Checkons CheckNews de Libération sur le spamming de la consultation de la Commission sur les « OGM » et « NGT »
(Source)
L'équipe de CheckNews de Libération a produit un « Le groupe des Verts au Parlement européen a-t-il organisé une campagne de «spams» contre une consultation sur les OGM ? » très laborieux.
Rappelons que la consultation sur la « législation applicable aux végétaux produits à l’aide de certaines nouvelles techniques génomiques », qui a duré un mois et s'est close le 22 octobre 2021, .était fondée sur le résumé suivant des propositions ou intentions de la Commission :
« Cette initiative vise à proposer un cadre juridique applicable aux plantes obtenues par mutagénèse ciblée et par cisgénèse ainsi qu’aux produits destinés à l’alimentation humaine et animale qui contiennent de telles plantes. Elle se fonde sur les conclusions d’une étude de la Commission concernant les nouvelles techniques génomiques.
L’objectif est de maintenir un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale ainsi que de l’environnement, de permettre l’innovation dans le système agroalimentaire et de contribuer aux objectifs du pacte vert pour l’Europe et de la stratégie "De la ferme à la table". »
En résumé : dites-moi ce que je dois faire.
Le point de départ : un article de Welt am Sonntag
Le groupe des Verts/ALE a mis en place – avec d'autres comme Greenpeace – une page web avec discours alarmiste de mis en condition/propagande et un outil permettant d'envoyer par leur entremise une contribution pré-rédigée ou modifiée à la consultation.
CheckNews prend appui sur un article (non référencé) de « Welt », en fait Welt am Sonntag et écrit en particulier :
« Interrogé par Welt, l’eurodéputé conservateur Stefan Berger a qualifié cette action de "campagne agressive" et de "vague de spams", poursuivant sur Twitter qu’elle est "inacceptable et irresponsable" puisque le "spam a été financé par l’argent des contribuables". Très remonté, l’élu allemand estime que "lorsqu’un groupe politique appelle à spammer les procédures de consultation, il affaiblit la législation européenne. Une institution européenne entraîne l’autre ad absurdum – les Verts ont rendu un mauvais service à l’Europe". »
Heureusement qu'il y a des eurodéputés et des journeaux allemands pour mettre la plume dans la plaie.
Pas de commentaire sur le dévoiement de la démocratie
CheckNews livre, certes, des informations, mais tourne autour du pot.
Non, il n'y aura pas de commentaire sur la touche finale de leur résumé de l'article de Welt am Sonntag.
Pourtant, cette action des Verts ouvre la voie à des actions similaires d'autres partis, justifiées par « me quoque » (moi aussi). Imaginez... non, pas d'exemple du paysage ou du champ de ruines politique français. Imaginez alors le parti Droit et Justice (PiS) polonais organiser une manœuvre similaire en faveur de la thèse de la prééminence de la Constitution nationale sur les traités européens...
Que des entités dont le fond de commerce est le trafic de peurs et d'indignations montent une telle opération est dans la nature des choses (des campagnes de réponses préformatées ont aussi été lancées au Royaume Uni). Pour un parti, en revanche...
En d'autres temps, on imposait ou tentait d'imposer ses vues en faisant défiler ses adeptes, par exemple avec une chemise de couleur particulière ; maintenant on fait défiler des pages de « contributions » pré-rédigées sur l'écran d'un ordinateur.
Il manque les réponses claires, celles qu'on est en droit d'attendre à la lecture du titre : oui, les Verts ont spammé la consultation ; oui, ils ont acheté un outil, et apparemment aussi des services ; oui, ils ont l'intention, du moins en principe, de recommencer.
Il y a tout de même des informations intéressantes.
Les Verts ont bien acheté... « commandé » :
« Contactée par CheckNews, Pia Kohorst, attachée de presse des Verts /ALE au Parlement européen, confirme que le groupe a utilisé l’outil qu’il a commandé à Fix The Status Quo "car il facilite la possibilité pour les citoyens de participer aux procédures de consultation de la Commission européenne". L’outil a su démontrer son efficacité puisqu’elle indique que "le prestataire de services nous a informés de plus de 69 000 contributions". »
On admirera aussi l'entourloupe de l'auteur de l'article :
« Si l’outil de Fix The Status Quo est bien responsable de la grande majorité des participations, l’agence et ses commanditaires du groupe parlementaire des Verts/ALE réfutent les accusations de spams. "Ce n’était pas des contributions automatisées", se défend Xavier Dutoit [...] »
Co-fondateur de Fix The Status Quo, M. Xavier Dutoit ne pouvait pas s'exprimer au nom de ses commanditaires.
