Cellule Déméter de prévention et de suivi des atteintes au milieu agricole : menteurs et compagnie
La légende des images est tout simplement fausse (source)
Déméter, « la cellule nationale de suivi des atteintes au monde agricole » a été présentée à la presse le 13 décembre 2019 par le Ministre de l'Intérieur de l'époque, M. Christophe Castaner.
Le nœud du problème se trouve dans son « périmètre de compétence » :
« La nécessité d’appréhender la globalité du phénomène des atteintes au milieu agricole implique que le périmètre de compétence de la Cellule DEMETER englobe la prévention et le suivi :
- des actes crapuleux, qu’il s’agisse d’une délinquance de proximité et d’opportunité (ex : vol isolé de gasoil ou d’outillage,etc.) ou d’une criminalité organisée voire internationale (ex : filière de vol de GPS agricole, etc.) ;
-
des actions de nature idéologique, qu’il s’agisse de simples actions symboliques de dénigrement du milieu agricole ou d’actions dures ayant des répercussions matérielles ou physiques. »
Le deuxième point n'a – évidemment – pas plu à tout le monde. Trois entités, Pollinis France, Générations Futures, L214 – ont saisi le Tribunal Administratif de Paris pour :
« [faire] annuler la convention conclue le 13 décembre 2019 entre le ministre de l’intérieur, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (ci-après désignée FNSEA) et Jeunes Agriculteurs ayant pour objet de renforcer la sécurisation par la gendarmerie des exploitations agricoles »
ou, dans le cas de L214 :
« [faire] annuler la décision par laquelle le ministre de l’intérieur a implicitement refusé de dissoudre la cellule nationale de suivi des atteintes au monde agricole, désignée cellule Déméter, et de résilier la convention du 13 décembre 2019 conclue entre le ministère de l’intérieur, la FNSEA et Jeunes Agriculteurs ».
Le Tribunal a rendu sa décision le 1er février 2022.
Pollinis et Générations Futures, représentés par Me Corinne Lepage, ont été déboutés :
« Les associations Pollinis France et Générations Futures n’établissent pas que la convention de partenariat du 13 décembre 2019, qui organise des contacts et échanges d’informations entre l’administration et les deux organisations syndicales, afin, ainsi qu’il a été dit, d’orienter l’action des services de gendarmerie et de renforcer la sécurité des exploitations agricoles, serait susceptible de léser de façon suffisamment directe et certaine les intérêts dont elles ont la charge. »
Insistons : la convention – honnie – entre le ministre de l’intérieur, la FNSEA et Jeunes Agriculteurs reste intacte.
Suite à l'action de Générations Futures et Pollinis ? (Source)
L214 échoue aussi sur la convention :
« Si l’association L214 est opposée aux deux syndicats agricoles quant au mode d’agriculture à promouvoir, il ne résulte pas de l’instruction que l’exécution de cette convention ou le refus implicite par le ministre de l’intérieur d’y mettre fin serait susceptible de léser de façon suffisamment directe et certaine les intérêts de protection des animaux dont l’association L214 assure la défense. Il s’ensuit que les conclusions de la requête no 2018140 de l’association L214 en tant qu’elles sont dirigées contre le refus de résilier cette convention sont irrecevables. »
En revanche, l'action de L214 dirigée contre la Cellule Déméter a prospéré en partie. La Cellule reste en place, mais :
« Le refus implicite du ministre de l’intérieur de mettre fin à celles des activités de la cellule nationale de suivi des atteintes au monde agricole ou cellule Déméter qui se rattachent à l’objectif de prévention et de suivi d’ "actions de nature idéologique" est annulé. »
et :
« Il est enjoint au ministre de l’intérieur de faire cesser les activités de la cellule nationale de suivi des atteintes au monde agricole qui visent à la prévention et au suivi d’ "actions de nature idéologique" dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. »
Insistons à nouveau : la Cellule Déméter reste en place pour lutter contre les actes délictueux. Il appartiendra au ministre de l'intérieur et aux autorités compétentes de tracer la ligne entre les actes délictueux – commis à réprimer ou faire réprimer, ou en préparation et à prévenir – et les « actions de nature idéologiques » non délictueuses.
