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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

M. Stéphane Foucart a trouvé une nouvelle étude pourrie pour discréditer le glyposate

2 Décembre 2022 Publié dans #Glyphosate (Roundup), #Article scientifique, #Activisme

M. Stéphane Foucart a trouvé une nouvelle étude pourrie pour discréditer le glyposate

 

 

(Début du fil)

 

 

Tout est bon pour discréditer le glyphosate – avec l'espoir évident de le faire dézinguer par les autorités d'évaluation et d'homologation.

 

L'argument pipeau du « glyphosate déclaré "probablement cancérigène" par le CIRC » – quand ce n'est pas carrément « cancérigène » et/ou « par l'OMS » – semble marcher de moins en moins bien. Il faut donc trouver autre chose.

 

 

Septembre 2022 : un article d'opinion à l'apparence scientifique fait le bonheur du Monde

 

 

 

Le 7 septembre 2022 (date sur la toile), le Monde publiait « Glyphosate : une étude industrielle sur la neurotoxicité de l’herbicide soustraite aux autorités européennes ». Devinez qui en était l'auteur ? Vous n'avez droit qu'à un essai...

 

Notez bien le mot « soustraite » : il implique une volonté de dissimuler, une fraude...

 

En chapô :

 

« L’étude de 2001 mettait en évidence de possibles effets délétères sur la construction du cerveau d’une exposition prénatale. En cause, la firme suisse agrochimique Syngenta. »

 

Notez bien le mot « possibles »...

 

J'avais envisagé d'en faire une analyse, mais cela s'était avéré compliqué tant du point de vue du fond que de la motivation. Il fallait, en effet, démêler un écheveau chronologique et chimique pour, éventuellement, démontrer que le scandale allégué faisait long feu. Mais maintenant, il y a une suite...

 

 

 

 

Cet article se fondait sur « What you don’t know can still hurt you - underreporting in EU pesticide regulation » (ce que vous ne savez pas peut encore vous faire du mal - la sous-déclaration dans la réglementation européenne sur les pesticides) d'Axel Mie et Christina Rudén.

 

En bref, une étude « industrielle » sur la neurotoxicité développementale (toxicité pour la construction cérébrale) du glyphosate aurait été cachée par Syngenta aux experts européens (Foucart scribit). Mais elle n'entrait pas dans l'intervalle de temps pris en compte pour le recensement des études à soumettre dans le cadre de la demande de renouvellement en cours.

 

Et, surtout, elle concernait le glyphosate-trimésium, qui n'était pas inclus dans la demande de renouvellement de 2012, ni dans l'actuelle.

 

S'il y avait un os à ronger, c'était sans doute un osselet. Du reste, les deux auteurs suédois ont fait de prodigieux efforts pour étayer leur assaut contre le glyphosate :

 

« Il est important de noter que l'effet DNT [neurotoxicité développementale] a été reconnu par le laboratoire d'essai dans le rapport d'étude original, tel que cité dans l'évaluation de l'EPA. Les effets observés ont été interprétés comme fortuits [incidental] par le laboratoire d'essai et donc rejetés ; néanmoins, nous affirmons que les résultats en tant que tels indiquent toujours des effets potentiellement dangereux. Les entreprises peuvent, et font souvent, valoir que certains effets observés ne sont pas pertinents ou fiables. Toute décision finale sur le rejet d'effets apparents comme étant fortuits doit cependant être prise par les autorités. »

 

C'est dans la section « L'entreprise aurait dû soumettre l'étude DNT directement en 2001 ». L'argument est sans doute recevable mais, à l'évidence, on tente de polluer la procédure en cours avec de l'histoire ancienne... en laissant entendre que la conclusion a été tirée par le laboratoire d'essai.

 

Pourtant, dans la description des faits, quatre paragraphes plus haut...

 

« L'étude DNT a été évaluée par l'U.S. EPA en 2005, et l'autorité américaine a conclu qu'elle démontre des effets comportementaux chez la progéniture des rats après exposition des animaux maternels. Les doses étaient de 0, 10, 25 et 100 mg de glyphosate-trimesium/kg de poids corporel (pc)/jour, administrées par gavage aux animaux maternels du jour 7 de la gestation jusqu'au jour postnatal (PND) 11. La dose minimale avec effet nocif observé (LOAEL) chez la mère était > 100 mg, c'est-à-dire qu'aucune toxicité maternelle, considérée comme nocive, n'a été observée. Chez la progéniture, l'activité motrice globale était diminuée (45-72 %) chez les mâles et les femelles des groupes 25 et 100 mg le 14e PND. Ces résultats étaient déjà reconnus dans le rapport d'étude original de 2001, mais le laboratoire d'essai les a rejetés comme étant fortuits. En revanche, l'EPA a reconnu ces effets et a fixé la LOAEL pour la progéniture à 25 mg/kg pc/jour et le niveau d'absence d'effet nocif observé (NOAEL) à 10 mg/kg pc/jour. Nous constatons donc que l'interprétation des données par le laboratoire d'essai diffère de celle de l'autorité américaine ; les effets reconnus mais rejetés par le laboratoire ont été utilisés par l'U.S. EPA pour fixer une LOAEL. Globalement, l'U.S. EPA a également jugé l'étude acceptable pour une utilisation réglementaire. »

