La mission de l'agriculture – Allemagne, tes paysans disparaissent en silence
Willi l'agriculteur*
La semaine dernière, j'ai assisté à un événement au cours duquel nous avons fusionné les quatre associations locales d'agriculteurs de notre commune. Cela a été très vite « expédié » parce que le nombre d'agriculteurs diminue et que le nombre de ceux qui veulent s'engager bénévolement diminue également. Sous « Divers », l'Union des agriculteurs a fait part de ce qui nous attendait prochainement, nous les agriculteurs. Un jeune agriculteur a pris la parole et a demandé si on en resterait là ou si on envisageait d'entreprendre quelque chose pour qu'il ait encore un avenir à trente ans. Une question tout à fait compréhensible et pas du tout pleurnicharde.
En Rhénanie-du-Nord-Westphalie, les surfaces des « zones rouges » sont actuellement triplées. Une carte grossière circule déjà, la carte détaillée ne sera disponible, je ne sais pourquoi, que le 1er décembre [l'article d'origine est daté du 28 novembre]. D'ici là, je ne sais donc pas si mes parcelles sont concernées ou non, car elles se trouvent en bordure d'un grand bloc. La zone a déjà été rouge, puis blanche pendant plusieurs mois. Maintenant, elle pourrait redevenir une zone rouge.
Seuls des experts peuvent donner l'explication de ce changement permanent, je ne peux pas le faire. Dans les zones rouges, nous, les agriculteurs, ne pouvons plus fertiliser qu'à hauteur de 80 % des besoins de la culture. C'est un peu comme si vous vouliez maintenir un ouvrier du bâtiment au travail en lui donnant des nouilles. Cela ne fonctionne pas longtemps. La sous-fertilisation permanente imposée par l'État entraînera une diminution des rendements et une baisse de la qualité. Les conséquences financières seront supportées par les seuls agriculteurs. Si les récoltes manquent, elles seront couvertes par des importations.
La protection phytosanitaire est attaquée de plusieurs côtés. Dans la stratégie de l'UE, les « pesticides » doivent être réduits de 50 % d'ici 2030. Mais cela ne doit s'appliquer qu'aux « pesticides » chimiques de synthèse, l'agriculture biologique devant être exclue. En Allemagne, les discussions vont dans le sens d'une interdiction totale de la protection phytosanitaire chimique dans les zones protégées. Les zones protégées ne comprennent pas seulement les zones spéciales de conservation et les zones de protection des eaux, mais aussi les zones de protection des paysages. Au total, nous parlons ici de plusieurs millions d'hectares sur lesquels, selon ce que l'on sait actuellement, cela doit se faire sans compensation financière. De nombreuses régions sont affectées à la fois par l'abandon des traitements phytosanitaires et la réduction de la fertilisation. Il n'est pas exagéré de parler d'expropriation pure et simple à propos de ces mesures. L'interdiction des produits phytosanitaires entraîne une baisse des rendements. Les quantités manquantes doivent être couvertes par des importations.
Il ne s'agit certes que d'un sujet régional, centré sur le nord de l'Allemagne, mais pour les agriculteurs concernés, la remise en eau des zones humides signifie la fin de leur carrière. Il n'existe actuellement aucun marché pour les cultures alternatives et on ne voit pas non plus comment ce marché pourrait être créé. Ce sont des considérations théoriques pour calmer les esprits et les décideurs le savent bien.
Il est inimaginable de voir à quelle vitesse de nombreuses exploitations porcines mettent définitivement la clé sous la porte. Cela se passe sans que la politique et la société n'en tiennent compte ! On a presque l'impression que l'on veut supprimer l'élevage en Allemagne par le biais de faillites privées, parce que cela ne coûte rien aux contribuables. Celui qui doit coller un billet de 50 € sur chaque cochon qui quitte la ferme détruit à une vitesse folle son propre patrimoine, s'il en a encore un. Celui qui croit qu'au vu de la situation actuelle, un éleveur de porcs investira ne serait-ce qu'un seul centime dans la construction ou la transformation d'une porcherie, croit également aux licornes et aux lapins qui parlent. Et le temps que les lois sur la construction soient modifiées, l'élevage porcin sera déjà parti depuis longtemps en Espagne, où le bien-être des animaux ne joue pas un rôle aussi important que chez nous. Il ne faudra pas longtemps avant que nous devenions également un pays importateur de viande de porc.
