Consultation sur la législation « OGM-NGT » : La démocratie saBOTée
Schillipaeppa*
Photo : Markus Spiske/Unsplash
En amont des procédures législatives, l'UE demande régulièrement l'avis de ses citoyens et des parties prenantes. En principe, tout le monde peut participer à ces consultations, y compris les citoyens non européens. Une consultation sur les nouvelles technologies d'amélioration des plantes se termine [le 22 octobre 2021]. Le groupe des Verts/Alliance Libre Européenne (Verts/ALE) au Parlement Européen, ainsi que certaines ONG anti-OGM, ont détourné cette consultation en y introduisant des milliers de commentaires pré-formulés.
À la date de cet après-midi, plus de 65.000 commentaires [au final : 70.894] ont été soumis sur le thème « Législation applicable aux végétaux produits à l’aide de certaines nouvelles techniques génomiques », dont 44 % en provenance d'Allemagne. En comparaison, la consultation sur la « Protection du milieu marin — révision des règles de l’UE » s'est terminée [le 21 octobre 2021] et a reçu 120 commentaires, dont 15 % proviennent d'Allemagne selon les statistiques officielles. Comment cela est-il possible ?
Le groupe des Verts/ALE et d'autres organisations, dont l'Arbeitsgemeinschaft bäuerliche Landwirtschaft, la Fondation Aurelia, le Gen-ethische Informationsdienst, Demeter, IFOAM, Save our Seeds, GM Watch, l'association Umweltinstitut München e.V. et Slowfood, utilisent l'application Proca APP, un outil de campagne qui permet de générer facilement des modules de texte prêts à l'emploi et de collecter des données. Le truc, c'est que toute personne qui souhaite participer à la consultation via le site officiel de la Commission Européenne doit s'inscrire. Au cours de cet enregistrement, l'adresse électronique est vérifiée. Les utilisateurs qui soumettent leurs commentaires via le masque de saisie de l'application Proca contournent ce processus d'enregistrement. Ainsi, après avoir rafraîchi la page avec le masque de saisie, d'autres commentaires peuvent être soumis sans qu'un message d'erreur apparaisse. La question de savoir si les commentaires soumis avec une seule et même adresse électronique sont également comptabilisés reste ouverte. Il est irritant de constater que le décompte des signatures sur certains sites de campagne diffère du décompte officiel sur le site de la Commission Européenne. Il est donc évident qu'il y a une censure à un moment donné.
L'application Proca APP peut facilement être intégrée à votre propre site web par copier-coller. Voici une vidéo explicative à ce sujet :
L'application remplit trois fonctions à la fois :
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La participation aux campagnes de signature et aux enquêtes est extrêmement simple.
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Les coordonnées sont collectées.
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Une fois que le commentaire a été soumis, des boutons apparaissent pour permettre de partager facilement la campagne sur les canaux de réseaux sociaux. Cela génère de l'audience.
Il est possible de prédéfinir si des modules de texte pré-rédigés sont proposés ou non. L'outil est particulièrement sophistiqué dans le cas du groupe des Verts/ALE : chaque fois que la page est rechargée, une suggestion de texte différente apparaît [idem pour GM Watch]. Cela crée au moins l'apparence de la variance.
Cependant, ce que les députés du Groupe des Verts/ALE cachent, c'est l'endroit où le commentaire est publié ainsi que le nom. Dans l'introduction du formulaire d'enquête, il est expliqué que les utilisateurs ont la possibilité de transmettre un commentaire à la Commission : « On vous facilite la tâche : il vous suffit de remplir le formulaire et nous veillerons à ce que votre commentaire parvienne à la Commission européenne. » Il n'y a aucune mention du site officiel de la consultation ici, le lien est seulement suggéré dans une note de bas de page [mais on obtient le lien en cliquant sur « Cliquez ici pour en savoir plus »]. Seuls les petits caractères font référence à une éventuelle publication du nom et du texte : « Votre nom et votre message peuvent être publiés sur le site web de la Commission européenne. La Commission stockera vos données conformément à ses propres dispositions en matière de protection des données personnelles ». Le texte dit « peuvent », mais en fait le nom et le message apparaîtront bel et bien sur le site de consultation de la Commission Européenne, quelques minutes après l'envoi. Les autres organisations de campagne impliquées restent tout aussi vagues. Seul l'Umweltinstitut München e.V. est précis et écrit : « Votre nom et votre message seront publiés sur le site de la Commission européenne », tandis que Save our Seeds signale que vous devez utiliser le site officiel de la Commission européenne pour soumettre votre commentaire de manière anonyme.
