« Lettre à Barbara Pompili qui incite à surveiller les paysans », une tribune de M. Jean-Paul Pelras dans l'Opinion
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Dans « Lettre à Barbara Pompili qui incite à surveiller les paysans », l'Opinion du 20 janvier 2022, M. Jean-Paul Pelras s'insurge devant de nouvelles mesures de « flicage » des agriculteurs de nature à exacerber les tensions dans les campagnes.
C'est, comme d'habitude, élégant et bien tourné, et percutant, mais dans ce cas précis, difficile à comprendre en l'absence de détails sur les événements qui ont suscité son courroux. Mais cela reste juste quant au fond.
(Source)
En chapô :
« Sachant que nous venons de perdre plus de 100 000 paysans en vingt ans, continuez à serrer la bride autour des pratiques agricoles françaises, et vous pourrez bientôt mettre vos contrôleurs au chômage car il ne restera plus un seul agriculteur à contrôler »
La mise en route :
« Les agriculteurs sont cernés. D’une part, avec le dispositif Phytosignal animé par les agences régionales de santé en Nouvelle-Aquitaine, dans les Pays de la Loire ou en Bretagne, qui permet, comme son nom l’indique, aux riverains de signaler l’épandage de produits phytosanitaires à proximité de leurs domiciles. Et, d’autre part, avec le lancement de sites Internet mis à disposition des préfectures pour renseigner sur les zones traitées. Deux dispositifs complémentaires qui, se rajoutent à ceux déjà existants et qui auront, a minima, le don d’exacerber les tensions dans nos campagnes si l’on considère le degré d’hystérie collective suscité par ce sujet.
Et voilà qu’après la délation suggérée par les ARS, la surveillance officielle, puisqu’elle est encouragée par votre ministère, s’ajoute à la stigmatisation d’un monde paysan déjà suffisamment contraint par les normes environnementales imposées. D’ailleurs, pourquoi contrôler avec autant de zèle ceux qui sont autorisés par ces mêmes normes à protéger leurs productions ? Si ce n’est, une fois encore, pour les décourager et les désigner implicitement. »
Le premier paragraphe porte sur le dispositif « PhytoSignal », qui avait, semble-t-il, pris corps dans le Sud-Ouest et devait être étendu à l'ensemble du territoire. La raison d'être du dispositif régional :
« Ces plaintes arrivent de manière dispersée à des interlocuteurs variés et il est donc difficile d’en réaliser un état des lieux exhaustif et d’assurer une gestion coordonnée. Un comité de pilotage régional a été créé en 2013 afin de mettre en place le dispositif PhytoSignal sur l’ensemble de l’Aquitaine. Ce comité, piloté par Santé publique France en région (Cire) Nouvelle Aquitaine et par l’ARS, réunit également le Service régional de l’alimentation (Sral) de la Draaf, Atmo Nouvelle Aquitaine, le CAP TV de Bordeaux et des Services communaux d’hygiène et de santé (SCHS). »
Le suivi des signalements selon des procédures documentées et la mise en ordre de marche de l'usine à gaz administrative se justifient sans nul doute. Ce n'est du reste pas nécessairement préjudiciable aux agriculteurs.
Mais le moment de la mise en route d'une extension à l'ensemble du territoire a peut-être été mal choisi, alors que Santé Publique France et l'ANSES ont lancé PestiRiv, « [u]ne étude inédite sur l’exposition aux pesticides des personnes vivant en zone viticole ». Et surtout, cela s'est accompagné d'une publicité que l'on peut considérer comme une incitation à la délation ou une mesure donnant plus de corps à la délation et, surtout, aux récriminations.
La « fiche de signalement d'un PhytoSignal » envisage que l'on puisse actionner les services publics sur la base d'une plainte quant à – dans l'ordre – l'odeur, le bruit, la pollution (kesako?), l'inquiétude, une demande d'information et, enfin, un « événement de santé ». Quel sens des priorités...
Le « plaignant » est aussi censé informer l'autorité d'une « [s]uspicion de vent fort (>19 km/h) ».
La partie relative à l'évaluation et au suivi pose aussi problème : aucune case pour indiquer un signalement sans importance, voire sans cause et futile. Et c'est à ce stade que l'on peut trouver l'irritation de M. Jean-Paul Pelras fondée : celui qui épand un produit – pas forcément un agriculteur, cela peut aussi être un agent chargé de la lutte contre les moustiques – est présumé délinquant et coupable.
Réussir rapporte dans « Julien Denormandie met le dispositif PhytoSignal en pause » :
« Depuis quelques semaines, le dispositif PhytoSignal, expérimenté en Nouvelle-Aquitaine, est suspendu. Le ministre de l’Agriculture n’est pas favorable, sous cette forme, à ce réseau d’information piloté par le ministère de la Santé. Il a demandé un retour d’expérience à l’Agence régionale de santé. »
L'information sur PhytoSignal s'est télescopée avec une autre le 11 janvier 2022.
Prenons-le aussi de Réussir : « ZNT : Barbara Pompili annonce des sites pour informer les riverains sur l’épandage des pesticides »:
« Interrogée sur RMC la ministre de la Transition écologique a annoncé que les riverains seraient informés de l'épandage des pesticides via des sites internet, dans le cadre des nouveaux textes réglementaires sur les ZNT. »
(Source)
Comme on l'a vu ci-dessus, M. Jean-Paul Pelras impute à Mme Barbara Pompili une volonté de stigmatiser et décourager les agriculteurs.
Il est sans aucun doute permis de contester son appréciation des motivations.
Avec le fameux aphorisme de Michel Rocard :
« Toujours privilégier l'hypothèse de la connerie à celle du complot. La connerie est courante, le complot demande un esprit rare. »
Reconnaissons aussi qu'elle a été poussée dans ses retranchements sur un dossier sur lequel le gouvernement s'est enferré. Mais la déclaration est fracassante, selon Réussir :
« "Nos concitoyens ont le droit d’avoir toutes les informations possibles" sur les épandages de pesticides, a estimé Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, interviewée le 11 janvier sur RMC par Jean-Jacques Bourdin. Dans le cadre des nouveaux textes réglementaires sur les ZNT (zones de non traitement), "il y a aura des sites internet où on pourra avoir toutes les informations possibles", a poursuivi la ministre de la transition écologique, ce qui n’a pas manqué de faire réagir les agriculteurs sur les réseaux sociaux. »
Rapide demi-rétropédalage du Cabinet :
« Ces sites internet, a tempéré le cabinet de la ministre auprès de nos confrères d’Agra Presse, ne sont qu’une option à disposition des préfectures et des producteurs pour assurer l’obligation d’information prévue par les nouveaux décrets.
"Rien n’est imposé, mais tout est possible", assure l’entourage de Barbara Pompili. Charge ensuite aux préfets, souligne-t-on, "de s’assurer que les riverains seront bien informés". L’équipe du ministre de l’agriculture confirme également l’ouverture sur les modalités, en promettant que "l’État accompagnera". »
Mais il faut tout de même faire un constat amer : pour Calamity Barbie il y a « [n]os concitoyens [qui] ont le droit d’avoir toutes les informations possibles » et... les agriculteurs.
(Source)