Popular Science, une revue états-unienne, s'enfonce dans le terrier des anti-glyphosates
Cameron English*
Image : memyselfaneye de Pixabay
Ma note : Il s'agit d'une dérive qui, comme le « wokisme », est susceptible de traverser l'Atlantique. J'attends avec un peu d'appréhension les prochains numéros des revues (en principe) de vulgarisation scientifique sur le glyphosate et les tests de BioCheck.
Popular Science a rejoint les rangs des médias grand public qui font de la propagande sur les pesticides. La semaine dernière, le magazine a publié un article sur le glyphosate si atroce qu'il aurait pu être écrit par un militant de l'Environmental Working Group.
« Cet ingrédient du Roundup pourrait causer le cancer, mais l'EPA ne l'interdira pas », a déclaré Popular Science à ses lecteurs dans un article terriblement trompeur du 13 janvier sur le désherbant glyphosate. Après près de 50 ans de commercialisation et des milliers d'études sur ses effets sur la santé, la plupart des experts sont convaincus que cet herbicide présente un risque minime pour l'Homme. La discussion devrait s'arrêter là, mais une poignée de publications apparemment dignes de confiance, Popular Science étant la dernière en date, insistent pour propager la rhétorique des groupes d'activistes et des avocats impliqués dans des actions en responsabilité délictuelle lorsqu'il s'agit du désherbant de Bayer.
Ces publications ne mettent en avant que les études qui correspondent à la conclusion qu'elles souhaitent, s'appuient sur des experts soigneusement choisis et rapportent des demi-vérités, laissant à leurs lecteurs l'impression que le glyphosate est plus nocif qu'il ne l'est réellement.
Il n'y a aucune excuse pour un reportage aussi bâclé. Si l'article de PopSci portait sur le changement climatique ou les vaccins contre la Covid, il serait censuré par les plate-formes de réseaux sociaux pour cause de « désinformation ». Évaluons quelques affirmations de l'article – PopSci entre guillemets, suivi de mon commentaire.
« [Le glyphosate] inhibe la voie du shikimate, un système que les cellules végétales utilisent pour produire de l'énergie, en inhibant une enzyme qui les aide à synthétiser des acides aminés à partir de glucides [...] Alors que les cellules humaines n'utilisent pas la voie du shikimate, les bactéries le font. Il est possible que le risque apparent du glyphosate pour la santé humaine soit dû en partie à l'effet de la substance chimique sur les bonnes bactéries de nos intestins. »
Il y a deux problèmes très bien documentés avec cette hypothèse. Premièrement, les études qui établissent un lien entre le glyphosate et la santé intestinale doivent exposer les bactéries à des quantités massives de l'herbicide, des doses auxquelles les humains ne sont jamais exposés. Par exemple, il faudrait manger près de 150 kg de légumineuses pour consommer suffisamment de glyphosate pour correspondre aux expositions dans ces études sur les cultures cellulaires et les animaux. L'article cité par PopSci reconnaît cette limitation :
« Nous avons constaté que le glyphosate [...] administré jusqu'à cinquante fois la dose journalière admissible européenne établie [...] avait des effets très limités sur la composition de la communauté bactérienne chez les rats Sprague-Dawley pendant un essai d'exposition de deux semaines. » (C'est nous qui graissons.)
Ensuite, si de fortes doses de glyphosate peuvent inhiber l'enzyme dont les bactéries intestinales ont besoin pour synthétiser les acides aminés aromatiques, cela n'est pas aussi gênant qu'il n'y paraît. « Pensez un instant à l'intestin humain », écrit la biologiste cellulaire Iida Ruishalme. « C'est un environnement riche en protéines, où tous les éléments nutritifs de notre alimentation sont décomposés en leurs constituants. C'est essentiellement une soupe d'acides aminés ». Dans un tel contexte, les microbes peuvent simplement absorber les nutriments dont ils ont besoin, sans qu'aucune synthèse ne soit nécessaire.
Retour à PopSci :
« "Le glyphosate est, de loin, l'herbicide le plus utilisé et le plus rentable jamais découvert", déclare Charles Benbrook, économiste agricole à la Heartland Health Research Alliance et témoin expert dans le litige en cours sur le Roundup. En 2014, 825.000 tonnes de cet herbicide étaient utilisées chaque année dans le monde, selon un article publié dans la revue Environmental Health. »
The Conversation a utilisé la même tactique de peur dans un article de juillet 2021 sur le glyphosate. Cette substance chimique est largement utilisée en agriculture parce qu'elle est efficace, mais 825.000 tonnes se traduisent par quelques onces d'ingrédient actif appliquées sur une surface de la taille d'un terrain de football. Grâce à la chimie analytique, nous pouvons trouver beaucoup de substances chimiques dans beaucoup d'endroits ; cela ne veut pas dire qu'ils sont présents dans des quantités qui peuvent être nocives.
