Un changement d'époque ! – Ce qu'il faut faire maintenant !
Willi l'agriculteur*
En temps de guerre, il est difficile d'obtenir des informations fiables sur les faits dans la zone de conflit. Vendredi [4 mars 2022], j'avais mis en lien une vidéo d'une heure et demie à ce sujet, dans laquelle des Ukrainiens décrivent la situation. Aujourd'hui, j'ai téléphoné à Jan Peters, qui tente de faire un bref résumé en deux minutes dans cette vidéo.
Voici ce que l'on peut dire de manière relativement sûre à l'heure actuelle [le 5 mars 2022] sur la production ukrainienne :
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La majeure partie des employés n'est plus dans les exploitations agricoles mais se bat dans la guerre. Ceux qui savent conduire un tracteur se battent.
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Les stations-service des exploitations ont été soit vidées par les chars et les camions, soit incendiées pour que le diesel ne puisse pas être utilisé par les Russes.
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Les réserves d'engrais et de produits phytosanitaires sont quasiment inexistantes. Cela ne vaut d'ailleurs pas seulement pour l'Ukraine, mais aussi pour la Russie.
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Pièces de rechange pour machines agricoles : une livraison en Ukraine n'est actuellement possible qu'au péril de sa vie en raison de la guerre. L'exportation vers la Russie est soumise à l'embargo. Là-bas aussi, les machines agricoles resteront à l'arrêt, pour autant qu'il s'agisse de technique occidentale. Une moissonneuse-batteuse en panne ne récolte nulle part dans le monde.
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Les semis de printemps (tournesol, soja, céréales d'été, etc.) n'auront presque certainement pas lieu, les terres resteront inutilisées. Même si les conflits armés cessaient d'ici la fin mars, le personnel et le carburant ne seront pas disponibles aussi rapidement. La fenêtre de semis se referme maintenant très rapidement.
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Les silos et les installations de chargement dans les ports de la mer d'Azov (Marioupol) sont définitivement détruits. Jan Peters a des contacts là-bas, a vu les images et peut les vérifier. Le port d'Odessa est toujours en activité, les Russes s'y rendent.
Ce que cela signifie pour les marchés mondiaux peut être lu ici (en allemand, mais il y a DeepL...)
Je vais résumer brièvement ce compte rendu de Jan Peters :
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Une reprise des exportations ukrainiennes n'est pas possible avant des semaines, voire des mois (si tant est qu'elle le soit dans un avenir prévisible). Il en résulte dans l'UE des pénuries aiguës de maïs fourrager et d'aliments protéinés non OGM, qui ne peuvent être remplacés.
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Les pays importateurs de blé sont particulièrement touchés, d'autant plus qu'il s'agit souvent de pays émergents à faible pouvoir d'achat et que cela a des conséquences particulièrement dramatiques sur l'alimentation de la population, ce qui pourrait alors déboucher sur des troubles.
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Si les hypothèses des économistes agricoles s'avèrent exactes, près de 60 millions de tonnes de blé, 10,5 millions de tonnes d'orge et 38 millions de tonnes de maïs (total = 108,5 millions de tonnes) manqueront partiellement ou totalement lors de la prochaine campagne de commercialisation. Voici les données de la production mondiale : https://de.statista.com/statistik/daten/studie/28884/umfrage/erntemenge-von-getreide-weltweit/ [accès compliqué ou payant].
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Le secteur de la transformation en Europe et au-delà est en grand danger, car les cours des céréales, des oléagineux et des aliments protéiques pour animaux vont continuer à se raffermir à un niveau élevé pour les mois à venir. Si tant est que des marchandises soient disponibles. Aux prix actuels des aliments pour animaux, aucun éleveur ne peut couvrir ses frais.
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La Russie et l'Ukraine produisent la moitié du tournesol mondial. L'approvisionnement en huile végétale en Europe est faible. L'huile d'olive ou l'huile de chanvre bio ne peuvent pas combler le déficit.
