Pacte Vert, jachère, agriculture biologique : que change la guerre en Ukraine, en Allemagne ?

14 Mars 2022 Publié dans #Ukraine, #Pacte vert, #De la ferme à la table, #Politique

Pacte Vert, jachère, agriculture biologique : que change la guerre en Ukraine, en Allemagne ?

Johanna Michel, AGRARHEUTE*

La guerre en Ukraine bouleverse les objectifs allemands et européens en matière d'utilisation de produits phytosanitaires et d'engrais, de gel des terres et d'agriculture biologique.

La menace de crises alimentaires mondiales après l'invasion de l'Ukraine par la Russie ébranle l'unité de la coalition « feux tricolores ». Le verdissement à long terme de l'agriculture entre en conflit avec les adaptations rapides aux évolutions actuelles.

Article original publié le jeudi 10 mars 2022.

C'est ce qu'a mis en évidence la réunion spéciale de la commission de l'alimentation du Bundestag, convoquée hier (9 mars) à la demande du groupe parlementaire de l'Union [CDU/CSU]. L'accent a été mis sur l'approvisionnement alimentaire en Ukraine et en Allemagne ainsi que sur la situation sur les marchés agricoles nationaux et internationaux. Le rapport du gouvernement fédéral sur ces nouveaux défis, demandé par l'Union, a remis en question aussi bien les objectifs nationaux et européens de la politique agricole que la cohésion au sein de la coalition « feux tricolores ».

Ainsi, après les événements survenus en Ukraine depuis le 24 février 2022, le FDP estime que le cap de la politique agricole devrait être réévalué. Le SPD et les Verts veulent s'en tenir aux objectifs fixés.

Situation critique en matière d'approvisionnement en Ukraine depuis le début de la guerre en 2014

Mme Manuela Rottmann (Verts), secrétaire d'État parlementaire au Ministère Fédéral de l'Alimentation et l'Agriculture (BMEL), a rappelé les pénuries en matière d'approvisionnement alimentaire dans certaines parties de l'Ukraine depuis le début de la guerre il y a huit ans. Environ un million de personnes déplacées à l'intérieur du pays dépendent depuis des années de l'aide alimentaire. Actuellement, le BMEL travaille en étroite collaboration avec le ministère ukrainien de l'Agriculture. Il a en outre mis en place une unité de coordination. Mais cela ne fait que compléter les prestations des organisations d'aide humanitaire.

Le groupe des Verts a attiré l'attention sur la réunion des ministres de l'Agriculture du G7 sur la guerre en Ukraine qui aura lieu demain (11 mars). Lors de la réunion spéciale, les ministres devraient se mettre d'accord sur une approche commune avec le Programme Alimentaire Mondial des Nations Unies (PAM).

Le SPD a souligné l'importance des mesures d'aide internationales. Pour les exploitations agricoles, il faut en outre clarifier les mesures qu'elles doivent prendre maintenant. Les erreurs commises lors de la crise du blé de 2008/2009 ne doivent pas se répéter.

La politicienne du SPD Susanne Mittag et la politicienne des Verts Renate Künast sont d'accord sur la nécessité de poursuivre le cap de la politique agricole. Ainsi, selon Mme Mittag, la transformation de l'élevage, la mise en œuvre de la directive sur les nitrates ou les énergies renouvelables issues de l'agriculture restent justes et nécessaires. Pour Mme Künast, il résulte de la situation actuelle « qu'il est urgent d'augmenter la résilience de notre système alimentaire ».

Le FDP veut augmenter la production agricole

M. Ingo Bodtke, politicien agricole du FDP.

Contrairement à leurs partenaires de coalition, les membres du FDP se sont prononcés, lors de la session spéciale, pour une augmentation de la production agricole en Europe. En outre, il faudrait procéder à des achats ciblés de matières premières et de denrées alimentaires d'importance stratégique afin de reconstituer les réserves.