 

Voici encore le premier paragraphe de leur conclusion :

 

« Selon nous, la législation est claire ; l'étude DNT du glyphosate-trimésium aurait dû être signalée aux autorités de l'UE en 2001 et incluse dans le dossier actuel du glyphosate, où les demandeurs auraient dû examiner attentivement le potentiel DNT du glyphosate. Aucune de ces actions n'a eu lieu. Le raisonnement derrière ces omissions, et dans quelle mesure les co-demandeurs ont été informés de cette question, nous sont inconnus. Indépendamment des arguments solides et valables que les demandeurs pourraient avancer pour rejeter les effets DNT observés du glyphosate-trimésium, ou leur pertinence pour d'autres formes de glyphosate, nous estimons qu'ils seraient toujours tenus de le faire explicitement dans le dossier, et d'informer l'EFSA des données afin que l'autorité réglementaire puisse faire sa propre évaluation. »

 

Le deuxième est aussi un monument de jésuitisme. En bref, les auteurs n'accusent personne...

 

« […] Nos analyses sont plutôt basées sur notre compréhension, en tant que scientifiques et citoyens, de la manière dont le système réglementaire européen des pesticides devrait fonctionner afin d'atteindre ses objectifs élevés en matière de protection de la santé humaine, de transparence et de fondement scientifique. »

 

Cela n'a pas empêché le Monde de qui vous savez de publier un article et de titrer de manière péremptoire comme on l'a vu ci-dessus.

 

Fermons ce dossier qui se fonde sur une « compréhension » capillotractée de deux chercheurs manifestement activistes.

 

 

Une curieuse interprétation du retard dans la procédure de réhomologation

 

 

 

 

M. Stéphane Foucart poursuit sur son fil Twitter :

 

« Informée en avril de cette lacune dans le dossier, l'agence chargée de l'expertise européenne @EFSA_EU a reporté à l'été 2023 la conclusion de son expertise sur le #glyphosate, en particulier pour en examiner la toxicité sur le développement cérébral. »

 

Quel génie ! Quel sens du résumé !

 

Voici ce qu'a écrit l'EFSA le 10 mai 2022 dans « Glyphosate : L'EFSA et l'ECHA mettent à jour le calendrier d’évaluation » :

 

« L'EFSA a reçu 368 contributions en réponse à sa consultation publique, dont beaucoup comprenaient des commentaires multiples. L'EFSA a également recueilli environ 2 400 commentaires provenant d'experts des États membres ainsi que d’experts du groupe pour le renouvellement du glyphosate (GRG [les pétitionnaires]). L’ensemble de ces contributions constitue à présent un dossier d'environ 3 000 pages qui doit être étudié par le GRG puis par l'AGG [le groupe d'évaluation du glyphosate – France, Hongrie, Pays-Bas et Suède], et qui servira ensuite de base à l'élaboration du rapport de renouvèlement mis à jour.

 

L'AGG a informé l'EFSA qu'il prévoyait de soumettre son rapport mis à jour d'ici le 30 septembre 2022. L'EFSA sera donc en mesure d'organiser les réunions d'examen par les pairs avec les experts des États membres en novembre et décembre 2022, de façon à finaliser ses conclusions en juillet 2023. Dans ses conclusions, l'EFSA évaluera tous les risques possibles que l'exposition au glyphosate pourrait présenter pour les humains, les animaux et l'environnement. »

 

 

Pour connaître les doses, il faudra lire jusqu'au bout

 

 

 

 

Mais, oh miracle, voici qu'une nouvelle étude a produit des « résultats qui vont dans le sens de ceux de l'étude industrielle soustraite au dossier réglementaire européen ».

 

L'étude, c'est « Comparison of the effect of glyphosate and glyphosate-based herbicide on hippocampal neurogenesis after developmental exposure in rats » (comparaison de l'effet du glyphosate et d'un herbicide à base de glyphosate sur la neurogenèse de l'hippocampe après une exposition pendant le développement chez le rat) de Ryota Ojiro et al.

 

En voici le résumé (découpé comme d'habitude) :

 

« Points forts

 

- Le glyphosate (GlyP) et l'herbicide à base de GlyP (GBH) ont supprimé de manière similaire la neurogenèse.

 

- Les effets se sont poursuivis jusqu'à l'âge adulte, accompagnant des réponses compensatoires.

 

- Les deux composés ont également induit des réponses de stress oxydatif jusqu'à l'âge adulte.

 

- Les effets neurotoxiques étaient plus évidents avec 1,0 % de GBH qu'avec 3,0 % de GlyP.

 

- Les surfactants du GBH pourraient avoir contribué à la neurotoxicité accrue du GlyP.

 

 

Résumé

 

Des preuves croissantes indiquent que les herbicides (GBHs) à base de glyphosate (GlyP) induisent une neurotoxicité développementale.