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L'agriculture biologique est déjà durement touchée, car de nombreux produits destinés à l'alimentation animale ont été fournis par l'Ukraine. Dans ce domaine, une situation d'urgence aiguë s'est déjà installée.
Le 1er mars, j'ai pu participer à une conférence avec le BMEL [Ministère de l'Alimentation et de l'Agriculture]. Les secrétaires d'État Bender et Nick qui y étaient présentes semblaient sereines. Elles ont fait remarquer que « personne ne devrait avoir l'idée de remettre en question le Green Deal maintenant ». C'est d'ailleurs ce que l'on pouvait lire dans le communiqué de presse le lendemain.
Dans ce communiqué de presse, on peut également lire, notamment, que « ...en raison de la forte augmentation des coûts de l'énergie, il faut s'attendre à une hausse des prix des matières premières agricoles et des engrais. En conséquence, nous ne pouvons pas non plus exclure que cela se répercute sur les consommateurs à la caisse du supermarché. »
Avec cette estimation, on ne devrait pas se tromper. Car c'est tout simplement banal. Mais les marchés agricoles sont mondialisés. Des prix alimentaires plus élevés n'ont pas le même impact en Égypte (102 millions d'habitants) que dans la riche Europe occidentale. On n'ose même pas imaginer le scénario dans lequel la population d'Afrique du Nord viendrait en Europe en raison d'une famine imminente.
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Prendre des décisions immédiates (au plus tard le 20 mars) sur la suppression de toutes les restrictions qui entravent un volume de production maximal de l'agriculture européenne. Temporairement ou de manière permanente, voir Habeck : « Versorgungssicherheit im Zweifel wichtiger als Klimaschutz » (En cas de doute, la sécurité de l'approvisionnement est plus importante que la protection du climat) [ma note: c'est un Vert].
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Des règles identiques pour tous les Européens : voir les autorisations d'urgence, etc.
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Garantie de l'approvisionnement en énergie : Sans diesel, aucun tracteur ne roule, sans gaz, aucune étable ne peut être chauffée, sans électricité, aucune traite ne peut être effectuée. La production de denrées alimentaires (agriculture) doit avoir la priorité absolue en cas de pénurie. En outre, promouvoir les méthodes qui consomment moins d'énergie. Exemple : semis sous mulch, cultivateur au lieu de la charrue, semis direct.
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Présenter une stratégie claire quant aux cultures de printemps qui sont particulièrement importantes. Il est encore possible de réagir pendant quelques jours. L'Ukraine est le plus grand exportateur de tournesol. Le soja sans OGM provient également d'Ukraine. (Les produits bio ne peuvent pas être remplacés). Rechercher la collaboration avec les fabricants d'aliments pour animaux et la grande distribution. Si possible, conclure des contrats fermes avec un prix plancher.
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Pour les éleveurs : dès maintenant (!), pas de vente de viande de porc en dessous de 3€/kg. Ceux qui ne veulent pas la prendre à ce prix ne l'auront pas. Pas de vente de lait en dessous de 60 centimes/litre. Ceux qui ne veulent pas le prendre à ce prix ne l'auront pas. Les hausses de prix résultent notamment de l'explosion des prix des aliments pour animaux et de l'énergie. Idem pour la volaille, les œufs et d'autres aliments d'origine animale.
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Bioénergie : utiliser du blé (éthanol) et du colza (biodiesel) dans les voitures est un sacrilège face à une catastrophe humanitaire. C'est pourquoi il faut supprimer le mélange. Biogaz : il convient de se demander dans quelle mesure le biogaz est en mesure de remplacer le gaz de Poutine. Le conflit d'objectifs entre alimentation et énergie apparaît ici clairement. Il faut décider de ce qui est prioritaire.
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Adapter immédiatement les normes de qualité. Mieux vaut des pommes de terre ridées que de ne rien manger. Même un concombre tordu est un concombre. Adapter les réglementations pour la restauration. De nombreuses réglementations (en matière d'hygiène) trop prudentes ne sont plus adaptées à notre époque. Voir aussi la date limite de consommation (DLC). Nous avons besoin d'un changement d'époque !
