La fille du fermier : Le rapport du Fond Mondial pour la Nature (WWF) passe à côté de l'essentiel tout en dénigrant les agriculteurs (aux USA)
Amanda Zaluckyj, AGDAILY*
Image : USFWS Mountain-Prairie
Mon mentor au travail me dit souvent que « tout va à vau-l'eau ». Elle fait généralement référence à de vieux dossiers contenant des réclamations périmées, des travaux non facturables et des missions désagréables. Et elle plaisante généralement. La responsabilité est censée s'arrêter au sommet, non ?
Mais j'ai de plus en plus l'impression que ce mantra est en fait vrai lorsqu'il s'agit d'agriculture. Les agriculteurs sont toujours en faute. Et si nous pouvions seulement les amener à cesser de penser uniquement aux profits, nous pourrions peut-être résoudre les plus grands problèmes du monde.
Le rapport « Plowprint 2021 » du Fonds Mondial pour la Nature (WWF) en est la preuve. D'après leurs données, un million d'hectares supplémentaires de prairies intactes ont été convertis en cultures en 2019 [en Amérique du Nord]. Selon le WWF, les agriculteurs ont labouré ces terres pour cultiver du blé, du maïs et du soja. Le communiqué de presse du WWF dénonce les pratiques agricoles « destructrices ». Il suggère de créer une législation qui protégerait les prairies de la même manière que nous protégeons actuellement les zones humides, de réduire la disponibilité de l'assurance récolte pour les prairies, et de faire pression sur les entreprises pour qu'elles protègent les prairies à travers leurs chaînes d'approvisionnement.
Mais l'utilisation des terres est un sujet complexe, et il est difficile de faire des généralisations aussi radicales. Les agriculteurs mettraient-ils en culture de vastes étendues de prairies uniquement parce qu'ils sont cupides et n'ont aucun respect pour l'environnement? C'est peu probable. Je ne dis pas que les chiffres du WWF sont faux, mais je pense que l'histoire pourrait être plus complexe.
Selon l'American Farmland Trust, les États-Unis perdent chaque jour 800 hectares de terres agricoles au profit du développement. Si vous avez besoin d'une perspective, ma famille exploite un peu plus de 800 hectares. C'est ce que nous perdons. Chaque jour. Jour après jour.
Pour analyser réellement les affirmations du WWF et déterminer si les solutions qu'il propose sont efficaces, nous devons avoir une meilleure idée de ce qui se passe réellement. Ces terres étaient-elles auparavant cultivées et ont-elles été retirées de la rotation pour des raisons de conservation ? Peut-être les agriculteurs ont-ils dû labourer de nouvelles prairies parce qu'ils ont perdu d'autres terres au profit du développement urbain. Imaginez que ces agriculteurs n'aient pas d'autre choix : retourner des prairies ou faire faillite. Le fait est que nous ne savons pas vraiment. Les déclarations générales ne sont donc d'aucune utilité.
Pourtant, notre société semble toujours blâmer les agriculteurs et accuser l'agriculture de changer. Prenez le changement climatique. On nous dit que le changement climatique est une menace existentielle. Nous savons que les émissions de gaz à effet de serre proviennent principalement – à 54 % – des transports et de l'électricité. Alors pourquoi mettre l'accent sur le changement de l'agriculture, qui n'en produit que 10 % ? Selon le discours populaire, nous sommes censés pratiquer une agriculture différente, renoncer à la viande et aux produits laitiers et nous concentrer sur la séquestration du carbone.
La réponse me semble évidente : parce que c'est facile. Contrairement à la plupart des industries modernes, l'agriculture semble très simple. Il suffit de prendre une graine, de la mettre en terre, d'ajouter de l'eau et, très vite, on obtient une récolte. Comparez cela aux complexités de la création d'une application pour smartphone, de la conception d'une centrale nucléaire ou de l'envoi de personnes dans l'espace. Ces choses sont difficiles en comparaison.
C'est aussi un moyen facile pour les gens ordinaires de participer. Si l'on nous dit que l'agriculture régénératrice va sauver le monde, nous pouvons simplement choisir des aliments portant ce label. Tout d'un coup, nous passons du statut d'opposant à l'environnement à celui de combattant de la justice environnementale ! Ainsi, les conclusions faciles, les statistiques dévastatrices et l'action passive sont la voie à suivre.
Au fait, si vous vous posez la question, le WWF intervient également sur d'autres questions agricoles qui ont un rapport étrange avec ce dernier rapport. Il ne soutient ni n'approuve l'utilisation des OGM, même si l'adoption de ces derniers réduit les émissions de carbone. Et il encourage les gens à passer à un régime végan pour réduire l'empreinte carbone de chacun (même si ce changement ne ferait qu'une différence minime). Encore une fois, il est amusant de constater que le WWF affirme se préoccuper de l'environnement et du changement climatique, mais que sa position sur l'agriculture moderne semble suggérer le contraire.
Les agriculteurs sont désireux et capables de relever les défis de notre époque. En fait, l'ensemble du secteur est devenu incroyablement plus efficace, plus performant et plus respectueux de l'environnement au cours des quelque cinquante dernières années. Mais les agriculteurs ne devraient pas avoir à porter le fardeau de sauver le monde, tout en étant accusés de ses problèmes.
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* Amanda Zaluckyj tient un blog sous le nom The Farmer's Daughter USA. Son objectif est de promouvoir les agriculteurs et de lutter contre la désinformation qui tourbillonne autour de l'industrie agroalimentaire américaine.
Source : World Wildlife Fund report misses the point while bashing farmers | AGDAILY