Il convient également de mentionner ici l'élevage de moutons et de chèvres. Tout le monde sait à quel point ces animaux sont importants pour la protection de la nature, mais les éleveurs de moutons doivent entendre exactement les mêmes discours creux de la part des politiques que les éleveurs de porcs. Dans la pratique, de nouveaux bergers professionnels cessent chaque jour leur activité et ils sont aujourd'hui moins d'un millier. Au vu des perspectives peu réjouissantes, il n'est pas étonnant que les jeunes préfèrent choisir un métier offrant plus de confort. La société ne se rendra compte de cette perte que lorsqu'il sera trop tard. La tendance est déjà irréversible.
Si l'on regarde l'actuel niveau de direction du BMEL, il n'y a personne, à part Mme Silvia Bender, qui soit compétent et qui ait déjà travaillé dans le secteur. Le fait que le BMEL déclare, à l'occasion de la Journée mondiale des abeilles, que l'abeille mellifère est un pollinisateur pour la vigne et le blé est plus qu'embarrassant.
Actuellement, Mme Rottmann, l'une des secrétaires d'État, a annoncé qu'elle se présentait au poste de maire de Francfort après douze mois de mandat. Je suis abonné à l'agenda de M. Cem Özdemir et je peux y voir qu'il se rend remarquablement souvent dans le Bade-Wurtemberg. Lui aussi n'attend qu'une chose : devenir ministre-président pour se débarrasser d'une fonction qu'il remplit à moitié. En décembre, cela fera un an qu'il est en fonction et, à part un label d'élevage controversé, il n'a rien à proposer qui puisse donner aux agriculteurs une quelconque confiance en l'avenir.
Il n'y a d'ailleurs guère de différence d'humeur entre le bio et le conventionnel. Ce qui est dommage, c'est que c'est surtout Bioland qui tire avec véhémence et agressivité contre l'agriculture conventionnelle. Mais ce ne sont pas les agriculteurs, mais les dirigeants de l'association qui voient leurs espoirs s'envoler. Même ses propres membres n'apprécient pas ce déguisement ridicule en insecte.
Bioland donne une voix aux insectes – et fonde le lobby des insectes.
Fin novembre 2019, quelque 40.000 agriculteurs étaient présents à Berlin avec leurs tracteurs. Cela a donné la chair de poule et tout le monde a été surpris de voir à quel point les agriculteurs peuvent être solidaires entre eux. On n'avait encore jamais vu ça. Peu après, le sommet agricole s'est tenu à la chancellerie. C'est là qu'a été créée la Commission pour l'Avenir de l'Agriculture, dont un tiers des membres étaient des représentants de l'agriculture. Les autres membres étaient issus d'ONG, de la protection des consommateurs ou d'autres secteurs de la société. Les résultats de la commission ont été présentés après environ 18 mois. Quelque temps plus tard, le gouvernement est passé à la coalition « feux tricolores ». Depuis lors, les femmes politiques qui étaient auparavant de véhémentes représentantes des agriculteurs ont disparu de la scène. Concrètement, je parle de la CDU avec Mmes Julia Klöckner, Gitta Connemann et Silvia Breher, qui ont désormais cherché d'autres « terrains de jeu ». Le FDP a du mal à s'imposer dans la coalition face à la phalange verte du BMEL et du BMU [ministère de l'environnement]. Dans un bulletin de notes, j'écrirais au FDP : « Ils ont toujours fait des efforts dans le cadre de leurs possibilités limitées. »
Je ne veux pas conclure cet article sans donner un conseil. Je me sers pour cela d'une citation de M Harald Grethe, à qui le modérateur a demandé, lors d'une table ronde, quel conseil il donnerait aux jeunes éleveurs. M Cem Özdemir était assis en face de lui dans la salle. Le professeur Grethe a dit en substance : « Ne comptez pas sur la politique. Elle n'y arrivera pas. Cherchez une niche. Mais il n'y en a plus beaucoup. »
Il aurait pu dire aussi : « Ne comptez que sur vous-même et sur personne d'autre. Chacun doit voir ce qu'il peut faire et certains, peut-être même beaucoup, n'y arriveront pas. »
Allemagne, tes paysans disparaissent en silence...
Y aura-t-il encore une fois une solidarité comme celle de 2019 ? Ce serait important. Encore plus maintenant qu'à l'époque...
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* Source : Die Aufgabe der Landwirtschaft - Bauer Willi