces risques environnementaux plus larges est actuellement insuffisante pour évaluer le risque spécifique de l'utilisation limitée proposée du Cruiser SB.

 

Le Secrétaire d'État reconnaît que l'utilisation des néonicotinoïdes doit être maintenue à un minimum absolu pour favoriser le rétablissement des populations d'abeilles et d'autres espèces.

 

En termes d'avantages, le Secrétaire d'État considère que l'utilisation du Cruiser SB devrait être efficace pour faire face au danger pour la production de betteraves sucrières décrit ci-dessus aux paragraphes 8 à 14. [Ma note : les paragraphes ne sont pas numérotés...]

 

Ce danger n'est pas traité efficacement par les alternatives disponibles. Les pulvérisations foliaires ne peuvent pas être appliquées efficacement lorsque la couverture foliaire est faible et sont plus lentes à tuer les pucerons, ce qui laisse le temps au virus de se transmettre aux plantes de betteraves sucrières.

 

L'utilisation du Cruiser SB permettrait également de rassurer les producteurs sur le fait qu'une répétition des problèmes de 2020 est moins probable et contribuerait ainsi à endiguer une baisse de la production de betteraves sucrières.

 

Après avoir examiné l'ensemble des risques et des avantages exposés dans les avis du HSE, de l'ECP, des fonctionnaires du Defra et du CSA du Defra, le Secrétaire d'État a décidé que la balance des avantages et des risques atténués est en faveur de l'autorisation d'une utilisation limitée et contrôlée du Cruiser SB en 2022 [Ma note : la mise à jour de ce texte, du 23 janvier 2023, n'est pas un modèle de précision].

 

En concluant ainsi que le critère de nécessité est rempli, le Secrétaire d'État diffère de la position du HSE. Le HSE a estimé que, compte tenu de l'incertitude liée aux risques pour les abeilles, les effets négatifs potentiels l'emportaient sur les avantages probables de l'octroi d'une autorisation d'urgence.

 

En prenant sa décision, le Secrétaire d'État a noté qu'il existe un certain degré d'incertitude quant aux avantages de l'utilisation du Cruiser SB pour faire face au danger identifié (étant donné l'incertitude quant à l'incidence du virus à ce stade) et un certain degré d'incertitude quant aux risques pour les abeilles (comme indiqué ci-dessus).

 

Afin d'y remédier, l'autorisation d'urgence comprend un certain nombre de conditions et de sauvegardes.

 

Le seuil discuté ci-dessus garantira que l'utilisation est évitée lorsque le besoin est faible. Les risques pour les abeilles seront réduits au minimum grâce à des mesures (énumérées au paragraphe 34), notamment :

 

  • des limitations de la quantité de traitement des semences appliquée et de la densité de semis de la culture ;

     

  • l'interdiction de planter des cultures à fleurs dans les 32 mois suivant la betterave sucrière traitée ;

     

  • et l'obligation de lutter contre les mauvaises herbes dans la culture. »

 

 

Les conditions de l'autorisation

 

« Le Secrétaire d'Etat a demandé que les conditions clés suivantes soient attachées à l'autorisation d'urgence (en plus des exigences standard que le HSE appliquerait au produit) :

 

  • L'utilisation n'est autorisée que si le niveau d'incidence du virus prévu est de 19 % ou plus, tel que déterminé le 1er mars 2022 par le modèle de prévision VJ de Rothamsted ;

     

  • Aucune culture à fleurs ne doit être plantée dans le même champ que la betterave sucrière traitée dans un délai de 32 mois ;

     

  • Pas de nouvelle utilisation de traitements de semences au thiaméthoxame dans le même champ dans un délai de 46 mois ;

     

  • Réduction de la dose d'application de Cruiser SB de 100 ml pour 100.000 graines à 75 ml pour 100.000 graines (ce qui réduit la dose d'application de thiaméthoxame de 60 g pour 100.000 graines à 45 g pour 100.000 graines) ;

     

  • Le respect des programmes d'herbicides recommandés par l'industrie pour les mauvaises herbes poussant dans les champs traités ;

 

  • Une densité de semis maximale pour les semences traitées de 115.000 graines par hectare ;

     

  • Les semences traitées doivent être entièrement incorporées dans le sol et entièrement incorporées à l'extrémité des rangs ;

     

  • Les semences traitées ne doivent pas être laissées à la surface du sol. Les déversements doivent être enterrés ou enlevés ;

 

  • L'autorisation peut être retirée ou modifiée à tout moment si les conditions ne sont pas respectées.

 

Le Secrétaire d'État a décidé qu'il convenait d'accorder l'autorisation pour une période de 120 jours afin de couvrir la période allant du traitement des semences jusqu'à la fin de la période de semis.

 

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