Consultation sur la législation « OGM-NGT » : la contribution de M. Philippe Joudrier
La Commission Européenne a organisé une consultation sur la « législation applicable aux végétaux produits à l’aide de certaines nouvelles techniques génomiques » qui s'est close le 22 octobre 2021.
Voici le résumé des propositions ou intentions de la Commission :
« Cette initiative vise à proposer un cadre juridique applicable aux plantes obtenues par mutagénèse ciblée et par cisgénèse ainsi qu’aux produits destinés à l’alimentation humaine et animale qui contiennent de telles plantes. Elle se fonde sur les conclusions d’une étude de la Commission concernant les nouvelles techniques génomiques.
L’objectif est de maintenir un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale ainsi que de l’environnement, de permettre l’innovation dans le système agroalimentaire et de contribuer aux objectifs du pacte vert pour l’Europe et de la stratégie "De la ferme à la table".
Dans le flot continu de « contributions » prémâchées est apparue celle de M. Philippe Joudrier, ancien directeur de recherche à l'Institut National de Recherche Agronomique (INRA).
Elle mérite toute notre attention.
Législation applicable aux végétaux produits à l’aide de certaines nouvelles techniques génomiques
Pour avoir contribué à établir les « guidelines » sur l'évaluation des OGM en vue de la directive 2001/18 [relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement et abrogeant la directive 90/220/CEE du Conseil] ainsi que celles concernant les auxiliaires technologiques, puis d'avoir été expert tant au sein de l'AFSSA [Agence française de sécurité sanitaire des aliments, aujourd'hui ANSES] (pendant 9 ans) puis au sein de l'EFSA [Autorité Européenne de Sécurité des Aliments] jusqu'en 2014, j'en suis arrivé à la conclusion suivante importante pour l'avenir, en général des biotechnologies (déjà évoquée dans mon ouvrage : OGM, pas de quoi avoir peur !, 2010, Le Publieur).
Nous, scientifiques, impliqués dans la mise en place de cette évaluation, avons été « influencés » par le discours de la mouvance anti-OGM, ce qui nous a conduits progressivement à durcir la réglementation (on voit bien les exigences qui ont été mises en place progressivement sur les tests de toxicologie, passant progressivement de tests de toxicologie aiguë (15-21 jours), à des tests subchroniques (90j) et cela a failli même aboutir à des tests de toxicologie chronique (2 ans, 3 espèces animales) (affaire Séralini).
Au bout de plus de 25 années de culture de PGM à grande échelle, aucun problème n'est survenu pour aucune d'entre elles (tant pour l'environnement, les performances agronomiques, l'aspect nutritionnel et la sécurité sanitaire, bien au contraire).
Contrairement au discours développé, il n'y a pas de raisons de croire que parce qu'un nouveau génotype (destiné à l'alimentation) est créé par transgénèse, il est a priori dangereux ; et au final, cette démarche a conduit à l'échec toute tentative d'arriver à mettre sur le marché tout autre PGM que le seul maïs MON810 (qui fait par ailleurs l'objet de moratoires dans nombre de pays européen.
En définitive, il serait bon de revenir à une authentique démarche scientifique (ce qui n'a pas été le cas jusqu'à présent, malheureusement !).
Le fil conducteur général doit porter principalement sur l'évaluation de la sûreté du produit fini et non pas sur l'évaluation des techniques qui ont permis de l'obtenir. Bien entendu, la méthodologie utilisée pour obtenir un nouveau génotype doit être décrite dans le dossier en vue d'une AMM et sera utile pour évaluer quels sont les dangers potentiels, mais dans tous les cas, seule l'évaluation de la sécurité (de consommation du produit final) est déterminante !
Il se trouve que l'EFSA a déjà produit des directives ou règlements qui répondent à cet objectif et ils pourraient être utilement appliqués au cas des OGM (règlement Novel Foods, 258/97) ainsi que celui de 2002 (sureté de la ferme à la fourchette). Nous avons déjà tout l'arsenal de réglementations sans avoir besoin d'en créer d'autres. Et alors il conviendrait, en bonne logique et pour faire de la bonne science, de supprimer tous ceux qui ont été créés sur les OGM depuis la directive 90/220.
La définition d'un OGM n'a jamais été comprise par les européens... et reste toujours très ambiguë pour tout un chacun !
L'EFSA a souvent utilisé la formule « genetically modified food and feed ». A se demander si les scientifiques qui ont écrit cela ont bien compris ce qu'est un OGM ! Par définition, un aliment n'est plus un organisme ! Et en aucun cas les aliments sont obtenus par modification génétique !
Confusion extrême. De la même manière, les protéines, les lipides-huiles, les -oses et polysaccharides, de même que nombre de substances (lécithine par exemple), métabolites d'une plante GM ne sont eux-mêmes GM. Seul l'ADN l'a été ! Ces formulations ont conduit à faire croire que le bétail nourri de produits issus d'OGM devenait lui-même transgénique !
Le vocabulaire, les formulations doivent être exacts et ne doivent pas permettre de dérive. Cela commence par supprimer le « O » du sigle lorsque l'on parle d'un organisme génétiquement modifié. Ainsi, on ne devrait jamais voir écrit « un soja OGM », « un maïs OGM », etc, mais systématiquement « un sojaGM » ou « un maïs GM ». Même erreur stupide faite en français à propos du coton. Il n'y a pas de coton OGM ni même de coton GM, il n'existe que du cotonnier GM qui produit du coton qui, lui, n'est pas GM !