Et la défense est légèrement pourrie. Selon Wikipedia :
« Le spam, courriel indésirable ou pourriel est une communication électronique non sollicitée, en premier lieu via le courrier électronique. Il s'agit en général d'envois en grande quantité effectués à des fins publicitaires. »
Les envois en grande quantité...
Les commanditaires avancent une curieuse théorie :
« Auprès de Welt, Pia Kohorst estime que "l’accusation selon laquelle la Commission a été spammée avec des textes préfabriqués n’est pas vraie" puisqu’elle "a examiné et accepté les réactions reçues" et que "les participants pouvaient également modifier les modules de texte proposés ou les supprimer complètement et écrire les leurs" [...]. »
Les fact-checkeurs de Libération ont reproduit l'argument tel quel. Ils ajoutent même :
« […] Et ce même s’il apparaît, comme Welt l’a remarqué, que de nombreux messages sont identiques à tout ou partie des modèles proposés. »
De « nombreux messages sont identiques »... mais ce n'est pas du spam... Bravo les fact-checkeurs !
Nous n'avons pas la réponse pour le fonctionnement de l'outil à partir du site des Verts/ALE. Mais ily a tout lieu de croire qu'il était le même que pour Greenpeace.
Nous avons la preuve qu'on pouvait modifier le texte à sa convenance (c'est notamment la contribution de Jules César)... Mais nous avons aussi la preuve que le texte ne parvenait pas à la Commission s'il ne convenait pas aux organisateurs de l'opération de spamming.
(Source)
(Source)
Quel mot du vocabulaire du Code Pénal qualifie ce procédé, un service prétendument rendu, qui ne l'est pas dans certaines circonstances ?
« Dans un premier temps, la Commission européenne demande aux Européens de commenter ce plan. On vous facilite la tâche : il vous suffit de remplir le formulaire et nous veillerons à ce que votre commentaire parvienne à la Commission européenne. »
C'est là que le texte en petits caractères en bas du formulaire prend tout sa saveur :
« En soumettant vos informations, vous acceptez l’utilisation des données et des cookies conformément à notre politique de confidentialité. Votre nom et votre message peuvent être publiés sur le site web de la Commission européenne. La Commission stockera vos données conformément à ses propres dispositions en matière de protection des données personnelles
« Votre nom et votre message peuvent NE PAS être publiés... » ? Ben oui, si le message modifié n'est pas le « bon »...
Peut-on espérer que des juristes de la Commission se pencheront sur ce qui constitue un autre aspect de la manipulation ? Y aura-t-il un eurodéputé pour soulever la question au Parlement Européen ?
En tout cas, CheckNews n'a pas cru bon de saisir la balle de M. Erwan G. au bond. Son article, en dernière analyse, relève de la tisane sédative.
Le texte proposé aux militants ne brille pas par sa précision. Est-ce volontaire ?
« Conformément à la réglementation de l'UE sur les OGM, toutes les cultures génétiquement modifiées doivent être testées pour détecter tout impact négatif sur la santé publique et l'environnement, être étiquetées comme OGM et être traçables. Les agriculteurs, les producteurs de denrées alimentaires, les détaillants et les consommateurs comptent sur ces informations pour pouvoir éviter les aliments génétiquement modifiés.
La circonstancielle initiale est fausse dans le contexte, puisque la directive 2001/18 prévoit des exceptions aux obligations qu'elle prévoit.
Oublions-la pour le moment : les Verts/ALE et leurs amis exigent-ils que « toutes les cultures génétiquement modifiées doivent être testées », etc. ? Y compris celles qui sont actuellement exemptées ?
Sont-ils prêts aussi à s'investir pour faire appliquer la « définition » des OGM de la directive 201/18 à l'agriculture biologique ? Faire interdire la culture des variétés de certaines espèces, issues de la mutagenèse aléatoire ou dérivées de telles variétés, ou, à titre de précaution, ne permettre la culture que de celles qui sont vieilles de quelque 70 ans ?