Glyphosate et miel : un jugement détonant en Allemagne
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Un tribunal de Frankfurt-sur-Oder (Landgericht) a condamné, lundi 20 juin 2022, une entreprise agricole à indemniser un apiculteur pour le préjudice causé à ce dernier par un désherbage au glyphosate, fin avril 2019.
Il s'agit de pas moins de 14.500 euros, plus les frais de justice.
Nous n'avons pas la décision de justice et devons donc nous en remettre aux articles de presse. La décision a été largement médiatisée... l'apiculteur ayant bénéficié du soutien de la puissante Aurelia-Stiftung, qui n'a pas été en reste.
Le désherbage a eu lieu alors que les pissenlits étaient en pleine floraison. L'apiculteur a/aurait été obligé de détruire quatre tonnes de miel, ainsi que de la cire, et de liquider son entreprise. Le miel a/aurait contenu du glyphosate à des doses allant jusqu'à 152 fois au-delà de la limite maximale de résidus, fixée par défaut à 0,05 mg/kg, soit jusqu'à 7,6 mg/kg de miel.
Pourquoi le conditionnel ? Parce que, au-delà de la prudence dans la relation des faits, cela paraît tout de même curieux.
Les Seusing écrivent sur leur site :
« En avril 2019, nous avons constaté sur l'un de nos ruchers que la prairie de luzerne adjacente de 70 hectares, très densément recouverte de pissenlits, avait été traitée en vue de sa destruction. Comme le pissenlit était justement utilisé par nos abeilles comme source de nectar et que l'application a eu lieu au cours d'une semaine chaude et ensoleillée, nos abeilles ont amené l'herbicide total dans les colonies. Nous avons immédiatement décidé de faire analyser notre miel et avons signalé le cas à l'Office de Surveillance des Denrées Alimentaires. Des résidus de glyphosate jusqu'à 152 fois supérieurs à la limite autorisée ont été détectés et cette partie de notre récolte n'est donc pas commercialisable. Nous avons récolté ce lot d'environ 550 kg de manière isolée et ne l'avons pas mis en bocal.
Ce n'est que grâce à la gestion volontaire de la qualité au sein de l'entreprise que des ruchers plus éloignés ont maintenant été analysés et que l'ampleur totale des dégâts a été reconnue. Lors de la récolte de printemps d'un rucher distant de trois kilomètres, on a constaté une contamination par le glyphosate tout de même dix fois trop élevée.
En outre, les analyses du miel de bleuet récolté plus tard en été ont révélé une concentration de glyphosate jusqu'à 50 fois trop élevée. Ce dommage n'est pas dû à la pulvérisation du pissenlit au printemps, mais laisse supposer une deuxième application de glyphosate, plus tardive, dans un champ de céréales environnant, très probablement dans le cadre d'une désiccation (traitement des céréales pour pouvoir les récolter plus rapidement et plus facilement).
La fondation Aurelia condamne fermement le fait que de telles applications soient encore autorisées sous conditions – selon les dispositions d'application de l'Office Fédéral de la Protection des Consommateurs et de la Sécurité Alimentaire (BVL), elles sont expressément destinées à tuer les "mauvaises herbes", comme par exemple les bleuets en fleurs.
Il s'agissait au total de 4,1 tonnes de miel qui ont dû être retirées de la circulation. »
L'Aurelia-Stiftung écrit :
« Comme le confirme le Landgericht, la société agricole défenderesse est entièrement responsable des conséquences de son utilisation de glyphosate. Les pesticides ne peuvent être utilisés dans les champs que de manière à ce que les teneurs maximales en résidus du miel en vigueur soient respectées. C'est pourquoi le service phytosanitaire du Land de Brandebourg attire depuis des années l'attention des agriculteurs sur le fait que, pour éviter la présence de résidus dans le miel, il convient de ne pas utiliser d'herbicides à base de glyphosate sur les plantes en fleurs. Pourtant, des dommages comparables se produisent régulièrement.
Cette affaire – qui ne fait pas jurisprudence contrairement aux affirmations péremptoires des parties gagnantes mais est susceptible de donner des idées à des chicaneurs – soulève deux questions :
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La responsabilité des agriculteurs (et autres utilisateurs de produits de protection des plantes ou de traitement des animaux) relativement à la présence de résidus de pesticides dans des produits tels que le miel ;
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La légèreté des pouvoirs publics, ici au niveau européen, dans la fixation d'une limite maximale de résidus à la limite de détermination analytique.
Rappelons que la MRL est de 10 mg/kg pour le blé et de 20 mg/kg pour l'orge. Et que dans une tartine au miel, il y a plus de tartine que de miel.