Les producteurs nigérians de niébé GM témoignent d'une réduction de l'infestation par les parasites et de meilleurs rendements
Joseph Opoku Gakpo*
Image : L'agriculteur nigérian Goma Lawal montre sa culture de niébé GM saine et fleurie. Photo : Joseph Opoku Gakpo
Les agriculteurs nigérians qui cultivent la première espèce alimentaire GM du pays – le niébé, ou « haricot », résistant aux foreurs de gousses (PBR – pod borer resistant) – affirment avoir constaté moins de dégâts causés par les ravageurs dans leurs champs par rapport à l'époque où ils cultivaient des variétés conventionnelles.
Les agriculteurs affirment que la diminution de la pression exercée par les insectes nuisibles leur permet d'augmenter les rendements. Ils déclarent également des bénéfices plus élevés en raison des meilleurs rendements et de la réduction des investissements dans les pesticides coûteux. Le niébé PBR a réduit l'utilisation de pesticides de huit pulvérisations par campagne à seulement deux.
M. Dabo Umar, un agriculteur de 65 ans de l'État de Kano, qui a 20 enfants et deux épouses, a déclaré à l'Alliance pour la Science, lors d'une interview dans sa ferme, qu'il a tiré un bénéfice supplémentaire estimé à 20 000 nairas (50 dollars) de ses 2 hectares de niébé PBR en 2020, par rapport à la saison précédente.
« Ce niébé est meilleur que tout autre niébé », a déclaré Dabo, qui a 35 ans d'expérience dans la culture du niébé. « C'est le meilleur [...] Et beaucoup de gens demandent comment nous obtenons ce niébé... Pas de Maruca [parasites foreurs de gousses]. Nous en sommes très heureux. »
M. Goma Lawal, un agriculteur de 54 ans avec deux femmes et 20 enfants dans l'État de Kaduna, a déclaré que son investissement dans la protection contre les parasites a été réduit suite à la décision de cultiver du niébé GM.
« Si vous voulez parler d'argent, nous ne dépensons pas trop d'argent », a-t-il déclaré. « Contrairement au niébé ordinaire. Pour le niébé ordinaire, nous dépensons 2.000 nairas (7,5 dollars) à 3.000 nairas (7,5 dollars) en pesticides. Avec celui-ci, nous ne dépensons même pas 1.000 nairas (2,50 dollars). » [C'est sans doute par acre, environ 40 ares.]
M. Ahiaba M. Sylvanus, un petit agriculteur de 63 ans de l'État de Kaduna, a livré un témoignage similaire. Lorsqu'il cultivait du niébé conventionnel, il a déclaré qu'il devait pulvériser des pesticides jusqu'à huit fois au cours du cycle de vie de 12 semaines de la culture. Ce régime de pulvérisation lui coûtait environ 20.000 nairas (50 dollars) par campagne. Mais en cultivant le niébé GM, il n'a pulvérisé que deux fois et sa culture a quand même bien marché.
M. Sylvanus, père de trois enfants, a déclaré que lorsqu'il a commencé à cultiver le niébé il y a 45 ans, il n'était pas nécessaire de traiter la culture avant la récolte.
« C'est plus tard que nous avons commencé à connaître le type de larves Maruca qui font des trous dans les gousses […] nous [devions] traiter presque jusqu'à la fin de la récolte […] Les traitements nous prennent environ un quart de ce que nous sommes censés réaliser de la culture du niébé. » Mais avec le niébé GM, M. Sylvanus dit qu'il « traite moins que pour les autres niébés que nous avons utilisés. Et sa maturité est précoce […] J'ai été très soulagé. […] On a assez à manger. J'ai pu profiter d'un supplément d'argent provenant de mon travail. »
Le gouvernement nigérian a été le premier au monde à commercialiser le niébé PBR, et ce, sous le nom de SAMPEA-20T, en décembre 2019. Cela a donné à certains agriculteurs la possibilité de le cultiver sans restriction à la fin de 2020.
M. Jamilu Mohammed Ahmed, qui cultive du niébé et d'autres espèces dans l'État de Kaduna, a déclaré à l'Alliance pour la Science que « le travail et la pénibilité associés à ce travail » ont été réduits suite à sa décision de cultiver du niébé GM.
