Point de vue : « Absurdité à la mode » – L'impact mortel de la « soumission à l'esprit politique du monde universitaire » en biomédecine
Alex Berezow*
En août 2018, The Lancet a publié un curieux article qui rappelle l'époque longtemps oubliée de la prohibition en Amérique. La recherche est arrivée à une conclusion remarquable : il n'y a pas de niveau sûr de consommation d'alcool.
En grande partie un produit de l'Institute for Health Metrics and Evaluation de l'Université de Washington (qui a récemment sali sa réputation en promouvant des modèles Covid très imprécis), la conclusion allait à l'encontre du bon sens et de la littérature scientifique. En particulier, elle contredit également les données de l'étude elle-même. La figure 5 de l'étude, reproduite ci-dessous, montre clairement qu'il n'y a pas de différence significative dans les résultats de santé (mesurés en termes de risque relatif sur l'axe des ordonnées) entre les personnes qui ne boivent pas du tout et celles qui prennent un verre par jour.
La raison pour laquelle un article de recherche arrive à une conclusion qui n'est pas soutenue par ses propres données serait déroutante si les auteurs (à leur crédit ?) n'avaient pas énoncé leur motivation dès le départ : « Ces résultats suggèrent que les politiques de contrôle de l'alcool pourraient devoir être révisées à l'échelle mondiale, en se recentrant sur les efforts visant à réduire la consommation globale au niveau de la population. » En d'autres termes, les auteurs sont en mission sacrée ; que les données la soutiennent est une préoccupation secondaire.
L'étude du Lancet est révélatrice d'une tendance plus large dans les revues scientifiques, à savoir une prévalence croissante des absurdités à la mode qui ne sont pas soutenues par la recherche mais par l'idéologie. Les revues scientifiques sont censées être les gardiennes de faits objectifs, et non les meneuses de croisades morales ou d'idéologies à la mode. Une revue médicale – ou toute autre revue scientifique – ne devrait pas se plier au Zeitgeist, à l'air du temps du monde universitaire. Pourtant, de plus en plus, c'est exactement ce qu'elles font. C'est dangereux. Et nous pouvons nous tourner vers un ouvrage de référence pour comprendre pourquoi cela se produit.
En 1999, les physiciens Alan Sokal (célèbre pour le canular de Sokal) et Jean Bricmont ont publié un livre intitulé Fashionable Nonsense : Postmodern Intellectuals' Abuse of Science (Impostures intellectuelles, Odile Jacob éd.). Leur thèse était qu'une partie du monde universitaire, généralement dans le domaine des sciences humaines et sociales, avait adopté le postmodernisme, une philosophie qu'ils définissaient comme suit :
« De vastes secteurs des études littéraires et des sciences humaines semblent s'être convertis à ce que nous appellerons, pour simplifier, le "postmodernisme", un courant intellectuel caractérisé par le rejet plus ou moins explicite de la tradition rationaliste des Lumières, par des élaborations théoriques indépendantes de tout test empirique, et par un relativisme cognitif et culturel qui traite les sciences comme des "narrations" ou des constructions sociales parmi d'autres. »
Si l'on s'en tient à leur définition, un bon exemple d'absurdité à la mode nous vient du gourou de l'auto-assistance Deepak Chopra, qui a écrit un livre intitulé Quantum Healing (médecine quantique) – un terme qui semble érudit mais qui n'est qu'un charabia complet. Le mot « quantique » est souvent utilisé en physique des particules pour désigner les différences minimales entre les niveaux d'énergie, mais il n'a aucune utilité en médecine. Combiner les deux est un non-sens, comme si l'on épatait un public avec un terme comme « génétique gravitationnelle ».
Plus de deux décennies après la publication du livre de Sokal et Bricmont, le problème s'est aggravé de façon exponentielle. Au lieu de se contenter d'adopter le langage de la science de manière inappropriée, le postmodernisme – dont l'indéfinissabilité inhérente semble être une caractéristique plutôt qu'un bug – a envahi l'establishment scientifique lui-même. Les « absurdités à la mode » que Sokal et Bricmont avaient identifiées à l'origine ont muté et se sont développées pour englober un large éventail de problèmes, allant de l'emballement (suivisme) cynique aux changements orwelliens de notre vocabulaire.
