L'irrigation aide les agricultrices du Mozambique à faire face aux extrêmes climatiques
Busani Bafana*
Image : Les agricultrices du périmètre d'irrigation de Makateco montrent une abondante récolte de haricots. Photo : Busani Bafana
En janvier 2021, un cyclone dévastateur a frappé le Mozambique et inondé le champ de Mme Berta Inácio Ngove, submergeant une récolte prometteuse de maïs et de haricots dans une tombe liquide.
« C'était dur », se souvient Mme Ngove, une veuve de 52 ans et mère de quatre enfants. « Nous n'avons rien récolté ».
Mais les cyclones ne sont pas les seuls phénomènes météorologiques extrêmes que les petits exploitants agricoles comme Mme Ngove doivent endurer. Les sécheresses et les précipitations irrégulières ont également augmenté les pertes de récoltes et la pénurie alimentaire dans un pays de plus en plus vulnérable aux aléas de la crise climatique.
En réponse à cette situation, le gouvernement mozambicain a lancé le Programme National d'Irrigation (PNI), d'une durée de 25 ans, qui prévoit d'irriguer 300.000 hectares par an afin d'aider les petits exploitants à faire face à la crise climatique et à stimuler la production alimentaire. Les organisations internationales de développement et les institutions académiques soutiennent cet effort par des formations, l'éducation des agriculteurs et des prêts.
« Donner accès à l'irrigation aux petits exploitants est nécessaire pour améliorer la productivité agricole, accroître la sécurité alimentaire, réduire la pauvreté et augmenter la résilience à la variabilité climatique », explique Mme Leah Ndungu, responsable régionale au Centre Australien pour la Recherche Agricole Internationale (ACIAR).
Selon M. Andre Machava, ingénieur agronome et spécialiste de l'environnement à l'Institut National de l'Irrigation, cette stratégie a aidé les femmes, qui constituent la majeure partie des agriculteurs irriguants, à économiser de la main-d'œuvre et à profiter d'un temps de qualité pour des activités non agricoles.
« Les précipitations deviennent erratiques et, parfois, très intenses sur une courte période, ce qui signifie que le reste de la saison, il y a une sécheresse ou des périodes de sécheresse », explique M. Machava. « L'irrigation permet de compenser l'irrégularité des précipitations, et ceux qui l'utilisent obtiennent des rendements élevés parce qu'ils gèrent leur utilisation de l'eau. »
Mme Ngove, qui vit dans le village de Ndonga dans la province de Gaza, à plus de 200 kilomètres au nord-ouest de la capitale Maputo, est membre de l'association Makateco, un périmètre d'irrigation dirigé par le gouvernement qui compte environ 50 membres, pour la plupart des femmes.
« J'ai cultivé du maïs et des haricots dans le cadre d'une agriculture pluviale, mais j'ai rejoint le programme d'irrigation parce que je pouvais faire pousser des cultures qu'il y ait de la pluie ou non », explique Mme Ngove.
Même avant midi, le soleil est inconfortablement chaud, frappant les agriculteurs qui récoltent des tomates mûres. « Nous devons lutter contre le soleil qui nous brûle la tête mais, plus inquiétant encore, la chaleur assèche nos champs, si bien que nous pensons avoir besoin d'irriguer en permanence », déplore M. Esmeraldo Julio Ngovene, chef de production du périmètre d'irrigation de Makateco.
Pour mieux les aider à surveiller l'humidité du sol et à gérer l'utilisation de l'eau, certains agriculteurs ont adopté des outils comme les capteurs d'eau du sol Chameleon, les détecteurs de front d'humectation (WFD) et les kits d'irrigation au goutte-à-goutte. Le capteur Chameleon est un outil numérique qui mesure la disponibilité de l'humidité du sol grâce à un code couleur facile à utiliser, même par les agriculteurs analphabètes. Le WFD, qui est enterré, indique à quelle profondeur l'eau a percolé dans le sol. Il recueille également une solution qui est utilisée pour tester la salinité et la disponibilité des nutriments.
« Avant de connaître cet outil, lorsque nous voyions que le champ était sec, nous nous contentions d'irriguer », explique Mme Ngove. « Mais maintenant, nous sortons le Chameleon, nous connectons les capteurs à fil et les lumières s'allument. Si la lumière est bleue, le sol est humide. Si elle est verte, il y a suffisamment d'humidité dans le sol, et, si elle est rouge, cela signifie que le sol est sec et qu'il est temps d'irriguer. »
L'agricultrice Berta Inácio Ngove montre le capteur d'eau du sol Chameleon, qui mesure la teneur en humidité du sol. Photo : Busani Bafana
Grâce à l'utilisation du Chameleon et du WFD, les agriculteurs ont réduit leur irrigation jusqu'à 50 %, économisant ainsi de l'eau, du temps et de l'argent dépensé en frais de main-d'œuvre et de carburant. Avant d'adopter les outils de gestion de l'eau, les agriculteurs du projet de Makateco utilisaient 90 litres de diesel pour pomper l'eau nécessaire à la culture de haricots sur deux hectares pendant une campagne de trois mois. Ils n'utilisent désormais plus que 50 litres de carburant.
