Les sélectionneurs retournent dans le futur pour combattre la maladie de la pomme de terre la plus meurtrière au monde
Centre International de la Pomme de Terre (CIP)*
Le mildiou de la pomme de terre est la maladie de la pomme de terre la plus destructrice au monde et coûte 10 milliards de dollars aux pays en développement chaque année. Ce reportage du CIP@50 se penche sur une nouvelle approche rapide de la sélection de la pomme de terre qui rend les variétés préférées des agriculteurs résistantes au mildiou, ce qui pourrait augmenter les bénéfices d'au moins 40 % partout où la pomme de terre est cultivée. Le secret ? Les dernières méthodes biotechnologiques combinées à la plus vieille astuce de sélection, à savoir la récolte des gènes sauvages des lointains ancêtres de la pomme de terre.
« La pomme de terre est une source d'argent rapide. Si vous la cultivez, elle arrive rapidement à maturité. Elle est facile à vendre. Elle apporte des revenus. »
Pour M. Herbert Magara Nkuba, un producteur de pommes de terre ougandais, l'avenir s'annonce radieux. La demande pour ses pommes de terre Victoria augmente, notamment sur les marchés urbains lucratifs. Cependant, une maladie fongique destructrice – le mildiou – a pris racine dans son exploitation. Il n'est pas le seul dans ce cas. Le mildiou reste le principal obstacle auquel se heurtent les producteurs de pommes de terre depuis la famine qui a frappé l'Irlande dans les années 1840. Il coûte aux producteurs de pommes de terre des pays en développement environ 10 milliards de dollars par an au niveau mondial en pertes de récolte et en produits agrochimiques.
« En Ouganda, 300.000 agriculteurs dépendent de la pomme de terre pour générer des revenus et se nourrir. Le mildiou réduit considérablement les revenus des familles et présente des risques pour la santé humaine et environnementale », explique le Dr Eric Magembe, chercheur au Centre International de la Pomme de Terre (CIP). « Malheureusement, les variétés les plus populaires auprès des agriculteurs et des consommateurs, comme la Victoria, y sont particulièrement sensibles. »
Les efforts déployés par les petits exploitants pour lutter contre les épidémies à l'aide de fongicides sont souvent inefficaces. « Certains agriculteurs font 12 traitements en une saison, ce qui leur coûte un quart de la valeur totale de leur récolte », explique M. Abel Arinaitwe, chargé de recherche à l'Organisation Nationale de Recherche Agricole de l'Ouganda (NARO). « Pour économiser de l'argent, ils peuvent utiliser moins de traitements qu'ils ne le devraient, ou attendre que le mildiou apparaisse. À ce moment-là, il est trop tard et les épidémies peuvent détruire 60 % de la récolte d'un agriculteur. En plus de cela, de nombreux agriculteurs n'utilisent pas d'équipement de protection. »
Les scientifiques du CIP se sont mis au travail pour rendre la Victoria résistante au mildiou en prenant trois gènes de résistance provenant de parents sauvages mexicains et argentins de la pomme de terre et en transférant ces gènes dans cinq variétés de pommes de terre préférées des agriculteurs, et utilisées dans toute l'Afrique subsaharienne, y compris la Victoria.
Les plantes sauvages apparentées aux cultures sont génétiquement liées aux cultures domestiquées. Négligées par l'Homme, elles continuent d'évoluer dans la nature, développant des caractéristiques telles que la tolérance à la sécheresse ou la résistance à des parasites. Elles sont appréciées par les agriculteurs depuis les débuts de l'agriculture comme sources de traits permettant de produire de nouvelles variétés à l'aide des méthodes de sélection traditionnelles.
« Comme l'agent pathogène évolue continuellement, nous devions agir rapidement », explique le Dr Marc Ghislain, biotechnologue principal au CIP. « La sélection conventionnelle est tout simplement trop lente. La biotechnologie permet de mettre des variétés dans les champs des agriculteurs beaucoup plus rapidement. En trois ans seulement, nous avons amélioré la variété Victoria – appelée 3R Victoria [pour la version améliorée] – qui peut désormais pousser sans une seule pulvérisation de fongicide. »
Pour qu'elles soient adoptées, il est également essentiel que les variétés améliorées conservent les caractéristiques des anciennes.
« Nous avons amené les agriculteurs aux essais sur le terrain pour qu'ils puissent voir les différences entre les variétés biotechnologiques et la variété originale de Victoria », poursuit M. Ghislain. « La première série de plantes était verte et saine, tandis que la seconde était complètement morte. Les agriculteurs étaient impressionnés et heureux de pouvoir reconnaître des caractéristiques familières – de la forme des tubercules à la couleur de la peau. C'était la variété à laquelle ils étaient habitués. »
Les experts estiment que le taux d'adoption pourrait atteindre le chiffre impressionnant de 50 % au cours des 15 prochaines années. Les agriculteurs seront libres d'accéder aux variétés améliorées comme ils le font actuellement, en conservant ou en échangeant des semences avec leurs voisins, ou en les achetant auprès de fournisseurs locaux.
Les agricultrices seront également davantage incitées à adopter des variétés résistantes au mildiou. « En supprimant le besoin de pesticides, la culture des pommes de terre est moins coûteuse et moins laborieuse pour les femmes. Elles pourront se remettre à la production et gagner de l'argent pour couvrir des coûts tels que les frais de scolarité et les soins de santé », explique le Dr Barbara Zawedde, coordinatrice du Centre Ougandais d'Information sur les Biosciences.
Parallèlement aux travaux menés en Ouganda, les variétés améliorées seront testées et diffusées après approbation réglementaire en Éthiopie et au Nigeria. En Afrique subsaharienne, comme dans une grande partie du monde, l'acceptation des cultures créées à l'aide de nouvelles biotechnologies n'est pas encore uniforme, même si la plupart des pays les testent en laboratoire, dans des serres et sur le terrain.
Les technologies du génie génétique représentent un outil essentiel dans le cadre d'une approche beaucoup plus large des systèmes alimentaires adoptée par le CIP au profit de plus de 2 millions d'agriculteurs en Afrique et en Asie. Les innovations visant à augmenter les rendements et les revenus comprennent les semences de pomme de terre de qualité, la gestion améliorée des cultures et les actions sur la chaîne de valeur. La sélection accélérée est un outil qui sera la pierre angulaire de la stratégie de recherche et d'innovation rafraîchie de One CGIAR pour transformer les systèmes alimentaires, terrestres et hydriques, dans le cadre de la crise climatique.
Comme le résume M. Arinaitwe : « Pour moi, ce sera un jour merveilleux lorsque ces pommes de terre arriveront dans les mains des agriculteurs. »
Les gènes de résistance issus de Solanum bulbocastanum et Solanum venturi ont été identifiés et isolés par des scientifiques travaillant à l'Université du Wisconsin, à l'Université et Recherche de Wageningen, et au Laboratoire Sainsbury.
(Source)
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