La manipulation des données de santé publique est loin d'être le seul exemple d'absurdité à la mode. Un autre aspect inquiétant est le contrôle du vocabulaire scientifique d'une manière qui, au mieux, prête à confusion et, au pire, est orwellienne.
Le 25 septembre de cette année, The Lancet a publié un numéro qui cherchait à juste titre à attirer l'attention sur la santé des femmes, un sujet qui a un long passé peu glorieux dû au fait que, pendant des millénaires, la médecine a été dominée par les hommes. La couverture, qui consistait principalement en une page blanche vierge, portait le texte suivant : « Historiquement, l'anatomie et la physiologie des corps dotés de vagins ont été négligées ».
Crédit : The Lancet (numéro du 25 septembre 2021)
Cette citation, tirée d'un article qui utilisait encore le mot « femmes », a néanmoins déclenché une tempête. Les critiques ont affirmé que les femmes étaient « déshumanisées » et réduites à des parties du corps, ce qui n'est jamais le cas des hommes. Personne, par exemple, ne parle des hommes comme de « corps avec un pénis ». Le tollé était tel que le Dr. Richard Horton, rédacteur en chef, s'est senti obligé de publier une explication et des pseudo-excuses.
Dans sa déclaration, Horton a expliqué que la citation se voulait inclusive et qu'elle était un « appel pressant à l'autonomisation des femmes, ainsi que des personnes non binaires, trans et intersexes qui ont connu les menstruations, et à la lutte contre les mythes et les tabous qui entourent les menstruations ». L'inclusion est un objectif nécessaire et admirable, tout comme le fait de dissiper les tabous relatifs à la physiologie féminine. Toutefois, cela exige une clarté de pensée et une communication avisée. Refuser de mettre en avant la « santé des femmes » lorsque l'objectif apparent est de mettre en avant la santé des femmes, c'est vraiment manquer la cible. Cela sape également l'exhortation de Horton selon laquelle « les questions sérieuses [...] exigent des actions sérieuses ». Dans ces circonstances, il est difficile de prendre au sérieux The Lancet, qui contrecarre son propre objectif. C'est mauvais non seulement pour The Lancet mais aussi pour l'ensemble de la communauté biomédicale.
Lorsque Sokal et Bricmont ont écrit leur livre, les absurdités à la mode qu'ils déploraient semblaient largement limitées aux abus des sciences humaines et sociales. Mais cette nouvelle absurdité à la mode a infecté d'autres secteurs du campus, notamment la santé publique. Dans le même temps, cette tendance menace de plus en plus la société dans son ensemble. C'est une chose de publier une absurdité à la mode dans une revue d'histoire de l'art, c'est une question de vie ou de mort lorsqu'elle est publiée dans une revue médicale.
Pourquoi ? Parce que les responsables de la santé publique utilisent les revues médicales pour guider leurs décisions. Les médecins aussi. Les journalistes diffusent les conclusions des recherches publiées auprès du grand public. Et si le public en vient à croire qu'il ne peut pas faire confiance aux revues médicales sur les sujets faciles – comme les conseils sur la consommation d'alcool – alors pourquoi s'attendre à ce que les gens leur fassent confiance sur quoi que ce soit, comme la sécurité des vaccins ROR et Covid ? Le problème de crédibilité auquel est confronté l'establishment biomédical et de santé publique est, au moins en partie, un produit de sa propre fabrication.
______________
* Le Dr Alex Berezow a rejoint l'American Council on Science and Health ( ACSH – conseil américain des sciences et de la santé) en tant que Senior Fellow pour les sciences biomédicales en mai 2016. Il est un auteur prolifique dont les articles ont paru dans de nombreuses publications. Il est l'auteur ou le co-auteur de trois ouvrages : The Next Plague and How Science Will Stop It (la prochaine épidémie et comment la science l'arrêtera, 2018), Little Black Book of Junk Science (le petit livre noir de la science poubelle, 2017), et Science Left Behind (la science laissée pour compte, 2012).
Une version de cet article a été publiée à l'origine ici.