Relevons que pour parvenir à ce résultat, le tribunal a, peut-être audacieusement, donné à un communiqué de presse (assez délirant il est vrai) le caractère d'une décision susceptible d'être entreprise :
« 9. En premier lieu, la décision du ministre de l’intérieur de créer une cellule nationale de suivi des atteintes au monde agricole, qui a été rendue publique le 13 décembre 2019 et dont les objectifs, le périmètre, l’organisation et les moyens notamment humains qui lui sont affectés ont été révélés dans un dossier de presse dont le contenu est repris sur le site internet du ministère, présente le caractère d'une décision. Dès lors, le refus implicite du ministère d’abroger cette décision et de mettre fin aux activités de la cellule présente le caractère d’une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. »
Pédalage... et rétropédalage (source du premier)
Le titre claque : « L214 OBTIENT LA DISSOLUTION DE LA CELLULE DEMETER »
C'est à dessein que nous laissons les majuscules et le gras. Voir l'évolution ci-dessous.
En résumé :
« Le tribunal administratif de Paris a rendu aujourd'hui sa décision concernant le recours déposé par L214 contre la cellule Demeter et contre la convention signée entre la gendarmerie, le ministère de l'Intérieur, la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs : les juges demandent au ministre de l'Intérieur de faire cesser les activités de la cellule de gendarmerie dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 10 000 € par jour à expiration du délai. Les juges ont considéré que ses missions, telles que "la prévention des actions de nature idéologique", y compris les "simples actions symboliques", méconnaissent le principe de liberté d'expression. L214 se réjouit de cette victoire importante pour les lanceurs d'alerte. »
C'est tellement grossier qu'on ne peut qu'émettre, non pas l'hypothèse, mais la certitude d'un mensonge.
Non, la Cellule Déméter n'est pas et ne doit pas être dissoute.
Et puis non, le motif de la décision n'est pas lié à la liberté d'expression. Le tribunal s'est fondé sur ceci :
« [...], le périmètre de la cellule Déméter, en tant qu’il concerne "des actions de nature idéologique" consistant en "de simples actions symboliques de dénigrement du milieu agricole" ne relève pas des compétences de la gendarmerie telles qu’elles sont définies à l’article L. 421-1 du code de la sécurité intérieure. Il s’ensuit qu’en incluant de telles actions dans le périmètre des missions de la cellule Déméter, le ministre de l’intérieur a commis une erreur de droit. »
Problème : le gazouillis initial a été modifié par un astucieux utilisateur de Twitter. Et nous n'avons pas fait de capture d'écran. Damned !
Ce journaliste a donc annoncé que le Tribunal avait demandé au Ministère de l'Intérieur la dissolution de la Cellule Déméter. Et, environ une heure après, il a apporté une « précision » par un nouveau gazouillis.
Voici les deux gazouillis dans leur teneur actuelle :
(Source)
Mais il reste des réponses de twittos qui savent lire le titre d'un article de FranceTVInfo (référencé dans le gazouillis d'origine) ou la décision d'un tribunal.
(Source)
(Source)
Oui, il avait bien lu que la justice avait ordonné la dissolution de la Cellule Déméter !
(Source)
Et il a donc pris une salve de gazouillis de démenti et rectification, et une bordée de quolibets. Le plus triste et le plus inquiétant à cet égard est la réaction intempestive, sans vérification, à un gazouillis. Lui, président de la République ? De surcroît, FranceTVInfo avait déjà publié son information sur la base d'une dépêche de l'AFP.
Et il est tout à fait navrant – quoique prévisible – que M. Yannick Jadot ait affiché son soutien à L214, dont l'objectif réel n'est pas celui qui est affiché. Il nous doit ainsi des précisions sur son programme s'agissant de l'abolition de l'élevage.
Et, plus généralement, il nous doit aussi des précisions sur la politique qu'il entend mener pour la sécurité des biens et des personnes du monde agricole.
La Cellule Déméter n'a donc pas été et ne sera pas dissoute. Allez-vous, conformément à votre engagement, dissoudre cet outil de « prévention et [de] suivi […] des actes crapuleux, qu’il s’agisse d’une délinquance de proximité et d’opportunité […] ou d’une criminalité organisée voire internationale » ?
D'ailleurs, saviez-vous que c'est sa première mission ? Êtes-vous conscient du fait que vos déclarations grandiloquentes constituent implicitement une acceptation, voire une promotion, de cette délinquance et de cette criminalité ?
(Source)
Le gouvernement a confirmé le maintien de la Cellule Déméter avec un texte d'organisation interne précisé et recadré.
(Source)
Voici un extrait du cache de l'article de L214 (le texte initial) :
(Source)
Et voici le texte actuel :
(Source)
Le titre reste évidemment mensonger...