Point de vue : L'EPA choisit la politique plutôt que la science dans sa décision sur l'atrazine

Point de vue : L'EPA choisit la politique plutôt que la science dans sa décision sur l'atrazine

Amanda Zaluckyj, AGDAILY*

Image : USDA, Flickr

La bataille sur l'avenir de l'atrazine s'intensifie. L'Agence Américaine de Protection de l'Environnement et le Réseau Triazine se sont écharpés ce mois-ci dans un échange de lettres. Alors que la lettre de l'EPA est apparue comme dédaigneuse et désinvolte, le Réseau Triazine a clairement indiqué que les choses n'allaient nulle part.

Il faut décrire le contexte pour apprécier pleinement ce moment. De quoi s'agit-il ?

Depuis plus de 60 ans, l'atrazine est un outil important de protection des cultures pour les agriculteurs des États-Unis. C'est un herbicide couramment utilisé dans les exploitations de maïs, de sorgho et de canne à sucre, bien qu'il y ait également des utilisations limitées pour les pelouses résidentielles et les terrains de golf. Les agriculteurs peuvent l'appliquer avant et après la levée des cultures pour lutter contre les mauvaises herbes, en particulier les dicotylédones et les graminées.

L'atrazine est réglementée par l'EPA en vertu de la loi fédérale sur les fongicides, les insecticides et les rodenticides. L'EPA réexamine l'enregistrement d'un pesticide tous les 15 ans environ. Mais elle examine régulièrement de nouvelles données et informations – ce que l'EPA appelle la dynamique.

L'agence utilise un certain nombre d'évaluations et de mesures différentes pour déterminer comment, quand et où l'atrazine peut être utilisée. L'évaluation de l'herbicide par l'EPA dans le cadre du programme de surveillance de l'exposition écologique à l'atrazine est celle qui fait le plus réagir le Réseai Triazine. L'objectif déclaré du programme est de surveiller les niveaux d'atrazine dans les bassins versants exposés au ruissellement, tels que les zones à forte utilisation et les petits cours d'eau. Le programme comprend 33 bassins versants dans neuf États.

Le niveau préoccupant équivalent à une concentration (CE-LOC – Concentration Equivalent Level of Concern) est la mesure clé. Il mesure la concentration moyenne d'atrazine sur 60 jours dans les milieux aquatiques. L'objectif est de maintenir les niveaux en dessous d'un seuil afin que l'herbicide ne provoque pas de changements significatifs dans la structure, la fonction et la productivité des communautés végétales aquatiques. Les zones peuvent être déclassées – ou libérées du programme de mesure – si le bassin versant mesure régulièrement des niveaux inférieurs à ce seuil pendant deux ans. En fait, toutes les zones de canne à sucre ont été déclassées à partir de 2013.

C'est là où le CE-LOC est fixé que la controverse commence.

En mars, le Réseau Triazine a écrit une lettre à l'administrateur de l'EPA, Michael S. Regan. Comme je l'ai expliqué dans un article précédent, le Réseau Triazine avait compris que l'EPA prévoyait de réduire le CE-LOC de 15 ppb en moyenne sur 60 jours à seulement 3,4 ppb en moyenne sur 60 jours. Le Réseau Triazine – un groupe de parties prenantes de l'industrie, dont la National Corn Growers Association – a estimé que la proposition n'était pas soutenue par des recherches et des données scientifiques. Elle contredisait les publications de l'agence pour 2019 et 2020. Et un changement aussi drastique aurait un impact négatif sur les producteurs de tout le pays.

Début juin, l'EPA a balancé une réponse. Elle a estimé que la moyenne actuelle de 15 ppb était simplement une « décision politique » (policy decision) de l'administration précédente et a affirmé que le chiffre de 3,4 ppb avait toujours été le chiffre « scientifique ». L'agence a également répondu à la critique selon laquelle la décision n'était pas étayée par des preuves scientifiques adéquates en invoquant un changement dans les études qu'elle jugeait fiables. L'EPA a confirmé qu'elle prévoyait de proposer le chiffre de 3,4 ppb et a encouragé le Réseau Triazine à s'engager dans ce processus.

Dans sa réponse, le Réseau Triazine n'a pas mâché ses mots. Il accuse l'EPA d'utiliser une histoire révisionniste, de faire fi de tout sens de la transparence et de rejeter un ensemble de preuves solides en faveur des 15 ppb. Il souligne également que l'atrazine est un outil important utilisé dans les cultures sans labour et l'agriculture de conservation, qui réduisent toutes deux les émissions de gaz à effet de serre. Et Il promet de répondre de manière substantielle à la proposition de l'EPA une fois qu'elle aura été présentée.

On a vraiment l'impression de créer un dangereux précédent. Si le Réseau Triazine a raison – et je suis encline à le croire – l'EPA ouvre ce type d'évaluation aux caprices de la politique. L'agence actuelle n'aime pas ce que l'agence précédente a fait sous une administration antérieure d'obédience politique différente. Mais il est intenable que les évaluations de la sécurité et des risques puissent changer chaque fois qu'un nouveau parti politique contrôle la Maison Blanche.

C'est pourquoi il est si important que ces décisions soient fondées sur des recherches évaluées par les pairs. Nous voulons utiliser les outils de protection des plantes d'une manière efficace, efficiente et respectueuse de l'environnement. Mais ces agences fédérales doivent s'élever au-dessus de la politique, sinon leurs actions vont complètement saper l'ensemble du cadre réglementaire. Et à l'heure actuelle, c'est exactement la direction que prend l'EPA.

Il ne s'agit pas non plus d'un petit problème. Les conséquences pourraient avoir des effets de grande envergure sur notre approvisionnement alimentaire. Une fois que l'EPA aura proposé ce changement, j'espère qu'elle s'engagera dans une évaluation honnête, solide et bien étayée, fondée sur des données solides.

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* Amanda Zaluckyj tient un blog sous le nom The Farmer's Daughter USA. Son objectif est de promouvoir les agriculteurs et de lutter contre la désinformation qui tourbillonne autour de l'industrie agroalimentaire américaine.

Source : What an EPA decision on atrazine could mean for growers | AGDAILY