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Les produits animaux devenant nettement plus chers, leur vente va diminuer. L'élevage diminue donc également, ce qui serait toutefois supportable si les prix restaient élevés. Les surfaces de céréales fourragères ainsi libérées pourront être utilisées pour l'alimentation humaine. De facto, nous avons maintenant un impôt sur la viande ! Un changement d'époque ! Et ce, sans aucune intervention de l'État.
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En raison des prix extrêmement élevés des engrais et des produits phytosanitaires, nous avons de facto une taxe sur les engrais et les produits phytosanitaires. Un changement d'époque ! Et ce, sans aucune intervention de l'État.
Cette liste n'est certainement pas exhaustive. Ce que je n'ai pas abordé, ce sont les rationnements. Pas seulement à la station-service, peut-être aussi pour les denrées alimentaires. Non, ce n'est pas alarmiste. Il y aura des pénuries. C'est maintenant que le chaos peut et doit être évité, et pas seulement lorsque le cas se présentera.
Et : de nombreuses conséquences ne sont pas encore visibles sur le radar. Tout ce qui précède n'est valable que dans l'optique actuelle et peut changer dès demain.
M. Özdemir est en fonction depuis 86 jours. Depuis, il n'est apparu nulle part, et surtout pas chez les agriculteurs. Même sur son site Internet, il n'y a aucune indication qu'il est ministre de l'agriculture. Pourquoi ?
Ses rares apparitions dans les médias sont une succession de blocs de langage étudiés, simplement assemblés dans un ordre changeant. Nous, les agriculteurs, nous demandons : où est Cem Özdemir ?
Nous avons besoin d'un changement d'époque, voilà pourquoi :
Monsieur Özdemir, démissionnez !
En ces temps, nous n'avons pas besoin d'un homme politique qui passe son temps dans les talk-shows télévisés ou sur les ondes. Même si je vous trouve personnellement sympathique : nous avons maintenant besoin d'une personne qui s'attelle à la tâche et qui, dans cette crise qui ne cesse de s'aggraver, élabore avec nous, les agriculteurs, des stratégies pour l'avenir. Aujourd'hui plus que jamais. Par votre inaction jusqu'à présent, vous avez montré que vous n'étiez pas fait pour ce poste.
L'un de ses collègues de parti, qui ne fait habituellement que s'insurger de manière polémique contre l'agriculture européenne (conventionnelle), semble avoir eu un moment de lucidité. Citation : « Häusling craint qu'une baisse de la production et des difficultés de transport – par exemple en raison de la destruction des voies ferrées, des routes ou des ports – ne provoquent une grave pénurie de blé [en Afrique du Nord]. L'agriculture européenne devrait combler ce manque » (il pense probablement à l'agriculture conventionnelle).
Nous avons aujourd'hui une occasion unique d'abolir définitivement l'énorme Moloch qu'est la PAC et sa politique de subventions malheureuse. Pour cela, il faudrait que les prix à la production restent suffisamment élevés, même après la crise, pour que non seulement les coûts soient couverts, mais qu'ils génèrent également un bénéfice. Pour être tout à fait clair et précis :
Je ne veux pas de ces subventions et, en tant qu'entrepreneur, je ne veux pas non plus être constamment mis au pas par l'État. Les subventions ont pour but de contrer les défaillances du marché, pas d'empêcher l'agriculture ou de garantir des emplois improductifs dans l'administration.
Ne me dites pas que c'est impossible. C'est possible, il suffit de le vouloir.
De nombreux champs sont sur le point d'être cultivés au printemps. Ce serait un signe formidable si nous tracions maintenant un immense signe de paix dans les champs avec le cultivateur. Ou si nous semions des graines. Diffusez les images sur les réseaux sociaux. Partout, en Europe, dans le monde entier. Les agriculteurs unis.
Je nous souhaite à tous la paix
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* Source : Zeitenwende! - Was jetzt zu tun ist! - Bauer Willi