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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Le JDD, les betteraves et les néonicotinoïdes : le choix des interlocuteurs, le choix de l'angle

20 Janvier 2023 Publié dans #Betteraves, #Néonicotinoïdes, #critique de l'information, #Activisme

Le JDD, les betteraves et les néonicotinoïdes : le choix des interlocuteurs, le choix de l'angle

 

mais voir le deuxième article de ce jour

 

 

(Source)

 

 

Le Journal du Dimanche (JDD) a publié le 13 janvier 2023, sous la signature de Mme Aude Le Gentil, un article somme toute intéressant, mais finalement déprimant, « Néonicotinoïdes : n’y a-t-il vraiment pas d’alternatives pour la filière des betteraves sucrières ? »

 

En chapô :

 

« Le gouvernement s’apprête, comme le permet la loi jusqu’en 2023, à accorder une nouvelle dérogation autorisant l’usage de néonicotinoïdes dans la filière des betteraves sucrières. Les cultivateurs testent des alternatives à cet insecticide destructeur pour la biodiversité. »

 

Informatif, il donne deux points vue. Mais... Car il y a un mais...

 

Choisissons la formule la plus percutante et polémique pour qualifier le procédé, pas les interlocuteurs : « 5 minutes pour les juifs, 5 minutes pour Hitler ».

 

En résumé, il y a une mise en route qui cite M. Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, et expose le problème. Il est fort opportunément rappelé qu'« [e]n 2020, une invasion [de pucerons suvie d'une attaque de jaunisse] détruit 28 % des récoltes. »

 

Il y a ensuite un ping pong entre anti et pro, puis anti-dérogation permettant d'enrober des semences de betteraves d'un néonicotinoïde (l'imidaclopride ou le thiaméthoxame) et de protéger préventivement les betteraves contre une attaque – éventuelle, puisqu'on est dans le préventif – de pucerons vecteurs de virus de jaunisses (il y en a plusieurs) pouvant être dévastatrice sur les rendements et, partant, la rentabilité de la culture et les activités économiques d'aval.

 

Anti, c'est exclusivement M. Jean-Marc Bonmatin, présenté comme «  chimiste-toxicologue au CNRS et spécialiste des néonicotinoïdes ».

 

Il a donc le service :

 

« En juin 2021, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a apporté un début de réponse. Un rapport identifie "22 méthodes ou procédés de lutte alternatifs, dont 4 substituables à court terme"."À six mois près [ma note : s'agissant de la dérogation du 31 janvier 2021], les betteraviers n’auraient pas pu dire qu’il n'y avait pas d’alternatives", relève Jean-Marc Bonmatin, chimiste-toxicologue au CNRS et spécialiste des néonicotinoïdes. »

 

M. Alexandre Quillet, « agriculteur dans l’Eure, membre du bureau de la Confédération générale des betteraviers (syndicat affilié à la FNSEA) et président de l’Institut technique de la betterave » et Mme  Fabienne Maupas, « directrice technique et scientifique à l’ITB » sont mis sur la défensive et sur le mode « réfutation ».

 

Le retour est percutant, mais pas gagnant, car... attendons la suite.

 

Ils ont répondu de manière rationnelle, professionnelle et plutôt complète – une référence aux conclusions de l'EFSA sur la pertinence des dérogations accordées par 11 États membres de l'Union Européenne aurait cependant utilement renforcé l'argumentaire.

 

C'est agrémenté d'une pointe de politiquement correct en finale :

 

« Car les betteraviers le savent : "On n’aura jamais de solution aussi simple et efficace que les néonicotinoïdes, il faut être clair là-dessus", énonce Fabienne Maupas. L’enjeu n’est donc pas de trouver un remplaçant miraculeux, mais des techniques à additionner. "Il faudra se fonder sur une stratégie de combinaisons de leviers.»

 

Il faudra pourtant, un jour, le plus tôt possible, appeler un chat un chat : être clair sur les rapports risques-bénéfices des divers itinéraires techniques, sur les avantages incontestables des néonicotinoïdes, dans le cas d'espèce en enrobage des semences de betteraves, sur la nécessité d'une politique fondée sur les faits plutôt que les émotions, gesticulations et manipulations.

 

S'agissant du journalisme, il faudra aussi à notre sens, resserrer les boulons.

 

L'approche adoptée par Mme Aude Le Gentil a certes permis une réponse percutante, mais est-il raisonnable de propager des arguments foireux comme :

 

« À l’inverse, avec les néonicotinoïdes, on traite avant même de savoir si les pucerons vont arriver, en enrobant la graine de pesticides. Comme si vous avaliez des antibiotiques de septembre à mars au cas où vous attrapiez un rhume. »

 

Outre que les dégâts de la jaunisse de 2020 – une illustration du risque encouru – ne se comparent pas à un rhume, l'enrobage des semences avec un néonicotinoïde s'assimile plutôt à une vaccination contre la Covid.