Presque chaque semaine, les producteurs de niébé conventionnel doivent aller chercher de nombreux seaux d'eau chez eux ou dans les cours d'eau voisins, qu'ils transportent jusqu'à leurs exploitations pour les mélanger aux pesticides qu'ils achètent à des coûts exorbitants. Les agriculteurs âgés qui ne peuvent pas entreprendre des activités manuelles aussi lourdes doivent embaucher des ouvriers pour faire le travail à leur place.
« Certains des agriculteurs locaux que vous engagez pour traiter les champs, certains n'utilisent pas de masque », a déclaré M. Ahmed, déplorant le manque de savoir-faire technique pour utiliser correctement les pesticides. « Et cela est dangereux pour leur santé […] La plupart des produits chimiques sont cancérigènes. Nous le savons tous. »
« En utilisant celui-ci [le niébé GM], sans aucun traitement ou au moins un traitement, on obtient un rendement très raisonnable », a-t-il poursuivi. « On constate qu'il est très bon, et nous avons eu des récoltes exceptionnelles. […] Cela donne plus de rendement, honnêtement parlant. Avec moins d'intrants ».
En 25 ans de culture du niébé, M. Ahmed a déclaré qu'il n'avait jamais eu de meilleurs résultats que ceux qu'il a obtenus avec le niébé PBR. « Cela constituera un avantage supplémentaire pour servir d'autre alternative comme source de protéines alimentaires pour les humains et le bétail », a-t-il ajouté.
M. Osman Yahyah Alhassan, un agriculteur de 19 ans de l'État de Kano, a déclaré à l'Alliance pour la Science que le rendement de sa ferme de niébé de 0,9 hectare a doublé la saison dernière en raison de la réduction des dégâts des parasites lorsqu'il a commencé avec le niébé GM. « Nous avons obtenu 17 sacs avec le PBR. Sur la même parcelle, nous n'obtenions que 9 à 11 sacs auparavant », a-t-il expliqué.
Le niébé est une culture orpheline à haute teneur en protéines consommée quotidiennement par environ 200 millions de personnes en Afrique. Il est généralement cuit et mangé avec des sources de glucides comme le plantain et le riz. Le Nigeria est le plus grand producteur et consommateur de niébé d'Afrique. Mais le déficit annuel de production de graines de niébé du pays s'élève à plus de 500.000 tonnes.
Diverses raisons sont à l'origine de ce déficit, notamment les dégâts causés par le parasite du niébé Maruca. Cet insecte peut faire perdre aux agriculteurs la totalité de leur récolte. Mais en introduisant un gène de Bacillus thuringiensis (Bt) – une bactérie naturelle – les scientifiques nigérians ont pu développer une variété de niébé capable de résister à ce parasite.
Les réactions positives des agriculteurs indiquent que le Nigeria est prêt à adopter de nouvelles innovations dans la production agricole afin d'améliorer la sécurité alimentaire, a déclaré le Dr Issoufou Kollo, coordinateur régional pour l'Afrique de l'Ouest de la Fondation pour les Technologies Agricoles en Afrique (AATF), une organisation à but non lucratif qui a soutenu le développement de la variété.
« Les Nigérians sont prêts pour le niébé PBR », a-t-il déclaré. « Les agriculteurs l'adorent. Il n'y a pas un seul agriculteur qui a vu la culture et qui ne l'a pas aimée. Depuis l'année dernière, nous avons reçu plus d'un million de demandes de semences de niébé de la part des agriculteurs. »
Le professeur Mohammed Ishiyaku est le directeur exécutif de l'Institut de Recherche Agricole du Nigeria, qui a développé la variété. Il a prédit que les agriculteurs et l'économie nigériane gagneront beaucoup d'argent suite à l'adoption de la variété.
« La productivité de cette nouvelle variété, elle a un potentiel de rendement de 2,9 tonnes par hectare, alors que beaucoup d'autres variétés ont un rendement potentiel de 1,9 à 2 tonnes par hectare », a-t-il déclaré. « Si on sème un million d'hectares, nous estimons que le Nigeria va économiser plus de 16 milliards de nairas (environ 40 millions de dollars) rien qu'en termes d'économies d'insecticides [...] Et avec un avantage de rendement de 20 %, les agriculteurs vont tirer un bénéfice économique d'environ 46 milliards de nairas (environ 112 millions de dollars) par an. »
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