Environ 400 petits exploitants agricoles et 137 agents de vulgarisation ont été formés à l'amélioration des pratiques de gestion des cultures et à l'adoption d'innovations économes en eau dans leurs exploitations grâce au projet Farmer-led Smallholder Irrigation in Mozambique (FASIMO), un projet de Cultivons l'Avenir de l'Afrique cofinancé par le Centre de Recherches pour le Développement International (CRDI) du Canada et l'ACIAR. Le projet est mis en œuvre par un partenariat entre la Faculté d'Ingénierie Agronomique et Forestière de l'Université Eduardo Mondlane et l'Institut National d'Irrigation (INIR). Le projet a ciblé huit systèmes dans les provinces de Gaza et de Manica, bénéficiant à plus de 400 petits exploitants agricoles.
Le FASIMO a cherché à identifier les moyens de rendre plus productifs, plus autonomes et plus équitables les systèmes d'irrigation des petits exploitants dirigés par le gouvernement et les agriculteurs au Mozambique.
L'adoption des capteurs Chameleon et du WFD a amélioré les perspectives de production des agriculteurs irriguants au Mozambique, déclare M. Mario Chilundo, spécialiste de l'ingénierie de l'eau, maître de conférences à l'Université Eduardo Mondlane et chercheur principal du FASIMO.
« Au fil du temps, un plus grand nombre d'agriculteurs se sont engagés dans l'irrigation, à laquelle le gouvernement a donné la priorité comme moyen d'assurer la sécurité alimentaire », a déclaré M. Chilundo à l'Alliance pour la Science. « L'impact du changement climatique a réduit le débit d'eau dans les zones irriguées, ce qui rend idéal l'adoption de technologies économes en eau pour aider les agriculteurs à produire plus avec moins. »
Des agriculteurs du Mozambique utilisent l'irrigation au goutte-à-goutte pour économiser l'eau et augmenter les rendements. Photo : Busani Bafana
L'un des partenaires de mise en œuvre du programme FASIMO, Gaza Works, une ONG à vocation religieuse, a soutenu les petits exploitants agricoles dans 12 périmètres d'irrigation de la province de Gaza. Elle a aidé 445 agriculteurs – dont 94 % de femmes – à obtenir un prêt de 1.100 US$ chacun, qu'ils investissent dans la préparation des terres, l'irrigation et les équipements agricoles, les semences, les engrais et les produits chimiques. Ils sont censés rembourser 80 % du prêt en sept ans en vendant leurs produits.
En plus des prêts, Gaza Works fournit une assistance technique sur la production, la commercialisation et la gestion financière.
« Nous estimons qu'il s'agit d'un succès car les agriculteurs sont en mesure de tirer un revenu des cultures qu'ils produisent et d'investir dans un logement et d'envoyer leurs enfants à l'école », déclare M. Salomao Mavaisso Maposse, président de Gaza Works.
Mme Maria Alexandre Sitoe, présidente du périmètre d'irrigation de Rivoningo dans la province de Gaza, explique que le capteur Chameleon a aidé les agriculteurs à réduire l'irrigation quotidienne à seulement deux fois par semaine, ce qui a augmenté leur production et leurs revenus.
Mme Sitoe, mère de quatre enfants, dit avoir bénéficié du système d'irrigation en cultivant des tomates.
En 2017, un an après avoir adhéré au programme, Mme Sitoe a gagné 340 US$, qu'elle a investis dans la construction de sa maison et l'éducation de ses enfants. Cependant, au cours de la campagne 2020, elle n'a gagné que 117 US$ parce que sa culture a été inondée et a souffert d'une forte infestation de parasites et que le confinement à cause de la Covid-19 a réduit sa clientèle.
« L'année dernière, les inondations ont été graves », explique Mme Sitoe à l'Alliance pour la science. « Cela a affecté notre production et les prix de la petite récolte que nous avons pu faire, car il y avait peu de clients pour acheter. Cette année, je m'attends à obtenir trois tonnes de tomates et je recevrai plus d'argent et j'espère emménager dans ma maison achevée. »
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