 

La présente étude a examiné l'effet de l'exposition pendant le développement au GlyP et à un GBH sur la neurogenèse de l'hippocampe chez les rats. Les mères ont été traitées du jour 6 de la gestation au jour 21 après la mise bas avec un régime alimentaire contenant 1,5 % ou 3,0 % de GlyP ou avec de l'eau de boisson avec 1,0 % de GBH (contenant 0,36 % de GlyP). Les mères des groupes de 1,5 % de GlyP, 3,0 % de GlyP et de GBH ont reçu respectivement 1,04, 2,16 et 0,25 g de GlyP/kg de poids corporel (PC) par jour pendant la gestation, et 2,27, 4,65 et 0,58 g de GlyP/kg de PC par jour pendant la lactation.

 

Au sevrage, la progéniture exposée à 3,0 % de GlyP et au GBH a vu son poids corporel diminuer, et ce dernier a également diminué le poids du cerveau. Les deux composés ont supprimé la prolifération des cellules progénitrices neurales dans la niche neurogène, et la progéniture exposée au GlyP a montré une diminution du nombre de cellules granulaires immatures TUBB3+.

 

En revanche, les deux composés ont augmenté le nombre de cellules granulaires ARC+, ce qui suggère une plasticité synaptique accrue.

 

Les deux composés ont fait baisser la régulation des gènes antioxydants (Cat et Sod2) dans le gyrus denté, ce qui suggère une sensibilité accrue au stress oxydatif, qui pourrait être liée à la suppression de la neurogenèse.

 

À l'âge adulte, le GBH seul a maintenu des diminutions du poids corporel et du poids du cerveau. Les deux composés ont augmenté les niveaux de malondialdéhyde dans l'hippocampe et ont augmenté le taux de Cat dans le gyrus denté, ce qui suggère une induction du stress oxydatif. Les deux composés ont augmenté la régulation de Casp9, et le GBH a augmenté l'apoptose des cellules progénitrices neurales, ce qui suggère une perturbation de la neurogenèse liée au stress oxydatif. Le GBH a augmenté le nombre de cellules granulaires COX2+, et les deux composés ont augmenté l'Arc, suggérant une plasticité synaptique accrue.

 

Ces résultats suggèrent que le GlyP et le GBH pourraient avoir des effets similaires sur la perturbation de la neurogenèse accompagnant des réponses compensatoires et l'induction de réponses au stress oxydatif jusqu'à l'âge adulte dans l'hippocampe.

 

Cependant, les effets sur l'âge adulte étaient plus évidents avec le GBH, ce qui suggère que les surfactants contenus dans le GBH pourraient avoir contribué à l'augmentation de la neurotoxicité du GlyP, de manière similaire à l'augmentation de la toxicité générale. »

 

 

Fig. 1. Poids corporel, consommation de nourriture et d'eau des mères pendant la période d'exposition. (A) Poids corporel, (B) consommation de nourriture, et (C) consommation d'eau. * P < 0,05, * * P < 0,01, par rapport aux contrôles non traités par analyse de variance à mesures répétées suivie du test post-hoc de Bonferroni.

 

Interprétation : Pas d'effet de la nourriture assaisonnée de glyphosate. Mais les mères n'ont pas apprécié la boisson au Roundup...

 

 

À ce stade, armé de solides connaissances dans le domaine considéré, il faudrait se plonger dans l'article scientifique...

 

Mais revenons à la base :

 

« […] Les mères des groupes de 1,5 % de GlyP, 3,0 % de GlyP et de GBH ont reçu respectivement 1,04, 2,16 et 0,25 g de GlyP/kg de poids corporel (PC) par jour pendant la gestation, et 2,27, 4,65 et 0,58 g de GlyP/kg de PC par jour pendant la lactation.

 

Intéressons-nous au glyphosate seul, car nous n'avons vu aucune étude démontrant que les surfactants des herbicides à base de glyphosate se retrouvaient dans l'alimentation. Rapporté à l'espèce humaine,

 

  • une femme enceinte de 60 kg devrait être gavée avec quelque... 60 ou 130 grammes de glyphosate (voire 280 grammes pendant l'allaitement), soit près de 9 ou de 18 litres de Roundup (ancienne formule) prêt à l'emploi, alors que...

     

  • la dose journalière admissible est en Europe de 0,5 milligramme/kg p.c., soit 30 milligrammes pour cette femme et que...

     

  • les doses absorbées, majoritairement excrétées par les fèces, s'expriment en microgrammes (quelque 10 microgrammes si on se fonde sur les résultats, faux et surévalués, des « pisseurs de glyphosate » et en comptant large).

 

Cette étude de chercheurs japonais et sud-coréens est sans doute intéressante et instructive. Mais sans intérêt dans le monde réel. Et elle ne devrait avoir aucune incidence sur la procédure de réhomologation.

 

Mais elle est susceptible, comme bien d'autres, de pourrir le paysage médiatique et politique. Mais relevons que le Monde n'a pas osé refaire le coup de l'article d'Axel Mie et Christina Rudén.

 

 

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