Allemagne : l'agriculture sauvée par le cannabis ?
Cem Özdemir (2014, avec une plante de chanvre, et Tibor Harrach, alors porte-parole du groupe de travail des Verts sur la politique des drogues à Berlin). Photo : Bernd Von Jutrczenka / picture alliance / dpa
Le nouveau ministre fédéral de l'alimentation et de l'agriculture, Cem Özdemir, a choisi le jour de son anniversaire, le 21 décembre 2021, pour sortir du bois en accordant un entretien à Bild am Sonntag (derrière un péage).
Petits compléments : il est membre de la fraction Alliance 90/Les Verts ; c'est le premier ministre fédéral issu de l'émigration ; et il est numéro 9 dans un gouvernement resserré de 17 membres, Mme Steffi Lemke, Ministre Fédérale de l'Environnement, de la Protection de la Nature, de la Sécurité Nucléaire et de la Protection des Consommateurs, étant numéro 13 (en France, M. Julien Denormandie est deuxième... en commençant par la fin, et Mme Barbara Pompili, ministre d'État, deuxième en commençant par le début).
Les médias ont pour la plupart retenu une phrase forte – et souvent entendue, y compris du gouvernement précédent :
« Il ne doit plus y avoir de prix cassés pour les denrées alimentaires, car ils mènent les exploitations agricoles à la ruine, empêchent un meilleur bien-être des animaux, favorisent la disparition des espèces et nuisent au climat. Je veux changer cela. »
Vaste programme ! Et on voit mal le lien avec la disparition de la biodiversité et les atteintes au climat. Mais la rouerie politicienne ne consiste-t-elle pas, en l'occurrence, à aligner le plus d'éléments de langage flattant la bien-pensance possibles ?
La réaction n'a pas vraiment tardé. Bild vient de publier un titre rageur, « Révolte contre le plan viande d'Özdemir » dans le contexte d'une augmentation de 4,5 % des prix des produits alimentaires en 2021. Dans l'URL : « les petites gens vont être punies » :
« C'est surtout la viande bon marché qui dérange Özdemir. Interrogé sur le prix d'un kilo de viande hachée (3,98 euros), le végétarien ne le sait pas, mais il déclare la guerre à la nourriture bon marché : "Les aliments ne doivent pas devenir un produit de luxe. Mais le prix doit exprimer davantage la vérité écologique." Les hausses de prix doivent augmenter le revenu des agriculteurs et renforcer le bien-être des animaux, la protection du climat et de l'environnement. »
L'Allemagne introduira-t-elle une police de l'assiette, qui irait bien au-delà du Nutri-Score, le chef- d'œuvre d'une équipe française dirigée par M. Serge Hercberg ? Dans « Weniger Tiere, mehr Hanf » (moins d'animaux, plus de chanvre), un titre un brin sarcastique, le Spiegel rapporte :
« Le ministre fédéral de l'Agriculture prévoit des directives plus strictes pour les produits élaborés, afin que les gens se nourrissent plus sainement. "L'Allemagne se nourrit globalement de manière trop malsaine", a déclaré le politicien des Verts. Plus de 50 pour cent des adultes seraient en surpoids.
"La raison en est l'excès de sucre, de graisse et de sel, surtout dans les produits élaborés", a-t-il déclaré. "La politique a trop longtemps tenté d'inciter l'industrie à réduire ces ingrédients par des engagements volontaires. C'est maintenant terminé. Avec moi, il y aura des objectifs de réduction contraignants." »
L'objectif de 30 % de la surface agricole utile en « bio » en 2030 – alors que la Commission Européenne vise 25 % au niveau de l'Union à la même date dans sa stratégie « de la ferme à la table » – est gravé dans le marbre de l'accord de coalition.
Pour y parvenir, M. Cem Özdemir souhaite « utiliser la puissance d'achat de l'État »... Le contribuable/consommateur paiera donc triplement : par les subventions accordées à l'agriculture biologique ; par les prix plus élevés payés par les entités publiques qui seront répercutés sur lui par le biais d'impôts, de taxes et de redevances ; et par les prix plus élevés qu'il paiera le cas échéant pour sa consommation à domicile.
Pour les animaux d'élevage, « [i]l serait préférable d'en avoir moins et de mieux les élever ». C'est une critique, voire une accusation, implicite des éleveurs. Mais c'est tellement dans l'air du temps...
Pour y parvenir, M. Cem Özdemir envisage de réorienter les aides à l'investissement, introduire des caméras dans les abattoirs, renforcer le droit pénal ; et aussi introduire un système d'étiquetage « clair et compréhensible relatif à l'élevage des animaux » selon le Spiegel. Sur ce dernier point, il nous semble que cela devra passer par la case Bruxelles.
C'est psychédélique ! Prenons-le du Spiegel :
« Chez les agriculteurs en Allemagne, Cem Özdemir voit un grand intérêt pour la légalisation du cannabis. "De nombreux agriculteurs et agricultrices sont dans les starting-blocks pour cultiver du chanvre", a-t-il déclaré au journal [Bild am Sonntag]. "Dès que le Bundestag aura adopté la loi du ministre de la Santé, l'agriculture cultivera également ces plantes utiles. La CDU ne peut plus nous l'interdire", a-t-il poursuivi en faisant allusion au parti au pouvoir depuis 16 ans. »
Repéré dans les commentaires :
« Bonjour les Verts, fumez moins d'herbe, et il ne vous viendra pas à l'esprit de nous imposer la nourriture. Je ne peux que hocher la tête. »
« L'idée absurde que la légalisation du cannabis pourrait sauver l'agriculture allemande ne peut venir que d'un Vert défoncé. »
« Enfin, nous pouvons à nouveau exporter quelque chose, du chanvre, et concurrencer les talibans [sauf que les talibans, c'est le pavot]. »
M'est avis qu'ils exporteront aussi quelques idées aussi sottes que grenues à Bruxelles...