« Nous » exportons des néonicotinoïdes... un scandale... vraiment ?
C'est devenu un marronnier pour l'entreprise suisse Public Eye (ex-Déclaration de Berne) incorporée sous forme d'association et son compère Unearthed, une succursale britannique, en principe de recherche, de la multinationale Greenpeace. Voir sur ce site ici et ici.
Sauf erreur, c'est la troisième édition d'un coup publicitaire très efficace grâce, notamment, aux relais médiatiques idiots utiles, complaisants ou carrément complices : des entreprises de l'Union Européenne, suisse (enfin, en mains chinoises) et maintenant, après le Brexit, britanniques produisent et exportent vers des pays tiers des pesticides « interdits » en Europe.
Devinez la nature de ces entreprises, forcément « agrochimiques »... si vous n'avez pas coché la case « multinationales », vous avez perdu.
Après les pesticides en général et l'atrazine, voici donc les néonicotinoïdes.
Pour Public Eye, c'est : « L’UE exporte des milliers de tonnes de "tueurs d’abeilles" interdits sur son sol ». Pour Unearthed, c'est : « Revealed: Europe and the UK’s vast shipments of banned, bee-killing ‘neonics’ » (révélé : les vastes expéditions européennes et britanniques de "néonics" interdits et tueurs d'abeilles).
L'« information » a été complaisamment relayée, le même jour, par des médias amis, tels le Monde – en l'occurrence de M. Stéphane Mandard – avec « L’Europe exporte des milliers de tonnes de pesticides "tueurs d’abeilles" pourtant interdits sur son sol », ou encore FranceTVInfo avec « Néonicotinoïdes : l’ONG suisse Public Eye alerte sur "une situation d'hypocrisie politique" ».
Nous n'entrerons pas dans la rhétorique de ces organisations, malgré les perles qu'elles contiennent. Ce qui est lu, c'est la presse et non les « rapports » et communiqués de ces deux entités.
Les détails du « scandale » sont donnés ici.
(Source)
Le Monde écrit :
« Depuis 2018, l’Union européenne (UE) interdit sur son sol l’usage de trois insecticides néonicotinoïdes (l’imidaclopride, le thiaméthoxame et la clothianidine), considérés comme des "tueurs d’abeilles" et une grave menace pour la biodiversité. Pourtant, une quinzaine de pays, dont la France, accordent toujours des dérogations temporaires, en particulier aux producteurs de betteraves sucrières. Surtout, l’UE continue à produire et à exporter massivement ces pesticides ultratoxiques dont elle ne veut plus dans ses champs.
Une enquête publiée jeudi 18 novembre, et à laquelle Le Monde a eu accès, révèle l’ampleur de ce commerce. Selon les données confidentielles obtenues par Unearthed, la cellule investigation de la branche britannique de Greenpeace et l’association suisse Public Eye, les autorités européennes ont donné leur feu vert aux demandes d’exportation d’environ 4 000 tonnes de pesticides, contenant plus de 700 tonnes de substances actives d’imidaclopride, de thiaméthoxame et de clothianidine. Suffisant pour traiter 20 millions d’hectares de cultures, soit plus que l’ensemble des terres arables en France, et tuer 100 millions de milliards d’abeilles selon les valeurs de toxicité de référence. Un tonnage impressionnant, mais largement sous-estimé, puisqu’il ne correspond qu’à la période entre le 1er septembre et le 31 décembre 2020.
La mise en condition – les « tueurs d’abeilles »", la « grave menace pour la biodiversité », les « pesticides ultratoxiques » – est un peu bancale : on n'en veut plus dans nos champs, est-il dit, mais on accorde des dérogations temporaires de 180 jours, après avoir dû admettre qu'ils étaient indispensables pour des cultures de betteraves à sucre productives et protégées contre un virus de quarantaine, celui de la jaunisse (voir « Néonicotinoïdes : l'EFSA fait la preuve de la chienlit réglementaire européenne »).
La mise en condition devient carrément grotesque quand on nous présente un calcul théorique du nombre d'abeilles potentiellement tuées par cette quantité de néonicotinoïdes...
M. Stéphane Foucart a « enfoncé le clou » de manière encore plus grotesque sur son compte Twitter.
C'est tout de même curieux... depuis qu'on utilise les néonicotinoïdes – pas seulement ceux exportés depuis l'Europe –, non seulement elles n'ont pas disparu, mais elles se portent plutôt bien selon les statistiques de la FAO.
Il va de soi que, sauf si on a affaire à un sagouin, ou à un accident, les insecticides sont utilisés de manière à protéger au mieux la faune non ciblée.
Et, par ailleurs, que s'ils sont exportés, c'est vers des pays qui les autorisent et qui leur trouvent des avantages, avec un rapport risques-bénéfices favorables – y compris par rapport à d'autres matières actives (et y compris des insecticides autorisés en agriculture biologique).
