Le réflexe « cerveau éteint »
Fritz l'agriculteur chez Willi l'agriculteur*
Un article invité de Fritz l'agriculteur de Haute-Autriche, qui traite du réflexe qui fait réagir promptement les médias à une « étude » ou à un « atlas » des « NGO – Nicht Gewählte Organisationen », des ONG (organisations non élues). Je suis reconnaissant à Fritz de s'en charger, car je suis désormais fatigué de commenter toujours les mêmes campagnes des BUND, NABU, WWF et autres. C'est l'« l'atlas des pesticides » qui fait présentement l'actualité. Et les promesses de la « Zukunftskommission Landwirtschaft » (Commission pour l'Avenir de l'Agriculture) de laisser les agriculteurs tranquilles et de se montrer solidaire avec eux peuvent désormais être jetées aux orties. Elles n'ont pas duré longtemps.
Il s'agit d'un phénomène incontournable dans le domaine des médias, que l'on retrouve aussi étonnamment que malheureusement le plus souvent dans les médias de qualité qui s'autoproclament ainsi. Et pas seulement en Autriche.
Ma note : Cet article commente une gesticulation militante et médiatique grandement fondée sur le fait que les statistiques autrichiennes sur les pesticides incluent le gaz carbonique utilisé pour la protection des denrées stockées contre les insectes.
Ce phénomène étrange se produit principalement lorsque les médias reçoivent des communiqués de presse d'ONG et peut être diagnostiqué comme suit : presque immédiatement après que les « bons selon leur propre définition » ont diffusé une information alarmiste, les « médias de qualité selon leur propre définition » ont le réflexe d'éteindre leur cerveau. Alors qu'ils se vantent année après année de leurs performances en matière de recherche, qu'ils louent leurs fact-checks, qu'ils font l'éloge de leurs journalistes parfaitement formés, les informations des ONG provoquent chez eux une soudaine accalmie, un black-out collectif de presque toutes les performances cérébrales. Il ne leur reste plus que l'énergie pour taper sur le clavier la combinaison Copy+Paste et, dans un dernier sursaut, à lancer les rotatives.
Chaque année, on pourrait décerner le prix du journaliste « cerveau éteint », comme le pendant du « razzie award » des Oscars du cinéma. Les exemples récurrents sont sans aucun doute les mille fois réfutés et pourtant publiés à maintes reprises
-
15.000 litres d'eau consommés par kilogramme de viande de bœuf ou
-
les chiffres sur l'utilisation de produits phytosanitaires (vulgairement appelés « Atlas des pesticides »).
Ce dernier étant paru ces jours-ci, l'obscurité s'est abattue sur les salles de rédaction – plus vite qu'on ne peut dire Omicron. [Ma note : Willi a publié son article le 15 janvier 2022.]
En effet, depuis que les statistiques sur les produits phytosanitaires ont intégré en 2016 l'une des matières actives les plus toxiques qui soient (le CO2 = gaz carbonique), le vérificateur de faits de qualité ne lit plus qu'une seule tendance : une consommation accrue chaque année. Pouah, l'agriculture, méchante disséminatrice de poisons (conventionnels).
Il faut donc absolument faire savoir à la population inquiète et donc très alarmée à quel point elle utilise elle-même cette matière active (extrêmement mortelle si elle est attribuée à l'agriculture – en tant que « pesticide » ou produit phytosanitaire) dans chaque foyer, dans chaque entreprise, dans chaque exploitation. Voici une petite vérification des faits, sans arrêt du cerveau.
a) Dans les boissons comme les eaux minérales.
En 2020, environ 644 millions de litres d'eau minérale naturelle (c'est nous qui graissons) ont été consommés en Autriche. Les ventes de sodas en Autriche étaient d'environ 6,7 millions d'hectolitres ( = 670 millions de litres). Voir aussi la popularité des marques de limonades et de sodas en 2021.
