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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Réflexions historiques sur la crise agricole des années 1980 aux États-Unis

8 Novembre 2021 Publié dans #Divers

Réflexions historiques sur la crise agricole des années 1980 aux États-Unis

 

Jaclyn Krymowski, AGDAILY*

 

 

 

 

En tant que communauté agricole, nous avons tendance à regarder avec curiosité les jours passés. N'ayant pas autant de décennies à mon actif que beaucoup de mes pairs, je n'ai jamais vraiment compris cela. Jusqu'à ce que je commence à m'intéresser de plus près à l'histoire de l'agriculture, en particulier à celle de ceux qui l'ont vécue. Ce n'est qu'à ce moment-là que j'ai mieux compris où nous en sommes aujourd'hui, ce que nous avons pu être et ce qui pourrait se reproduire.

 

Certains des témoignages les plus poignants proviennent de producteurs dont les familles n'ont pas survécu à la crise agricole des années 1980. Jusque-là, cette période n'était qu'une brève note de bas de page dans mon esprit de notre grande histoire agricole américaine. Pour une raison quelconque, l'époque du Dust Bowl m'a toujours intéressée davantage, bien qu'elle soit plus éloignée.

 

Mais maintenant, je me rends compte que la crise à laquelle notre secteur a été confronté il y a moins de 50 ans est ce qui a laissé une ombre plus sombre, peut-être plus que nous ne voudrions le reconnaître.

 

De toutes les choses pour lesquelles les années 80 ont été connues dans la culture dominante, la situation de l'agriculture n'est généralement pas la première qui vient à l'esprit. Grâce aux exploitations agricoles qui ont pu survivre dans le feu de l'action – et à l'essor de la technologie – de nombreux Américains vivant en milieu urbain ont été épargnés par l'horreur de l'insécurité alimentaire, en dépit d'un marché très affaibli.

 

La majorité de l'Amérique non rurale ne savait pas que l'ensemble de la filière agroalimentaire était au cœur d'une crise qui était la plus grave depuis la Grande Dépression. Le Midwest a été l'une des régions les plus touchées par la crise, ce qui a eu pour conséquence que de nombreuses familles ont perdu à jamais l'héritage de leurs terres agricoles et ont laissé des vides énormes et irremplaçables dans le paysage agricole.

 

 

 

 

Au cours de la décennie précédente, l'agriculture américaine a connu une période de prospérité, en grande partie grâce aux contrats céréaliers avec l'Union Soviétique. Les années 1973 et 1974 ont été particulièrement remarquables, les agriculteurs ayant volontiers répondu au doublement des prix du blé et au triplement de ceux du maïs en augmentant leur recours aux intrants.

 

Toutefois, à la fin de cette décennie, la Réserve Fédérale a modifié sa politique monétaire, ce qui a entraîné des taux d'intérêt très élevés pour les Américains. Le Capitole ne se rendait pas compte de l'ampleur de l'effondrement vers lequel il se dirigeait après avoir soutenu le boom pendant si longtemps. Alors que ces changements ont touché de nombreuses industries dans tout le pays, les entreprises agricoles et leurs prêteurs ont particulièrement ressenti leur poids écrasant.

 

Certaines régions du Midwest ont vu la valeur de leurs terres agricoles chuter de jusqu'à 60 % à cette époque. Au milieu des années 80, la dette agricole nationale avait doublé par rapport à 1978, et le revenu agricole net n'était que de 5,4 milliards de dollars, alors qu'il atteignait près de 20 milliards de dollars en 1950, après la Seconde Guerre mondiale.

 

En outre, (grâce à l'augmentation de la production quelques années auparavant) la valeur des produits de base a chuté, entraînant une surabondance massive et une baisse des exportations après l'embargo de l'Union Soviétique.

 

 

N'oubliez pas qu'il y avait déjà un exode rural en cours, ce qui a encore affaibli l'économie agricole. En conséquence, les 6,8 millions d'exploitations agricoles du milieu des années 30 n'étaient plus que 2,2 millions au milieu des années 80. Et nous n'avons jamais été près de récupérer ce chiffre.

 

Si l'on additionne tous ces détails, on obtient un cocktail plutôt toxique, qui a inévitablement sonné le glas de nombreux héritages multigénérationnels, les saisies agricoles devenant monnaie courante. Si le Congrès n'a eu d'autre choix que d'intervenir plus tard dans la décennie, il était bien trop tard pour récupérer tout ce qui avait été perdu.

 

Il n'est peut-être pas possible de le prouver, mais je crois fermement que c'est cette période de difficultés et de changements dans l'ensemble du secteur qui a eu un impact sur la notion collective de ce qu'est la « ferme familiale » aujourd'hui.

 

Par exemple, en 1985 a eu lieu le premier concert Farm Aid, né des problèmes de l'époque. L'intention était bonne à l'époque, bien sûr, mais depuis, il est devenu une source de discorde au sein de la communauté agricole, propageant des informations erronées sur les OGM et les produits biologiques et opposant les « exploitations familiales » à tout ce que l'on pouvait supposer être des exploitations « commerciales » (« corporate »). Je ne peux m'empêcher de penser que cela laisse entendre que les exploitations qui ont fait ce qu'il fallait pour survivre – comme grossir, adopter de nouvelles technologies ou modifier l'infrastructure – méritent d'être diabolisées alors que seules celles qui s'en tiennent à certaines traditions méritent d'être louées.

 

Le fait est que le contrecoup de ce qui s'est passé pendant ces décennies charnières était inévitable. La communauté agricole fait l'objet de toute une série de critiques – consolidation, diminution du nombre d'exploitations, augmentation de la superficie et obstacles importants à l'entrée dans le secteur – qui remontent directement à la crise agricole des années 1980.

 

Il n'y a pas de héros ou de méchants dans cette histoire – c'est simplement une question d'histoire. Nous devons maintenant faire ce que nous pouvons avec le paysage dont nous disposons pour un avenir meilleur. L'utiliserons-nous à bon escient ?

 

_____________

 

Jaclyn Krymowski est diplômée de l'Université d'État de l'Ohio, avec une spécialisation en industries animales et une spécialisation en communications agricoles. Elle est une « agvocate » enthousiaste, rédactrice indépendante professionnelle, et tient un blog sur the-herdbook.com.

 

Source : Historical reflections on the 1980s' U.S. farm crisis | AGDAILY

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