M. Stéphane Mandard évoque aussi complaisamment des « données confidentielles ». En réalité, ces données sont publiquement accessibles : il suffit de les demander. Mais que ne ferait-on pas pour faire mousser ces entreprises – oups ! Ces ONG – qui sont dans le camp du bien.
(Source)
FranceTVInfo patauge aussi dans la complaisance :
« Greenpeace et Public Eye dénoncent "une situation d'hypocrisie politique". "On a interdit l'utilisation sur toutes les cultures en plein air de ces trois substances extrêmement dangereuses, mais on continue à permettre à l'industrie de les exporter vers d'autres pays", pointe Géraldine Viret [porte-parole de Public Eye]. Une situation qui va changer en France, puisque le pays a prononcé une interdiction de ces exportations qui sera en vigueur à partir de 2022. Des discussions sur le sujet se font maintenant au sein de la Commission européenne.
Les ONG dénoncent un comportement hypocrite de la Commission avec "un double standard où on protège quelque part la santé humaine, l'environnement chez nous, mais on ferme les yeux sur l'exportation de ces substances et leurs effets vers des pays tiers."
Des discussions en automne 2020 ont abouti à la volonté de vouloir mettre un terme à ces exportations. "La position de la Commission européenne reste ambiguë", pour Géraldine Viret. "On espère vraiment que cette volonté résistera aux pressions des Etats membres qui sont dotés d'un puissant lobby des pesticides comme l'Allemagne."
Pour l'« hypocrisie politique », on ne peut qu'être d'accord, mais pas sur les mêmes bases. Les gens de Public Eye ne pouvaient pas ignorer que les interdictions ont été suivies de dérogations... la question s'est aussi posée en Suisse. On peut dès lors parler tout aussi bien d'une « hypocrisie activiste ».
L'activisme ne connaît pas de limite à son cynisme et sa mauvaise foi. Avec le concours au mieux complaisant des médias, il nous prend pour des blaireaux.
Dans le ring bruxellois, le « puissant lobby des pesticides » est plutôt un poids mouche face aux poids lourds que sont les lobbies – oups ! les groupes de plaidoyer anti-pesticides – et face à une Commission Européenne et un Parlement Européen branchés sur la « vertitude ».
La Commission a annoncé le 14 octobre 2020, dans « Pacte vert: la Commission adopte une nouvelle stratégie dans le domaine des produits chimiques, vers un environnement exempt de substances toxiques » :
« La Commission promouvra également les normes de sécurité et de durabilité à l'échelle mondiale, notamment en donnant l'exemple et en encourageant une approche cohérente visant à ce que les substances dangereuses interdites dans l'Union ne soient pas produites à des fins d'exportation.
La communication précise que c'est « y compris en modifiant la législation pertinente selon les besoins » (notre traduction).
Et la France – première élève de la classe – n'a-t-elle pas déjà programmé la fin des exportations ?
La bien-pensance européenne – dirons-nous dorénavant « continentale » – n'empêchera pas les pays tiers d'adopter des politiques moins hystériques en matière de protection des plantes, de santé publique et d'environnement (tout en étant in fine aussi protectrices de la santé et de l'environnement) et d'utiliser des produits de protection des plantes faisant le job.
Ces pays utilisent des matières actives qui peuvent être, en Europe, autorisées ou « non autorisées », c'est à dire, selon le cas : n'ayant pas fait l'objet d'une demande d'homologation – pour quelque raison que ce soit (par exemple une absence de marché, les plantes et ravageurs cibles n'étant pas présents en Europe) ; ou vraiment « interdites » par une décision de non-homologation, de non-renouvellement ou de retrait – y compris pour des motifs de procédure comme l'insuffisance du dossier présenté.
Le discours des activistes qui implique que tout ce qui n'est pas autorisé dans l'Union Européenne est dangereux pour la santé et l'environnement est donc terriblement réducteur.
Mais qu'à cela tienne. Les substances « indignes » seront simplement produites ailleurs. Tant mieux pour les économies des nouveaux pays producteurs. Tant pis pour la vieille et décadente Europe.
Ces substances seront produites ailleurs ? Peut-être dans des conditions qui poseront problème, par exemple du point de vue de la sécurité dans le processus de fabrication ou de la garantie que l'utilisateur obtiendra bien le produit souhaité et non une contrefaçon inefficace.
Tant pis pour eux. Les Européens pourront se draper dans la toge blanche de la vertu, et les activistes proclamer une grande avancée obtenue grâce à leur action déterminée.
Mais que ne ferions nous pas dans l'Union Européenne pour assouvir notre stupide et ignorante bien-pensance ?