Mes propres calculs : En 2020, les Autrichiens ont donc ingurgité environ 1,3 million de tonnes de liquides contenant du CO2, une matière active « pesticide » et un gaz inerte. L'agriculture autrichienne a utilisé 2.171 tonnes, soit 0,17 % de la quantité de gaz que les Autrichiens ont ingéré dans des liquides.
b) comme gaz propulseur dans les déodorants, les bombes de crème chantilly, les fontaines à eau, les robinets à bière, etc.
c) dans les extincteurs.
Fin 2020, en Autriche, 1.509 produits phytosanitaires étaient autorisés à la mise sur le marché (-28 par rapport à l'année précédente). La quantité de produits phytosanitaires (produits formulés) vendue en Autriche en 2020 s'élevait à environ 13.395 tonnes, soit 588 tonnes (+4,6 %) de plus que l'année précédente. Les statistiques quantitatives 2020 pour les matières actives (pures) de produits phytosanitaires indiquent une quantité mise en circulation de 5.595,4 tonnes. Cela correspond à une augmentation de 632 tonnes ou 12,7 % par rapport à l'année précédente. La quantité de gaz inertes (actuellement, seul le CO2 est autorisé) mise sur le marché s'élève à 2.171,3 tonnes. Si on ne tient pas compte du groupe des gaz inertes (note personnelle à l'intention des journalistes de qualité : 2.171,3 tonnes de CO2 = 38,8 % de la quantité totale de 5.595,4 tonnes de matières actives), la quantité de matières actives est de 3.424,1 tonnes (= 61,2 %). La diminution par rapport à l'année précédente est de 146,7 tonnes, soit -4,1 % (note personnelle à l'intention des journalistes de qualité : diminution = réduction = baisse de l'utilisation).
L'augmentation des insecticides résulte de l'utilisation d'un gaz inerte dans la protection des stocks (+778,8 tonnes). De ce fait, 2.449,1 tonnes de matières actives du groupe des insecticides ont été mises sur le marché, ce qui représente une augmentation de 51,3 % par rapport à 2019 (note personnelle à l'intention des journalistes de qualité : l'augmentation des insecticides est donc presque exclusivement due à l'utilisation accrue de CO2).
Le groupe des herbicides a augmenté de 0,1 % en 2020 par rapport à l'année précédente, avec 1.152 tonnes.
Pour le groupe des matières actives fongicides (à l'exception du soufre et des matières actives contenant du cuivre), la quantité s'élevait à 952,5 tonnes, ce qui correspond à une diminution de 8,4 %. Le volume des ventes de soufre (830 tonnes) a diminué de 9,6 % en 2020. Pour cette matière active, on constate de fortes variations des quantités vendues selon les années. Pour les matières actives contenant du cuivre, les quantités vendues ont diminué de 15,9 % en 2020.
La part des quantités mises sur le marché de matières actives chimiques de synthèse a diminué de 8,3 % en 2020 pour atteindre 1.959,7 tonnes, ce qui représente 35 % des quantités totales. La part des matières actives répertoriées comme utilisables pour la production biologique s'élevait au total à 3.635,7 tonnes en 2020, soit 65 % des quantités totales de matières actives. Si on ne tient pas compte du groupe des gaz inertes, cette part est de 1.464,4 tonnes, soit 43 %. Les produits phytosanitaires contenant des matières actives du règlement bio sont utilisés aussi bien dans l'agriculture biologique que dans l'agriculture conventionnelle et en partie dans les jardins familiaux et les petits jardins.
Voici des liens précieux (pas seulement pour les journalistes de qualité) pour prévenir le réflexe du « cerveau éteint » :
-
Immer mehr Pestizide in Österreich – stimmt das? | Landwirtschaftskammer Oberösterreich (lko.at) (toujours plus de pesticides en Autriche – est-ce vrai ? – Chambre d'Agriculture de Haute-Autriche (lko.at))
-
Pestizidverbrauch: Medien vermitteln falsches Bild – Addendum – Addendum (utilisation de pesticides : les médias véhiculent une fausse image – Addendum – Addendum)
-
Mythenjagd (1): Bio bedeutet ungespritzt – Salonkolumnisten (chasse aux mythes (1) : Bio signifie non traité)
Nouvelle année, nouveau jeu. On verra quand se produira le prochain « arrêt du cerveau »...
