L'été de ma résilience – annus horribilis dans l'État de Washington
Mark Wagoner*
Au moins, les couchers de soleil étaient beaux.
C'est le mieux que je puisse dire de l'été 2021. Ici, dans l'État de Washington, nous avons eu l'impression de vivre dans un enfer. La pluie n'est pas tombée, les températures ont grimpé en flèche et la fumée a obscurci notre ciel.
Pour un agriculteur comme moi, ce mélange a présenté une série de défis difficiles à relever et a exigé une dose supplémentaire de résilience.
Le point le plus bas pour moi a probablement été atteint le 20 juin. La chaleur a culminé à 118 degrés Fahrenheit (48°C). J'étais malade depuis quelques jours et je savais qu'il faisait trop chaud pour travailler. Pourtant, certains travaux ne peuvent pas attendre. Ils doivent être faits.
J'étais donc là, dans la chaleur étouffante de l'extérieur, à aider à ramasser un tas de pois versés dans une chargeuse. J'ai commencé à me sentir étourdi et j'ai réalisé que je souffrais d'épuisement dû à la chaleur.
Je me suis mis au frais et je me suis donné le temps de récupérer. Je n'ai pas eu d'autre épisode d'épuisement par la chaleur, mais à la réflexion, ce moment a été comme une métaphore : tout l'été a été chaud et épuisant.
Depuis que je suis agriculteur – j'ai commencé dans les années 1970 – j'ai connu beaucoup de mauvais temps. En 1977, nous avons eu la pire sécheresse que j'ai jamais vue. En 1992, nous avons perdu l'accès à notre eau d'irrigation en mai, la période de l'année où nos cultures ont le plus besoin de cette eau. L'année dernière, la fumée des incendies de forêt était mauvaise à un point que je n'avais jamais vu.
Cette année, cependant, notre misère a atteint une sorte de vigueur hybride.
La sécheresse a commencé au printemps. Nous n'avons pratiquement pas eu de pluie en mars, avril et mai. C'est à ce moment que beaucoup de nos cultures germent. Elles ont besoin d'eau pour pousser.
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Nous irriguons nos champs, ce qui signifie que même s'il ne pleut pas, nous pouvons toujours approvisionner nos champs en eau. Pourtant, nous avions des semaines de retard sur notre calendrier normal. Un gel intense en avril a également fait mal, nous faisant prendre encore plus de retard.
Les agriculteurs n'aiment pas être en retard au printemps, mais nous sommes tributaires de la météo et nous ne pouvons que nous adapter. Et un bon été peut compenser un mauvais printemps.
Vers la mi-juin, notre luzerne semblait prometteuse. Puis nous avons perdu l'accès à la source de notre eau d'irrigation. La rivière Walla Walla était tombée si bas que son eau ne pouvait plus alimenter les fermes. Au même moment, les températures ont grimpé. Pendant environ deux mois, elles ont atteint les trois chiffres (supérieur à 38°C) tous les jours.
La luzerne était sévèrement stressée le 4 juillet.
Les plantes ne peuvent pas pousser dans cette chaleur accablante, et les gens ne doivent pas travailler. Pendant une grande partie de l'été, nous avons ordonné à nos employés de ne pas travailler l'après-midi, lorsque les températures étaient les plus élevées.
Plutôt que de respecter les horaires habituels d'une journée normale, nous avons travaillé en équipes du matin et du soir. Je n'ai jamais été aussi reconnaissant envers les cabines climatisées des équipements agricoles. Il faisait toujours incroyablement chaud, mais nous avons échappé au pire.
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Je ne peux pas en dire autant de nos abeilles coupeuses de feuilles (mégachiles). Nous dépendons de ces pollinisateurs, ainsi que des abeilles des terres alcalines (Nomia melanderi), pour produire nos graines de luzerne. Chaque année, nous faisons venir les abeilles coupeuses de feuilles du Canada, les plaçons dans le champ la première semaine de juin et les laissons faire leur travail. Cette année, cependant, la chaleur les a brutalisées. L'abeille coupeuse de feuilles exige une gestion intensive et nous avons essayé tout ce que nous pouvions, notamment en attendant que le temps se rafraîchisse et en les gardant dans une chambre froide. Finalement, nous avons pu les mettre dans les champs et la plupart des abeilles ont survécu, mais malheureusement, la pollinisation a été très faible.
La fumée des feux de forêt est arrivée en juillet. Elle a rendu le ciel gris et bloqué la lumière du soleil – une autre chose dont les cultures ont besoin pour se développer.
Vers la mi-août, le pire était passé. Nous avons récolté ce que nous avons pu. Nous avions fait de notre mieux pour maintenir nos cultures en vie, mais il semble que nos rendements aient baissé d'environ 30 %.
Nous ne ferons pas d'argent cette année.
J'avais l'intention de remplacer mon tracteur cette année. Ce projet est maintenant suspendu jusqu'à l'année prochaine.
Mais c'est ainsi que va l'agriculture : des hauts et des bas au milieu d'un grand nombre d'années moyennes. Si vous faites bien votre travail, vous êtes prêt pour les années de vaches maigres. Elles ne vous surprennent pas. Elles font partie de la vie d'un agriculteur et des cycles de production agricole.
On ne sait jamais ce qu'on va avoir. Il y a cinq ans, notre plus gros problème était l'excès de pluie.
Une chose est sûre : on ne peut pas lutter contre Mère Nature. Il faut juste accepter ce qu'elle fait, s'adapter comme on peut et être résilient.
Et si la fumée transforme les couchers de soleil en une couleur orange d'un autre monde, comme dans un film de science-fiction, profitez-en tant que vous le pouvez.
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* Mark Wagoner, agriculteur, État de Washington, USA
Mark Wagoner est un agriculteur familial de troisième génération dans le sud-est de l'État de Washington où il produit des semences de luzerne pour quatre grandes entreprises de semences. S'appuyant sur l'abeille alcaline, une abeille indigène qui niche au sol, et sur les mégachiles pour la pollinisation, Mark travaille avec la National Alfalfa and Forage Alliance et l'Agence de Protection de l'Environnement (EPA) pour s'assurer que des insecticides sûrs et efficaces soient disponibles pour être utilisés pendant le vol des abeilles. Mark est membre bénévole du conseil d'administration du Réseau Mondial d'Agriculteurs (Global Farmer Network) et de nombreux autres conseils s'occupant des questions relatives à l'eau et à l'utilisation des terres. Il travaille avec diligence à l'élaboration et à la mise en œuvre de stratégies de coexistence pour les productions conventionnelle, biologique et génétiquement améliorée de luzerne.
Source: The Summer of My Resilience – Global Farmer Network