Crise alimentaire : trois articles de M. Pascal Airault et Mme Emmanuelle Ducros dans l'Opinion
Glané sur la toile 947
Le président du Sénégal Macky Sall a été reçu par le Président français Emmanuel Macron à l'Elysée, le 10 juin 2022.
Sipa press
M. Emmanuel Macron, président de la République Française et pour quelques jours encore de l'Union Européenne, a reçu le 10 juin 2022 M. Macky Sall, président du Sénégal et président en exercice de l'Union Africaine.
Et – soudainement – l'« Agriculture africaine [est devenue] une priorité du second mandat Macron ».
Une de plus, diront les mauvaises langues...
En chapô :
« La France devrait se réinvestir pour accroître les capacités agricoles d’un continent confronté au défi de la sécurité alimentaire en raison de la guerre en Ukraine. »
Dans le texte :
« "Modernisation". "L’agriculture est un angle porteur pour le renouveau de la relation avec l’Afrique, explique une source française. Ce sera un axe majeur du second mandat du chef de l’Etat qui souhaite que la France investisse massivement dans la production locale et la modernisation des systèmes de production agricoles sur le continent." La culture de riz en zone fluviale devrait être aussi relancée alors que le prix de céréales est à un niveau élevé.
La France va mobiliser son expertise (Agence française de développement, Cirad, interprofessions) en lien avec le Fonds international de développement agricole (Fida) et la FAO. Le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire de Marc Fesneau est associé à la réflexion. Emmanuel Macron a lancé, le 24 mars, l’initiative diplomatique Mission de résilience alimentaire et agricole (Farm) soutenue par l’Union Européenne. »
Nous oserons espérer que, d'une part, cette coopération se mette en place et ne soit pas un simple objet éphémère de communication et que, d'autre part, elle réponde aux besoins réels des pays africains, sans passage par le prisme déformant des lubies européennes, ni gaspillage par le financement d'« ONG » et autres entités prioritairement soucieuses de leurs propres intérêts et foncièrement parasites.
Sur le premier point, nous ne sommes pas très optimiste :
« [Le] chef de l’Etat [...] souhaite que la France investisse massivement dans la production locale et la modernisation des systèmes de production agricoles sur le continent »...
Mais :
« L’idée est de mobiliser une panoplie d’outils et de fonds disponibles pour financer l’agriculture, l'élevage et l’agro-industrie. »
Et :
« L’idée est aussi de réorienter une partie des 18 milliards de dollars récoltés pour la Grande muraille verte dans le cadre du One planet summit de janvier 2021 vers l’initiative protéines végétales lancée par la France. »
Il en est de même pour le second point.
En décembre 2019, nous avions publié un « Coopération : la France contribuera au développement de l'agriculture et de l'alimentation par une stratégie pétainiste, perdante » qui portait sur la « Stratégie internationale de la France pour la sécurité alimentaire, la nutrition et l’agriculture durable » pour la période 2019-2024 (texte ici, page web ici, résumé ici).
On doit cette « stratégie », notamment, à M. Pascal Canfin – ci-devant EÉLV et ministre délégué au développement de M. Jean-Marc Ayrault entre 2012 et 2014, présentement eurodéputé LaREM après être passé par la case directeur général du WWF France (pas de conflits d'intérêts, noooon !). Il s'était vanté auprès de ses potes EÉLV du fait que la France ne soutiendrait pas les projets impliquant, notamment, les OGM. Nous n'avons pas vu de changement de doctrine.
Le contexte, c'est « Comment Poutine organise la famine ».
En chapô :
« En vingt ans, la Russie est devenue un géant agricole qui tient la satiété de la planète dans ses mains. Les Occidentaux n’ont rien voulu voir d’un phénomène que la guerre en Ukraine accentue. Enquête sur une stratégie méthodique. »
C'est cinglant :
« C’est une mécanique patiemment mise en place et qui, désormais, avance comme un rouleau compresseur. La Russie exploite désormais ouvertement le filon géopolitique que constitue la maîtrise de l’alimentation mondiale – ou de la faim, selon le point de vue.
|...]
L’Ukraine sortie du jeu, la Russie a un levier puissant pour imposer ses conditions à des pays paniqués par la perspective des troubles civils qui arrivent quand le blé manque. "C’est le message que Vladimir Poutine a fait passer au président de l’Union africaine Macky Sall, en visite à Moscou : pas de problème pour livrer du blé à un pays, à condition qu’il ne prenne pas parti contre la Russie", note Thierry Pouch, économiste des Chambres d’Agriculture. Choisir le blé russe, c’est choisir un camp.
[…]
[…] Loin d’affaiblir le pays, [les sanctions d'après l'invasion de la Crimée] l’ont renforcé en le poussant à produire. Un an après, la Russie était le premier exportateur mondial de blé et elle a depuis rebâti une quasi-autosuffisance alimentaire." Les Occidentaux ont contribué à créer un monstre, ils sont face à leurs responsabilités, mais ils refusent encore de le voir. »
Comment faire quand on est dépendant ? Quand on a aussi une position géopolitique et stratégique qui dépasse le « simple » dilemme de pays qui doivent chercher à s'approvisionner au mieux de leurs intérêts.
« Blé ukrainien: la médiation très intéressée de la Turquie d’Erdogan » vous apporte des éléments de réponse.
En chapôe :
« Le président turc a besoin de débloquer les céréales de son voisin de la mer Noire pour nourrir sa population et approvisionner son industrie agroalimentaire. »
C'est en fait plus compliqué :
« La volonté de Recep Tayyip Erdogan d’organiser un dialogue trilatéral avec ses homologues russe, Vladimir Poutine, et ukrainien, Volodymyr Zelensky, pour le passage en toute sécurité des exportations de céréales ukrainiennes depuis les ports bloqués de la mer Noire, revêt donc une forte dimension intérieure. A un an d’une présidentielle qu’il n’est pas sûr de remporter, le leader turc a besoin — plus que d’une victoire diplomatique — de contenir la flambée des prix et de sécuriser ses approvisionnements. La question alimentaire est devenue un enjeu électoral, les ménages se plaignant d’une forte hausse des prix en raison de l’inflation et de l’envolée des cours des céréales. »
Et, pendant ce temps, imperturbable ou presque, la Commission Européenne s'apprête à publier son premier projet relatif àune « stratégie » « de la ferme à la table » qui promet des réductions importantes de la production agricole européenne...