« Cowspiracy » – conspiration : « Big Meat » le secteur de la viande, nie-t-il son rôle dans le changement climatique ?
Cameron English*
Image : derheiko via Pixabay
Les militants affirment souvent que « Big Meat » a tenté de nier la contribution de l'agriculture au changement climatique. Cette théorie du complot est-elle fondée ?
La production alimentaire a un impact sur l'environnement. On ne peut nier ce fait, mais la bonne nouvelle est que l'agriculture devient plus durable grâce aux nouvelles technologies, ce qui permet à un plus grand nombre de personnes dans le monde d'avoir un régime alimentaire nutritif tout en protégeant l'environnement. En d'autres termes, l'agriculture ne détruit pas la planète.
Il s'agit d'une conclusion parfaitement défendable, fondée sur des preuves scientifiques solides. Mais les universitaires et les politiciens qui se sont chargés de refaire le monde, jusqu'à dicter ce que vous allez manger, ne sont pas d'accord. Selon eux, la thèse exposée ci-dessus n'est pas une conclusion fondée sur des données scientifiques, mais une rhétorique négatrice fabriquée par l'industrie de la viande, qui cherche désespérément à se disculper de toute responsabilité dans le changement climatique. Civil Eats a présenté ce récit dans un article récent intitulé « How the Largest Global Meat and Dairy Companies Evade Climate Scrutiny » (comment les plus grandes entreprises mondiales de viande et de produits laitiers échappent à la surveillance à propos du climat).
Il s'agit d'une interview de Jennifer Jacquet, professeur associé d'études environnementales à l'Université de New York, portant sur une étude réalisée en 2020 et dont elle est l'un des coauteurs. Cette étude avait pour but « d'explorer la culpabilité climatique des 35 principales entreprises d'agriculture animale au niveau mondial en termes d'impacts climatiques... »
Je n'ai aucune affinité avec l'une quelconque de ces entreprises, mais j'ai un cerveau qui fonctionne et je m'insurge contre les publications militantes qui induisent leurs lecteurs en erreur. Examinons quelques-unes des affirmations faites par Jacquet au cours de l'interview. À la fin, il devrait être clair que ses récriminations concernant l'agriculture sont mal fondées.
« Les émissions peuvent aussi passer à travers les mailles du filet dans le temps. À l'heure actuelle, les États-Unis n'ont pas l'air aussi mauvais que le Brésil en termes d'impacts de l'agriculture animale, parce que nous avons déjà fait toute la déforestation. Nous ne pensons pas de manière historique. »
Il y a une meilleure raison pour laquelle les émissions agricoles américaines semblent être plus faibles : elles le sont. Si l'on considère la situation « historiquement », c'est parce que les sociétés plus riches ont les ressources nécessaires pour satisfaire leurs besoins matériels de base et investir dans la protection de l'environnement. « Plus le capitalisme progresse, plus la qualité de l'environnement physique augmente », expliquait l'économiste Daniel Fernández en 2019. Certes, la relation ne se vérifie pas partout et à tout moment, mais l'hypothèse qui sous-tend l'analyse de Jacquet est que l'augmentation de la consommation de viande entraîne inévitablement une dégradation de l'environnement. Les recherches empiriques ne le confirment pas. Comme je l'ai soutenu récemment :
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Des études ont montré que la superficie des terres consacrées à l'élevage d'animaux pour l'alimentation a nettement diminué au cours des dernières décennies. Il y a aujourd'hui 140 millions d'hectares de pâturages en moins qu'en 2000. »
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Tous les modèles d'émissions de gaz à effet de serre résultant des changements d'affectation des terres indiquent qu'elles ont diminué d'un tiers au cours des deux dernières décennies.
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Les innovations technologiques qui améliorent la santé des animaux, produisent de meilleurs aliments et optimisent les animaux eux-mêmes pour la production alimentaire pourraient stimuler cette tendance mondiale à la durabilité.
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Les exploitations d'élevage peuvent recueillir le méthane provenant du fumier et l'utiliser comme source d'énergie alternative, transformant ainsi un puissant GES en une source de carburant durable. Grâce à cette approche, l'industrie laitière californienne a réduit de 30 % ses émissions de méthane provenant du fumier.