-
Remarque 1 « Le CO2 n'est pas un gaz inerte » :
Oui et non. Il y a une classification chimique (par exemple selon le tableau périodique) mais aussi selon le comportement d'un gaz ou d'une matière.
Citation : « La classification comme gaz inerte dépend de l'environnement réactionnel concerné. Les gaz rares présentent dans la plupart des cas des propriétés d'inertie. L'azote élémentaire, le CO2 et de nombreux autres composés se comportent comme des gaz inertes dans de nombreux environnements, mais comme des gaz actifs dans d'autres ».
-
Dans les environnements et les applications agricoles, le CO2 se comporte comme un gaz inerte et est donc déclaré comme tel.
-
Remarque 2 : « quantité vendue » et « quantité de matière active »
Différence expliquée à l'aide de l'exemple de la matière active métamitrone (utilisation par exemple dans la culture des betteraves sucrières) avec des données issues du registre autrichien des produits phytosanitaires (Pflanzenschutzmittel-Register). Le tableau présente 24 résultats avec leurs noms commerciaux (note personnelle à l'intention des journalistes de qualité : cela signifie que sur les 1.509 produits phytosanitaires autorisés en Autriche (chacun avec un numéro d'enregistrement), il existe déjà 24 produits de différentes entreprises, mais qui contiennent la même matière active, la métamitrone). On trouve ainsi dans la liste :
Beetix SC (1 litre vendu contient 696 g de matière active),
Beetix 700 (1 litre vendu contient 700 g de matière active),
Brevis (1 kilo vendu contient 150 g de matière active),
Goltix compakt (1 litre vendu contient 900 g de matière active),
Goltix gold (1 litre vendu contient 700 g de matière active).
Étant donné qu'un litre pèse généralement un kilogramme [ma note : c'est à voir...], le volume vendu indiqué ici est de 5 kilos, mais il ne contient que 3,146 kg de matière active.
-
Remarque 3 : réalité contre fake news
J'aimerais attirer l'attention des lecteurs sur une partie des statistiques sur les produits phytosanitaires mentionnées ci-dessus qui, sinon, serait peut-être tout simplement « ignorée », mais qui contient pourtant des déclarations explosives dignes d'être (re)notées. Le dernier paragraphe du Grüner Bericht (rapport vert) dit ceci :
-
« La part des quantités de matières actives chimiques de synthèse mises sur le marché a diminué de 8,3 % en 2020 pour atteindre 1.959,7 tonnes et représente 35 % des quantités. »
-
« La part des matières actives répertoriées pour la production biologique s'élevait en 2020 à 3.635,7 tonnes, soit 65 % des quantités totales de matières actives. »
Cela peut donner lieu à deux types de lecture, toutes deux intéressantes et très éloignées de ce qui est diffusé par cet atlas de propagande et de fake news :
-
Variante de lecture a) : Comme l'Autriche compte environ 75 % d'exploitations conventionnelles, celles-ci n'utilisent que 35 % de toutes les quantités de matières actives (1.959,7 tonnes). En même temps, les 25 % d'exploitations biologiques utilisent actuellement 65 % de toutes les quantités de matières actives (3.635,7 tonnes). Cela signifierait toutefois que les exploitations bio pulvérisent plus du double de la quantité conventionnelle pour atteindre des rendements environ deux fois plus faibles.
-
Variante de lecture b) : Étant donné que les exploitations bio n'utilisent pas (ne doivent pas/ne peuvent pas utiliser) de matières actives chimiques de synthèse, on peut supposer que les exploitations conventionnelles utilisent également dans une large mesure de nombreuses matières actives qui sont également autorisées pour le secteur bio et qui ne déploient donc pas seulement leur effet phytosanitaire positif dans ce secteur (ou bien s'agit-il d'un effet pesticide négatif ?).
Ma note : C'est évidemment la variante b) qui est pertinente.
____________
/image%2F1635744%2F20220929%2Fob_adc645_capture-bauer-willi.jpg)
* Source : Der "Hirn-Aus"-Reflex - Bauer Willi