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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Des insecticides biologiques plus dommageables pour les insectes non ciblés que leurs homologues de synthèse

22 Mars 2022 Publié dans #Article scientifique, #Pesticides

Des insecticides biologiques plus dommageables pour les insectes non ciblés que leurs homologues de synthèse

 

Université de Melbourne*

 

 

Une section de tissu cérébral de Drosphila observée au microscope avant et après l'exposition au spinosad. Les vacuoles blanches étendues sont des régions du cerveau où les cellules sont mortes (neurodégénérescence).

 

 

De très faibles concentrations de l'insecticide biologique (organic) populaire spinosad ont des effets profonds sur les espèces d'insectes utiles, notamment une perte de vision et une neurodégénérescence, selon une nouvelle recherche menée par l'Université de Melbourne.

 

L'étude, publiée dans ELife, a utilisé la mouche du vinaigre Drosophila pour analyser l'impact d'une exposition chronique à de faibles concentrations (0,2 parties par million) de spinosad et les impacts physiologiques qui en résultent sur le cerveau et d'autres tissus.

 

Le spinosad est couramment utilisé pour lutter contre les insectes nuisibles, notamment les thrips, les mineuses, les tétranyques, les moustiques, les fourmis et les mouches des fruits, dans les environnements commerciaux et domestiques.

 

« En l'espace de 20 jours, de minuscules doses de spinosad peuvent avoir un impact alarmant sur le cerveau des drosophiles adultes. L'observation de sections de tissu cérébral au microscope a montré qu'en moyenne 17 % du cerveau des mouches était détruit à cause de l'exposition », a déclaré le Dr Felipe Martelli de l'Université Monash, qui a réalisé ces travaux dans le cadre de son doctorat à l'Université de Melbourne.

 

« Les neurones qui remplissent des fonctions vitales meurent en laissant de grandes vacuoles, des sacs remplis de liquide, dans le cerveau. Cela entraîne une neurodégénérescence, la cécité et des changements de comportement chez les drosophiles adultes. En raison des similitudes génétiques et biochimiques de la drosophile avec d'autres insectes, la recherche indique que ces effets pourraient se répercuter sur d'autres insectes utiles tels que les abeilles », a déclaré le Dr Martelli.

 

En tant que substance naturelle fabriquée par une bactérie du sol, le spinosad est souvent considéré comme moins nocif pour les insectes utiles et est fréquemment utilisé comme alternative aux insecticides de synthèse, a déclaré le co-auteur de l'étude, le professeur Philip Batterham, de la School of BioSciences et du Bio21 Institute de l'Université de Melbourne.

 

« On pense souvent que les produits biologiques sont plus sûrs, mais notre étude montre que ce n'est pas le cas. L'utilisation du spinosad est désormais autorisée dans plus de 80 pays, et il présente un risque bien plus important pour les insectes utiles que ce que l'on pensait. Fait inquiétant, les faibles niveaux de concentration utilisés dans cette étude correspondent à ce que l'on trouverait couramment dans les eaux souterraines ou dans l'air en cas d'exposition accidentelle. »

 

« Sur la base de travaux antérieurs de notre groupe de recherche utilisant des techniques similaires à cette étude, il a été constaté que le spinosad avait un impact négatif beaucoup plus important sur les mouches du vinaigre à des doses bien plus faibles que l'imidaclopride, un insecticide de synthèse qui a été interdit en Europe pour ses impacts sur les insectes non ciblés, y compris les abeilles domestiques », a déclaré le professeur Batterham.

 

« Bien que cette étude n'ait pas pour but de rejeter la faute sur le spinosad, elle montre que le label biologique n'est pas toujours synonyme de sécurité. Tous les insecticides, quelle que soit leur origine, doivent faire l'objet d'une étude rigoureuse afin de détecter tout impact écologique involontaire », a déclaré le professeur Batterham.

 

Fruit d'une collaboration entre l'Université de Melbourne, le Baylor College of Medicine de Houston et l'Université du Texas, cette étude vient s'ajouter à un nombre croissant de preuves indiquant que les insecticides contribuent au déclin mondial de la taille des populations de nombreuses espèces d'insectes utiles.

 

Les recherches du Dr Martelli ont été renforcées par la possibilité de réaliser des expériences dans le laboratoire d'un leader mondial des neurosciences, le professeur Hugo Bellen du Baylor College of Medicine.

 

« L'application d'insecticides à grande échelle est l'une des principales armes pour lutter contre les insectes nuisibles dans l'agriculture, mais nous savons que, dans le monde entier, la taille des populations d'insectes diminue d'environ un pour cent chaque année ; cette diminution concerne en grande partie des insectes qui ne sont pas des nuisibles », a déclaré le professeur Batterham.

 

« Lorsque l'on observe la disparition d'espèces d'insectes, c'est presque comme si l'on retirait au hasard des blocs d'une tour de Jenga ; cela déstabilise les écosystèmes et les rend vulnérables à l'effondrement. »

 

_____________

 

* Source : Organic insecticides more damaging to non-target insects than synthetic counterparts (unimelb.edu.au)

 

Contact média : Alexa Viani, alexa.viani@unimelb.edu.au

 

Ma note : Ce communiqué de presse présente un point positif : celui de rappeler que des produits de protection des plantes labellisés « autorisés en agriculture biologiques » (abusivement qualifiés de « biologiques ») peuvent être plus néfastes pour l'environnement que leurs homologues dits « de synthèse ».

 

L'imidaclopride est mentionnée dans le texte. On rappellera que les néonicotinoïdes ont fait l'objet d'une véritable machination pour les faire interdire, à laquelle des scientifiques ont largement contribué.

 

À part cela, quoique la nocivité du spinosad soit bien documentée, il est quelque peu présomptueux de tirer des conclusions générales à partir d'une étude sur la seule drosophile (de surcroît pas vraiment un insecte « utile ») ; et d'une étude qui, bien qu'utilisant des doses « que l'on trouverait couramment dans les eaux souterraines ou dans l'air en cas d'exposition accidentelle », a impliqué une exposition de longue durée sans doute peu probable en milieu naturel.

 

Quant au prêchi-prêcha sur le déclin des populations d'insectes, on peut avoir envie de sortir la deuxième partie d'une déclaration fracassante de M. Nicolas Sarkozy : « ça commence à bien faire ». Oui, « les insecticides contribuent au déclin mondial de la taille des populations de nombreuses espèces d'insectes utiles », mais marteler cette affirmation fait oublier, outre la question de l'importance de la contribution, les autres causes.

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P
La remarque finale "cela déstabilise les écosystèmes et les rend vulnérables à l'effondrement..." est de la propagande typiquement "naturolâtre". Il existe suffisamment de zones de friches ou de forêts pour que les insectes reviennent entre deux traitements aux insecticides. Mon impression personnelle est que les populations d'insectes varient énormément d'une année sur l'autre. Il y a d'épouvantables années à moustiques et d'autre où il y en a très peu, sans doute à cause du caractère chaotique de l'évolution des populations de proies et de prédateurs.
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