Que répond Jacquet ? Elle ne mentionne aucune de ces évolutions dans son interview, probablement parce qu'il n'y a pas de réponse percutante à leur opposer. Le Lancet, lorsqu'on lui a demandé de rendre des comptes sur ses affirmations douteuses sur les émissions agricoles, n'a pu faire autrement que d'admettre que son opposition à la consommation de viande n'était pas fondée sur des preuves solides.
Mais peu importe ces détails. Le véritable problème réside dans le tour de passe-passe statistique allégué de l'industrie de la viande :
« ...l'industrie américaine du bœuf adore capitaliser sur le grand dénominateur, qui est l'ensemble de nos émissions, pour donner une bonne image de l'industrie. Elle le fait de manière très stratégique. Ils ne veulent pas parler des émissions en termes absolus ; ils veulent parler de tout en termes relatifs. »
Il y a là une certaine ironie qui mérite d'être savourée. Dans leur article, Jacquet et ses collègues écrivent que le rôle de l'agriculture animale dans le changement climatique est « estimé à 14,5 % des émissions anthropiques de gaz à effet de serre ». Ce chiffre a été calculé en combinant les estimations des émissions des pays en développement et des pays développés, puis en faisant la moyenne des 200 Nations du globe. Il s'agit d'une estimation trompeuse, car les pays les plus pauvres sont, de manière disproportionnée, des sociétés agraires ; l'agriculture représente la majeure partie de leur production économique, et la plupart de leurs émissions proviennent donc de l'agriculture.
Tout cela pour dire que les détracteurs de l'agriculture animale n'ont aucun problème à utiliser des chiffres relatifs lorsqu'ils leur conviennent. Il convient également de noter que l'évaluation des émissions sur une base nationale confirme ce que nous avons dit précédemment : la croissance économique facilite la diminution substantielle de l'empreinte environnementale de la production alimentaire.
Aucun article anti-viande ne serait complet sans référence à une cabale de la ténébreuse industrie qui travaille pour tromper le public et empêcher les politiciens de promulguer des règlements qui nuisent à l'industrie. Civil Eats n'a pas déçu, en affirmant que les entreprises alimentaires
« ...engagent des gens comme Frank Mitloehner [...] pour diffuser ce que l'on pourrait appeler des "fake news", des "spin" ou des "misinformation-for-hire". Quel que soit le nom que vous donnez à cela, ce n'est pas indépendant : vous avez payé pour le créer, vous avez payé pour le diffuser. Nous devons apprécier à quel point la désinformation façonne notre vie quotidienne, notre vie politique, notre vie culturelle ; ces entreprises en font sans doute directement partie. »
Le Dr Mitloehner est un spécialiste de la qualité de l'air à l'Université de Californie, à Davis, et il est très respecté dans son domaine. Certains de ses travaux sont financés par l'industrie, mais ce n'est pas vraiment un scandale puisque la plupart des recherches sont financées par l'industrie. [1]
Le plus gros problème avec l'argument de Jacquet est l'hypothèse selon laquelle les universitaires « indépendants » n'acceptent que les subventions des institutions publiques. C'est un mythe, et il existe une branche entière de l'économie appelée théorie du choix public qui explique pourquoi. Les spécialistes de ce domaine ont souligné que les agents du secteur public, qu'ils soient sénateurs, bureaucrates ou professeurs, répondent aux mêmes incitations que tout le monde. En d'autres termes, leurs actions sont souvent profondément influencées par ceux qui financent leur travail et par le montant de leur contribution.
De nombreuses études ont confirmé cette analyse, et si vous suivez un tant soit peu la politique, vous savez par expérience que la théorie du choix public est correcte. Cela nous amène à un point important : tout le monde a des préjugés qui peuvent influencer ses conclusions sur des questions importantes. La seule façon viable de maîtriser le problème est d'aborder avec scepticisme chaque étude, chaque article d'opinion et chaque podcast que vous rencontrez.
Si vous appliquez cet examen minutieux aux affirmations sur les méfaits de la consommation de viande, vous constaterez qu'il existe peu de preuves pour justifier l'hystérie.
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[1] Généralement par le biais de partenariats public-privé.
* Cameron English, directeur de Bioscience
Cameron English est auteur, éditeur et co-animateur du podcast Science Facts and Fallacies. Avant de rejoindre l'ACSH, il était rédacteur en chef du Genetic Literacy Project.