Dans un document de position du groupe de travail du FDP sur l'alimentation et l'agriculture au Bundestag, dont AGRARHEUTE a obtenu une copie, il est dit que la sécurité alimentaire doit devenir une partie intégrante de la politique agricole de l'UE, en plus des objectifs écologiques. Du point de vue des libéraux, la réglementation sur la mise en jachère de quatre pour cent de la surface devrait être « fondamentalement suspendue ». La capacité de production de l'Europe doit être augmentée à court terme cette année afin de pouvoir réagir à la situation tendue des marchés agricoles mondiaux. Des interventions sur le marché et le stockage pourraient également être nécessaires pour stabiliser la situation.

Le FDP s'oppose à des restrictions de production sur les surfaces à haut rendement d'Europe centrale. Au lieu de cela, la production doit être intensifiée de manière écologique. « Cependant, les mesures discutées au niveau de l'UE, telles que l'extensification par le biais de l'agriculture biologique, la réduction globale de l'utilisation de produits phytosanitaires chimiques et d'engrais, ne sont pas la bonne solution », écrit le groupe de travail du FDP dans son document, en soulignant la responsabilité éthique particulière des Européens.

Le politicien agricole Ingo Bodtke (FDP) explique : « La situation actuelle nous oblige à adapter au plus vite la politique agricole de l'UE en matière de sécurité alimentaire. C'est la seule façon d'éviter la famine au Proche-Orient et en Afrique du Nord ainsi que de nouveaux mouvements migratoires. Si les exportations font défaut ailleurs, il faut produire davantage de denrées alimentaires sur une surface limitée. »

L'Union demande également des mesures pour la sécurité alimentaire

Le député CDU Albert Stegemann lors d'une manifestation des agriculteurs libres à Berlin le 23 mars 2021. M. Stegemann est le président du groupe de travail CDU/CSU sur l'alimentation et l'agriculture.

Lors de la réunion, la CDU et la CSU ont exigé du gouvernement qu'il mette en place une cellule de crise pour la sécurité de l'approvisionnement en Allemagne, qui s'occuperait en même temps de l'approvisionnement de la population ukrainienne sur place et en exil.

Par ailleurs, l'Union a mis en garde contre une perte de récolte en Ukraine, qui affecterait particulièrement l'Afrique du Nord, la région du Sahel et le Proche-Orient en raison d'une augmentation massive du prix du blé.

« Le gouvernement fédéral ne semble pas encore avoir compris les conséquences globales de la guerre contre l'Ukraine, qui sont déjà clairement visibles sur les marchés agricoles internationaux. [...] De nombreux éleveurs ne peuvent plus guère se permettre d'acheter des aliments pour animaux, des engrais et d'autres intrants, si tant est qu'ils soient disponibles », explique le politicien CDU Albert Stegemann, qui se dit déçu que la session spéciale soit restée largement infructueuse.

Le député CSU Max Straubinger conseille de poursuivre la politique agricole commune (PAC) actuelle jusqu'en 2027. Dans des conditions raisonnables, les agriculteurs allemands doivent pouvoir produire des denrées alimentaires, notamment pour compenser une partie de la production dans les zones de guerre et pour approvisionner les pays émergents et en développement. M. Straubinger soutient l'annonce du commissaire européen à l'agriculture Janusz Wojciechowski de revoir le Pacte Vert. « L'exemple de la mise en jachère forfaitaire de quatre pour cent prévue à partir de 2023 montre clairement que le Pacte Vert, dans sa forme actuelle, n'est explicable ni politiquement ni techniquement. Il aggraverait encore la faim dans le monde », a déclaré M. Straubinger.

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* Johanna Michel travaille depuis 2020 comme rédactrice cross-média chez AGRARHEUTE. Employée spécialisée dans les services des médias et de l'information, elle a d'abord travaillé dans l'administration du Bundestag et a suivi, en parallèle, des études d'agronomie à l'Université Humboldt de Berlin. Au sein du département Exploitation et Marché, elle s'intéresse particulièrement à la mise en œuvre des décisions de politique agricole en raison de ses connaissances en matière de législation.

Source : Green Deal, Stilllegung, Ökolandbau: Was ändert der Krieg? | agrarheute.com

Ma note : Je trouve certaines déclarations bien vaseuses... La stratégie de la ferme à la table serait-elle devenue une vache sacrée ?

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