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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

60 % de céréales dans l'alimentation animale – ou comment créer une ambiance avec de faux chiffres

29 Avril 2022 Publié dans #élevage, #Activisme, #critique de l'information, #Willi l'Agriculteur

60 % de céréales dans l'alimentation animale – ou comment créer une ambiance avec de faux chiffres

 

Willi l'agriculteur*

 

 

 

 

La réduction de moitié de l'élevage d'animaux de rente... des chiffres et des faits

 

Il y a quelques jours, j'ai vu une vidéo de Renate Künast (voir à la fin de l'article) dans laquelle elle demande une fois de plus une réduction de moitié de l'élevage d'animaux de rente. Si l'on tape cette expression dans un moteur de recherche [Halbierung der Nutztierhaltung], on obtient une page de Greenpeace, qui a commandé une étude à l'Öko-Institut, qui arrive justement à cette conclusion. Vous voyez, toutes les sources sont indépendantes et neutres (ironie). On se connaît, on s'entraide...

 

Nous ne sommes pas obligés de prendre toutes les inepties au sérieux, mais dans ce cas, j'ai fait une exception et j'ai imaginé que le BMEL [Ministère Fédéral de l'Alimentation et de l'Agriculture] voulait réellement mettre en œuvre cet objectif de réduction de moitié. Pour cela, je me suis procuré des données auprès de la DVT (Fédération Allemande de l'Alimentation Animale), qui a bien résumé les sources officielles. Commençons par le simple nombre d'animaux. J'ai placé les chiffres pour 2020 devant, avec les chiffres de 2010 entre parenthèses derrière.

 

  • Volaille 173,1 millions (128,9)

  • Porcs 24,7 millions (26,5)

  • Bovins 11,2 millions (12,8)

 

Ce sont des chiffres importants. Mais qu'en est-il de l'autosuffisance ? Après tout, nous avons environ 83 millions de personnes à nourrir en Allemagne. Voici à nouveau les chiffres pour 2020, avec entre parenthèses les chiffres de 1995.

 

  • Viande de bœuf/veau 94,6 % (114,4).

  • Viande de porc 125,0 % (76,5).

  • Viande de volaille 97,2 % (64,3).

 

Pour les bovins, il convient de noter que le chiffre inclut les vaches laitières, qui sont principalement élevées pour la production de lait. Pour les porcs, les porcelets et les truies sont également pris en compte, et pour la volaille, il faut distinguer les poules pondeuses (environ 55 millions) des poulets de chair (environ 92 millions). Le reste est constitué d'oies, de canards et de dindes.

 

Si l'on divise tous ces nombres d'animaux par deux, on obtient un taux d'autosuffisance de

 

  • Viande de bœuf/veau : 47,3%

  • Viande de porc : 62,5%.

  • Viande de volaille : 48,6%.

 

Si on en restait à la consommation actuelle de viande, nous serions donc dépendants de grandes quantités importées de l'étranger dans tous les domaines. Comment les animaux y sont-ils élevés ? Le bien-être des animaux y joue-t-il le même rôle que chez nous ? On peut vraiment en douter.

 

Mme Künast (ou, au choix, son porte-parole Özdemir) me dirait à juste titre que la réduction de moitié ne se ferait évidemment pas immédiatement, mais par étapes. Dans la vidéo, Mme Künast cite l'année 2035 comme objectif. Elle ne sera probablement plus députée à ce moment-là, mais peu importe. J'aurais alors 80 ans, je pourrais donc encore voir l'année 2035 si je suis bien soigné.

 

Comme il n'est pas expliqué précisément lesquelles doivent être réduites de moitié, je suppose que cela doit s'appliquer de manière linéaire à toutes les espèces animales. Je me garderai bien de diviser par deux les chiffres mentionnés ci-dessus. Pour la volaille et les porcs, on peut supposer que les céréales de la ferme pourraient alors théoriquement être disponibles pour l'alimentation humaine. Pour les bovins, il y a un problème, car les vaches laitières, les bovins à l'engrais et les vaches allaitantes se trouvent souvent dans les régions où rien ne pousse à part l'herbe. Dans le monde, trois cinquièmes des terres ne sont pas cultivables de manière à pouvoir produire des aliments destinés à la consommation humaine directe. Ces régions ne sont utilisables comme source de nourriture pour l'homme que par le biais de la montée en gamme grâce à l'estomac des animaux. Chez nous aussi, il existe de telles régions. Il s'agit par exemple des moyennes montagnes, des contreforts des Alpes et des régions herbagères du nord de l'Allemagne derrière la digue. Ainsi, si nous réduisions de moitié l'élevage bovin, nous perdrions non seulement la moitié de la viande de bœuf, mais aussi la moitié du lait et des produits qui en sont issus, comme le fromage, le yaourt, le kéfir, etc. Cette part de prairies resterait inutilisée pour l'homme. Si elle n'est pas valorisée, elle se décompose en automne et en hiver et libère du CO2.