La Commission européenne a établi des règles pour « Un retour d'information approprié ». Elle indique que le « contenu redondant, déjà publié plusieurs fois par le même utilisateur » est inapproprié et sera supprimé du site web. Les utilisateurs peuvent signaler les commentaires suspects. Une demande adressée à la Commission européenne sur la manière dont elle compte traiter les textes copiés-collés est restée sans réponse jusqu'à présent. Le nombre de commentaires générés de manière semi-automatique semble décourager et dissuader les gens de rédiger eux-mêmes une contribution :
Même si l'on peut supposer que la Commission Européenne n'acceptera pas les soumissions en double, la campagne a donc atteint un objectif : intimider ceux qui pensent autrement et les empêcher de soumettre leurs points de vue. En outre, l'évaluation de la consultation est massivement entravée – un acte de sabotage ! Les Verts aiment se présenter comme le parti du progrès et de la science. Lorsqu'il s'agit de nouvelles technologies d'amélioration des plantes, ils ne pourraient pas agir plus de manière plus rétrograde et ils jouent un rôle central dans cette action, puisqu'ils disent fournir le « back end », la plateforme technique :
« En tant que Verts/ALE, nous mettrons en place le "back end" de ce système, c'est-à-dire le système qui soumet les réponses à la Commission. Nous avons passé un contrat avec FixTheStatusQuo, pour construire un outil open-source qui pourra être utilisé par n'importe qui plus tard pour ce genre de consultation ».
Le député européen vert Martin Häusling mène également la campagne. Demain, les négociations de coalition entre le SPD, Bündnis 90/Die Grünen et le FDP débutent à Berlin. Häusling sera également présent, en tant que membre du groupe de travail sur l'agriculture.
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* A étudié la philosophie, rédactrice diplômée ; a atterrit à la campagne.
Source : Demokratie saBOTiert – schillipaeppa.net
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Voici, par exemple, les textes proposés par les Verts/ALE :
« La réglementation de l'UE sur les OGM doit être appliquée à tous les OGM, quelles que soient les technologies utilisées pour les créer, qu'elles soient récentes ou anciennes.
Une prolifération incontrôlée de nouveaux OGM empêcherait toute transition vers des systèmes agricoles résilients, sobres en intrants et respectueux des écosystèmes.
Conformément à la réglementation de l'UE sur les OGM, toutes les cultures génétiquement modifiées doivent être testées pour détecter tout impact négatif sur la santé publique et l'environnement, être étiquetées comme OGM et être traçables. Les agriculteurs, les producteurs de denrées alimentaires, les détaillants et les consommateurs comptent sur ces informations pour pouvoir éviter les aliments génétiquement modifiés.
Il est insensé que l'UE affaiblisse les réglementations en matière d'environnement et de sécurité alimentaire. L'UE devrait plutôt faire davantage pour promouvoir la sélection et l'utilisation de semences non OGM et biologiques. L'UE devrait améliorer les contrôles de sécurité des OGM et introduire des étiquettes OGM avertissant les consommateurs lorsque les aliments proviennent d'animaux nourris avec des cultures génétiquement modifiées. »
Après rafraichissement de la page :
« La réglementation européenne sur les OGM doit s'appliquer à tous les organismes génétiquement modifiés (OGM), qu'ils soient issus d'anciennes technologies ou de "nouvelles techniques génomiques" - une dérégulation, même partielle, viendrait porter un préjudice grave à la liberté de choix des citoyens et des paysans.
Les cultures génétiquement modifiées font partie intégrante d'un modèle agricole désastreux qui repose sur l'utilisation massive de produits chimiques qui menacent notre santé et les écosystèmes. Dans les pays où les cultures OGM sont pratiquées, elles ont causé des dommages à l'environnement et à la santé des personnes. Elles ne devraient pas être cultivées dans l'UE ni ailleurs.
Toutes les plantes génétiquement modifiées doivent être testées pour détecter tout risque pour la santé publique et l'environnement, être étiquetées comme OGM et être traçables. Les agriculteurs, les sélectionneurs, les producteurs d'aliments, les détaillants et les consommateurs devraient être en mesure de les rejeter.
Il est insensé que l'UE affaiblisse les réglementations en matière d'environnement et de sécurité alimentaire. L'UE devrait plutôt faire davantage pour promouvoir la sélection et l'utilisation de semences non OGM et biologiques. L'UE devrait améliorer les contrôles de sécurité des OGM et introduire des étiquettes OGM avertissant les consommateurs lorsque les aliments proviennent d'animaux nourris avec des cultures génétiquement modifiées.
Je vous remercie d'avance de prendre en considération mon point de vue. »
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Jules César a écrit une contribution à l'aide de l'application des Verts/ALE :
« Jules César a utilisé l'outil des Verts/ALE pour répondre à leur injonction "Gardons les OGM hors de nos champs et de nos assiettes".
Ils ne semblent pas être au courant et se livrent à une manipulation massive de l'opinion publique.
La maïs GM Mon810 est autorisé à la culture par l'Union européenne, certains Etats ayant cependant décidé de l'interdire. Il est cultivé en Espagne et, dans une moindre mesure au Portugal.
L'Europe importe des produits issus de plantes GM. Selon les conceptions qui prévalent, les OGM se trouvent déjà dans nos assiettes.
Cet outil et la manoeuvre des Verts/ALE sont une atteinte aux règles de bienséance de la démocratie. »
Apparemment, ça a marché, tout au moins au niveau de l'application des Verts/ALE.