Si Popular Science avait contacté un expert indépendant plutôt qu'un consultant du biobusiness comme Benbrook, ils auraient obtenu toutes ces informations. Il convient également de noter que Benbrook a été largement critiqué par les agronomes, qui affirment qu'il a tendance à partir d'une conclusion et à trouver ensuite des données pour la soutenir. Bien entendu, l'article de Popular Science exclut ces détails gênants.
« Une grande partie des données épidémiologiques dont nous disposons proviennent directement de scientifiques employés par les entreprises produisant des herbicides – un conflit d'intérêts potentiel. Dans ce rapport de l'EPA [2016] sur le glyphosate, 39 % des études examinées ont été produites par des scientifiques de Monsanto, selon une analyse publiée dans Environmental Sciences Europe. »
Si 39 % des recherches provenaient de Monsanto, cela signifie que 61 %, soit la grande majorité des données examinées par l'EPA, provenaient de scientifiques indépendants. On ne voit pas bien en quoi ces pourcentages sont scandaleux. En tout cas, PopSci a négligé un fait important : l'EPA peut exiger des fabricants de pesticides qu'ils soumettent de nouvelles preuves si « des données ou des informations supplémentaires sont nécessaires pour mener à bien l'examen ». L'agence peut également sanctionner les entreprises qui ne se conforment pas au processus d'examen de l'enregistrement. Compte tenu de ces stipulations, l'implication de Monsanto ne devrait choquer personne. Les entreprises productrices de pesticides sont censées montrer que leurs produits sont sûrs pour une utilisation commerciale.
« Au cours de l'affaire judiciaire de 2018 Johnson c. Monsanto, les preuves présentées comprenaient des courriels internes ayant fait l'objet d'une fuite, dans lesquels des employés de Monsanto discutaient de la rédaction d'études pour le compte de tiers [ghostwriting] pour soutenir l'affirmation selon laquelle le glyphosate est sans danger pour la santé humaine. »
La rédaction de textes pour le compte de tiers n'est jamais acceptable, mais le simple fait est que les régulateurs en Europe et aux États-Unis savaient que Monsanto avait aidé à produire la recherche en question, comme l'a expliqué l'Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) en 2017. Et, comme nous venons de l'évoquer plus haut, il ne s'agissait que d'une fraction des données examinées. « Cela s'explique par le fait que les experts de l'UE ont eu accès aux résultats des études originales et aux données brutes sous-jacentes et qu'ils se sont principalement appuyés sur eux pour produire leurs propres conclusions », a ajouté l'EFSA.
« Ils ont notamment discrédité le rapport du Centre International de Recherche sur le Cancer selon lequel "le glyphosate était un cancérogène probable pour l'homme", selon une étude de 2021 coécrite par Glenna et publiée dans la revue Research Policy. »
Ce que les scientifiques de Monsanto disaient du CIRC à huis clos, d'autres experts le disaient très publiquement. L'entreprise a noté à juste titre, par exemple, que l'agence onusienne de lutte contre le cancer a ignoré des études qui auraient infirmé sa conclusion « probablement cancérogène » pour le glyphosate. L'un des experts du CIRC s'est aussi fait engager comme témoin expert dans le cadre d'un procès contre Monsanto (et maintenant Bayer), alléguant que le désherbant provoque le cancer. Lorsque le Congrès s'est montré curieux au sujet de cet arrangement en 2018, le directeur du CIRC de l'époque, Christopher Wild, leur a poliment dit d'aller jouer dans le bac à sable.
Comme la plupart des organes d'information, PopSci a déploré que « presque tous les canaux de réseaux sociaux sont piégés par la désinformation ». Pourtant, les collaborateurs et les rédacteurs du magazine ne prennent pas la peine de faire des recherches de base avant de publier un article sur ce qui pourrait être la substance chimique la plus étudiée de l'histoire. Pourquoi devrait-on prendre au sérieux leurs plaintes concernant la désinformation alors qu'ils ne sont même pas capables de contrôler leur propre contenu ?
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* Cameron English, directeur de Bioscience
Cameron English est auteur, éditeur et co-animateur du podcast Science Facts and Fallacies. Avant de rejoindre l'ACSH, il était rédacteur en chef du Genetic Literacy Project.