Danone, les vaches et le méthane : greenwashing, écoblanchiment ?
Additif du 19 janvier 2022 à 8 heures : voir ci-dessous le commentaire de fm06.
(Source)
C'est une dépêche de l'Agence France-Presse (AFP) largement relayée par les médias. Prenons-le du Monde : « Danone veut réduire de 30 % d’ici à 2030 les émissions de méthane par les vaches qui lui fournissent du lait ».
En chapô :
« Lors du processus de digestion, les ruminants expulsent massivement, principalement en éructant, ce gaz au pouvoir réchauffant 25 fois plus puissant que le CO₂. »
« ...massivement... » ? Faut tout de même pas pousser mémé dans les orties, le Monde ! D'autant que, toutes autres choses étant égales par ailleurs, le méthane roté par les vaches ne participe pas au réchauffement climatique car il s'inscrit dans un cycle du carbone (contrairement au méthane des fuites de gazoducs) ; mais en le réduisant, l'élevage participe à la lutte contre le changement climatique.
(Source)
Avez-vous lu titre ? Vous avez alors capté l'essentiel d'une annonce qui ne va guère plus loin.
Voici le premier paragraphe :
« Le groupe agroalimentaire Danone a annoncé mardi 17 janvier qu’il comptait réduire de 30 % d’ici à 2030, par rapport à 2020, les émissions de méthane liées à l’élevage des vaches qui fournissent ses usines en lait frais. "On va voir comment on peut améliorer les pratiques de façon générale sur les fermes", a déclaré Jeanette Coombs-Lanot, porte-parole du groupe. Parmi les solutions évoquées : recours à des races moins émettrices, optimisation des régimes alimentaires, maintien prolongé en production des vaches, captation des émissions du fumier pour les valoriser en biogaz… »
« On va voir... »... On a tout vu !
Une annonce pour se faire plaisir, pour flatter les ego danoniens, et pour vanter gratuitement les grands mérites é(s)c(r)ologique de Danone.
L'essentiel n'était-il pas de plastronner : « Danone est le premier groupe alimentaire à se fixer un objectif spécifique de réduction des émissions de méthane. » ?
Sauf que...
Sauf que... Sauf que Danone n'a pas la moindre idée – au-delà des généralités et des slogans de tableaux de conférence – de l'itinéraire technique pour parvenir à « son » objectif.
Elle a certes investi dans une start-up spécialisée dans les compléments alimentaires à base d'algues censés réduire les émissions de méthane, en contribuant à une levée de fonds de 7 millions de dollars. Le projet est certes prometteur, la mise à l'échelle ne semble cependant pas pour demain.
Mais annoncer une filière biogaz à l'horizon 2030 en France quand on sait le parcours d'obstacles qui attend un projet de méthaniseur tient de la béate rêverie ou de la franche irresponsabilité.
Sauf que... Sauf que Danone se moque de ses fournisseurs, les éleveurs laitiers. Car s'il s'agit de réduire les émissions de méthane des vaches, c'est bien dans les fermes que cela se passera. Ces gens de Danone se sont-ils concertés avec leurs fournisseurs ? Nous pensons que non.
L'AFP – décidément bien obséquieuse – nous livre encore un élément d'information :
« Au Maroc, où le groupe collecte du lait auprès de très petits producteurs, "il y a énormément de progrès qui peuvent être faits en optimisant la production", a illustré Mme Coombs-Lanot. »
Nous aurions souhaité une autre illustration : celle de la France et de ses producteurs chez qui les marges de progrès sont beaucoup plus réduites vu le chemin déjà accompli ; et des pistes plus précises sur une réduction de quelque 5 % par an des émissions en effort constant sur 7 ans ; et des indications sur les financements ; etc.
(Source)
En picorant sur Internet, on apprend par le Wall Street Journal que Danone – déjà engagé dans de fumeux projets d'« agriculture régénératrice », ou d'annonces de projets dont on peine à voir la matérialisation – a pris l'Environmental Defense Fund pour partenaire. Selon les patrons d'EDF et Danone (dans cet ordre, qu'on peut considérer toutefois alphabétique) :
« En 2023, Danone équipera des dizaines de fermes laitières américaines et européennes de nouvelles infrastructures de gestion du fumier afin de réduire les émissions de méthane. Au Maroc, Danone a déjà formé 1.600 petits exploitants à l'augmentation des rendements laitiers et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre par gallon de lait grâce à une meilleure gestion du troupeau et à une alimentation plus équilibrée et digeste pour le bétail. Au cours des quatre prochaines années, Danone travaillera avec des partenaires locaux pour étendre ce projet et atteindre 10.000 petits exploitants.
EDF fournira une expertise scientifique sur la réduction du méthane, soutiendra l'analyse économique de la manière dont les stratégies d'atténuation du méthane profitent aux revenus agricoles, et examinera et améliorera les méthodes de reporting pour garantir la transparence. »
Des « infrastructures de gestion du fumier » dans les mois qui viennent en France ? En sautant allégrement les obstacles administratifs d'une bureaucratie tâtillonne, et sans doute aussi judiciaires par des « défenseurs de la Planète » déterminés à ce que rien ne change dans leur environnement ?
Pas sûr qu'une communication avec un accent aussi détestable soit du meilleur effet... (Source)
L'EDF – celui du fameux Christopher Portier, personnage éminent du CIRC-gate – fournira un appui ? Cela sent le greenwashing...
L'AFP obséquieuse ? Peut-être pas, car elle n'a pas manqué de faire référence à un rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) de 2021 :
« Il préconisait d’abord des changements de comportement, comme l’amélioration de la gestion des élevages et l’adoption de régimes alimentaires dans lesquels la viande et les produits laitiers se font plus discrets voire disparaissent. »
Les produits laitiers de Danone ?