 

Mais surtout, c'est M. Jean-Marc Bonmatin qui a le dernier mot.

 

Et là, c'est un feu d'artifice ! La biodiversité ne pourrait plus attendre :

 

« Les néonicotinoïdes peuvent polluer les sols entre 5 et 30 ans. Ils tuent tous les invertébrés, la base de la chaîne alimentaire, et entraînent un nombre croissant de maladies humaines. »

 

« Rien n’était plus facile que d’utiliser les pesticides les plus nocifs en préventif, comme des lance-flammes […] Produire en polluant coûtera toujours moins cher que de produire propre. Il faut accepter une perte de rentabilité, quitte à être aidé par le gouvernement, mais les dérogations freinent la transition au lieu de la faciliter. »

 

Et, bien sûr, c'est les intérêts privés des abominables contre les intérêts publics,

 

« un choix entre des intérêts privés, ceux des betteraviers, de l’industrie du sucre et des fabricants de produits phytosanitaires, contre des intérêts publics, ceux de la biodiversité et de la santé humaine ».

 

Faut-il analyser ces propos manifestement outranciers et hors-sol ? On peut simplement noter que les néonicotinoïdes sont largement utilisés dans le monde, y compris en enrobage de semences, y compris de semences de plantes mellifères, y compris dans des pays dont l'attention envers la biodiversité n'est en rien inférieure à celle de l'Union Européenne.

 

L'article du JDD a beau conclure – dans le même paragraphe :

 

« La filière y voit une question de souveraineté alimentaire et d’emplois. Il reviendra au gouvernement de trancher »,

 

c'est très, très léger.

 

Et faux !

 

Outre que la souveraineté alimentaire et les emplois sont – aussi – une question d'intérêt public, le choix pour le gouvernement est entre la vérité des faits et les mensonges proférés par la sphère anti-pesticides, et particulièrement anti-néonicotinoïdes.

 

Nous ne rappellerons jamais assez que cette classe d'insecticides a fait l'objet d'un véritable guet-apens qui a/avait l'apparence et le goût de la « science » comme le Canada Dry a l'apparence et le goût de l'alcool,. C'est parfaitement documenté :

 

« Le 14 juin 2010, le Pr Goeldlin et le Dr Bijleveld ont rencontré en Suisse le Dr Simon Stuart, Président de la Commission de l'UICN de la sauvegarde des espèces et M. Piet Wit, président de la Commission de l'UICN de la gestion des écosystèmes.

 

Il a été convenu que, sur la base des résultats de la réunion de Paris, les quatre études (research papers) clés seront publiées dans des revues à comité de lecture. Sur la base de ces documents, une étude sera soumise à Science (premier choix) ou Nature (deuxième choix) ; elle présentera de nouvelles analyses et conclusions dans toutes les disciplines scientifiques pour démontrer de façon aussi convaincante que possible l'impact des néonicotionoides sur les insectes, les oiseaux, les autres espèces, les fonctions des écosystèmes, et les moyens de subsistance de l'Homme. Ce papier à fort impact aura un premier auteur soigneusement choisi, un noyau d'auteurs composé de sept personnes ou moins (y compris les auteurs des quatre premiers documents), et un ensemble d'auteurs plus large pour obtenir une couverture globale et interdisciplinaire. Une quantité importante de preuves à l'appui figureront en ligne dans la partie "Supporting Online Material". Un papier parallèle," frère" (ce serait un document plus court de forum des politiques) pourrait être soumis simultanément à Science pour attirer l'attention sur les implications politiques de l'autre papier et appeler à un moratoire sur l'utilisation et la vente de pesticides néonicotinoïdes. Nous essaieront de rassembler quelques grands noms du monde scientifique comme auteurs de ce document. Si nous réussissons à faire publier ces deux documents, il y aura un impact énorme, et une campagne menée par le WWF, etc. pourra être lancée immédiatement. Il sera beaucoup plus difficile pour les politiciens d'ignorer un document de recherche et un document de forum des politiques publiés dans Science. La chose la plus urgente est d'obtenir le changement de politique nécessaire et de faire interdire ces pesticides, pas de lancer une campagne. Une base scientifique plus solide devrait se traduire par une campagne plus courte. En tout cas, cela va prendre du temps, car l'industrie chimique va jeter des millions dans un exercice de lobbying. »

 

Et devinez qui a organisé la « réunion de Paris » ?

 

 

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