 

Mais les porcs et la volaille sont également nécessaires pour ne pas gaspiller des ressources autrement inutilisées. Dans l'histoire de l'évolution, ces animaux ont été domestiqués afin d'utiliser les déchets qui n'étaient plus utilisables par l'homme. C'est encore le cas aujourd'hui, où les « déchets » ou les sous-produits issus de la production de denrées alimentaires se retrouvent dans les mangeoires. C'est même le cas du soja. En effet, le soja n'est pas exporté vers l'Europe pour les animaux, mais pour la production d'huile. Ce qui reste après extraction de l'huile, le tourteau, se retrouve également dans la mangeoire. Comment l'utiliserait-on alors sans élevage ?

 

 

D'où proviennent les aliments pour animaux ?

 

Voici les chiffres pour 2019/20 : le volume total de fourrage provenant de la production nationale et des importations s'élevait à 78,8 millions de tonnes.

 

  • Les cultures fourragères telles que l'herbe, le maïs ensilage et les cultures intermédiaires représentent 42,5 millions de tonnes ;

     

  • Les aliments d'origine animale (lait entier et lait écrémé en poudre) représentent 0,330 million de tonnes ;

     

  • Tourteaux d'oléagineux : 6,6 millions de tonnes ;

     

  • Sons 0,9 million de tonnes, ainsi que

     

  • Pulpes sèches, aliments à base de gluten de maïs, mélasse, huiles et graisses végétales et sous-produits de brasseries et de distilleries.

 

Au total, les aliments végétaux issus de la transformation représentent 10,4 millions de tonnes. Il faut bien se rendre compte que tous ces résidus (il n'y a pas de déchets dans l'agriculture) ont vocation à être transformés en une forme consommable par l'homme dans l'estomac des animaux. Pour être complet, les légumineuses comme les pois et les haricots représentent 0,286 million de tonnes.

 

25 millions de tonnes de céréales sont utilisées pour l'alimentation animale. Il s'agit de 6,9 millions de tonnes d'orge, 7,4 millions de tonnes de blé, 2,3 millions de tonnes de seigle, 2 millions de tonnes de triticale et 6,2 millions de tonnes de maïs-grain.

 

25 millions de tonnes de céréales représentent 31,7% du total des aliments pour animaux. L'orge, le triticale et le maïs grain ne sont pas consommés par l'homme en Allemagne. Le seigle qui entre dans la mangeoire n'est pas adapté à la consommation humaine en raison de l'absence de valeurs qualitatives ou d'autres défauts. Le seigle panifiable de bonne qualité va dans les meuneries. Il reste donc 7,4 millions de tonnes de blé fourrager, qui présente généralement aussi des défauts de qualité et ne peut être utilisé que sous certaines conditions pour l'alimentation humaine.

 

 

La part de céréales utilisables dans l'alimentation animale est de 9,4% au maximum.

 

Mais si nous prenons le cas irréaliste où 100 % du blé fourrager serait effectivement utilisé pour la consommation humaine, la part de céréales dans l'alimentation animale serait de 9,4%. On est bien loin des 60 % évoqués partout dans les médias. Et si l'on dit maintenant qu'on pourrait modifier les proportions de céréales ? C'est certes envisageable en théorie, mais ce n'est pas possible en pratique. En effet, une agriculture durable implique une rotation équilibrée des cultures avec différentes espèces végétales afin d'interrompre de manière naturelle la pression des ravageurs et des maladies. Les facteurs de la conditionnalité (condition préalable aux paiements de l'UE), avec ses exigences et ses réglementations, doivent également être pris en compte.

 

Dans certaines régions, les sols ne conviennent tout simplement pas à certaines cultures en raison de leur capacité de rendement, d'une forte pierrosité ou d'un climat défavorable. Pour pouvoir garantir une rotation des cultures, il faut alors cultiver des fourrages en plus des céréales. Comme on le voit, il n'existe pas de solution unidimensionnelle aux problèmes complexes. C'est aussi une des raisons pour lesquelles l'agriculture, ça s'apprend...

 

 

Changement des habitudes alimentaires

 

« Nous devrions tous manger moins de viande. » Oui, c'est déjà le cas. Le graphique ci-dessous illustre l'évolution depuis 1990 (kg/habitant/an). Comme il est facile de le constater, nous mangeons plus de produits céréaliers et de légumes, mais moins de viande et de produits laitiers frais. En tant que gourmands, nous avons toutefois pris goût au fromage. Et même si j'aime bien les chips, la consommation de pommes de terre a nettement diminué.

 

Et voici la vidéo annoncée avec Renate Künast.

 

 

Produits alimentaires, en kg/tête/an en Allemagne

En abscisse : produits céréaliers ; pommes de terre ; sucre ; légumes ; viande ; produits du lait frais ; produits issus de la crème : fromages ; beurre ; margarine.

 

______________

 

 

* Source : 60 % Getreide im Futter - oder wie man mit falschen Zahlen Stimmung macht - Bauer Willi

 

Ma note : J'ai quelques problèmes avec les chiffres. Mais ce qui importe, c'est le raisonnement général.

 

 

 

 

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