Les petits exploitants agricoles sont essentiels à la transformation des systèmes alimentaires mondiaux, affirment des experts lors du sommet de l'ONU
Joseph Opoku Gakpo*
Image : Mme Rehema Maganga, petite exploitante tanzanienne, inspecte un plant de manioc malade. Photo : Alliance pour la Science
Les propositions visant à mettre fin à la faim dans le monde qui émergeront du sommet historique des Nations Unies sur les systèmes alimentaires qui se tient aujourd'hui [23 septembre 2021] ne réussiront que si les petits exploitants agricoles en deviennent le pivot, affirment certains experts africains.
Ils ont lancé un avertissement selon lequel le monde ne parviendra pas à atteindre le premier objectif de développement durable (ODD) visant à éliminer la faim dans le monde d'ici 2030 si les petits exploitants agricoles ne sont pas prioritaires.
« La plupart des pays africains dépendent des petits exploitants agricoles pour produire de la nourriture pour les populations », a noté l'ancien Premier Ministre éthiopien Hailemariam Dessalegn. « Lorsque les petits exploitants agricoles réussissent, les économies prospèrent. Soutenir les petits exploitants agricoles n'est pas une option pour les chefs de gouvernement, c'est une nécessité pour la transformation de nos systèmes alimentaires. »
M. Dessalegn, qui préside également l'Alliance pour une Révolution Verte en Afrique (AGRA), a ajouté : « Et pour être très clair, nous devons redoubler d'efforts pour transformer la productivité de nos petits exploitants agricoles de manière écologique et durable. Il est urgent d'aider les petits exploitants agricoles à faire face aux défis actuels et à s'adapter aux conditions climatiques futures. »
M. Dessalegn a fait ces observations lors d'un événement parallèle visant à discuter des stratégies du continent pour aider à atteindre les ODD 2030, avant le Sommet sur les systèmes alimentaires du 23 septembre 2021, qui est chargé de lancer de nouvelles actions audacieuses pour aider à réaliser des progrès sur l'ensemble des 17 ODD, dont chacun repose dans une certaine mesure sur l'objectif d'atteindre la faim zéro. Cette réunion a été jugée nécessaire car le monde n'est pas en mesure d'atteindre l'objectif de la faim zéro et les autres ODD d'ici à 2030 si des mesures draconiennes ne sont pas prises. Le sommet synthétisera les discussions qui ont eu lieu au cours des 18 derniers mois lors de dialogues indépendants organisés par des gouvernements, des ONG et des organisations du secteur privé.
La pandémie de Covid-19 a mis en évidence les vulnérabilités des systèmes alimentaires africains, a déclaré M. Dessalegn, d'où la nécessité de repenser la stratégie du continent pour faire face à l'insécurité alimentaire. L'Afrique compte environ 256 millions de personnes sur les 795 millions de personnes souffrant de la faim dans le monde.
M. Dessalegn a prévenu que la situation ne fera qu'empirer si la réunion d'aujourd'hui ne débouche pas sur des plans extraordinaires.
« Le changement climatique pose des problèmes à un nombre important de petits exploitants agricoles et menace de compromettre les progrès mondiaux en matière de réduction de la pauvreté, de sécurité alimentaire et nutritionnelle et de développement durable », a-t-il déclaré.
Aider les petits exploitants agricoles à s'adapter au changement climatique nécessitera une combinaison de solutions politiques, d'expertise technique et de recherche, a-t-il ajouté. « Nous devons élaborer des programmes d'adaptation qui soutiennent les petits exploitants agricoles. »
Il a insisté sur le fait que « des changements urgents sont nécessaires si nous voulons atteindre l'objectif ambitieux d'éradiquer la faim et la malnutrition » et a noté que les gouvernements africains doivent rechercher des solutions sur mesure pour changer la façon dont le continent produit, traite et consomme les aliments et gère les déchets alimentaires.
Les petits exploitants agricoles cultivent généralement des produits sur moins de deux hectares de terres agricoles. Bien qu'ils représentent plus de 70 % de l'ensemble des agriculteurs dans le monde et produisent 80 % des aliments [ma note : c'est faux, c'est environ le tiers], ils n'utilisent qu'environ 12 % des terres arables [c'est 24 %]. Cela montre à quel point les petits exploitants sont généralement impuissants dans la chaîne de valeur agricole globale par rapport aux producteurs commerciaux et aux autres parties prenantes.
Mme Jemimah Njuki, directrice pour l'Afrique de l'Institut International de Recherche sur les Politiques Alimentaires (IFPRI), a fait observer que les personnes les plus affamées au monde sont les petits exploitants agricoles des zones rurales. Elle a appelé à un changement.
« Nos systèmes alimentaires sont articulés sur les petits exploitants agricoles et sans eux au centre, nous n'avons vraiment pas de systèmes alimentaires fonctionnels », a-t-elle déclaré. « Les politiques doivent avoir une vision très centrée sur les petits exploitants [...] Les innovations comme l'agriculture intelligente face au climat doivent atteindre les petits exploitants et fonctionner pour eux […] Elles doivent être accompagnées d'autres politiques, notamment des services de vulgarisation et des marchés pour les petits exploitants. »
M. Rodger Voorhies, président de la division « Global Growth and Opportunity » de la Fondation Bill & Melinda Gates, a également pris la parole lors de cet événement parallèle. Il s'est dit optimiste quant au fait que le Sommet des Nations Unies aidera les petits exploitants agricoles africains à obtenir un soutien pour les objectifs d'adaptation au climat.
« Les petits producteurs sont les fondements du système alimentaire africain, il est donc logique qu'une transformation agricole inclusive, menée par les petits exploitants, soit l'élément central de la transformation plus large du système alimentaire », a-t-il déclaré.
Le Dr Godfrey Bahiigwa, directeur de l'agriculture et du développement rural de la Commission de l'Union Africaine, a noté que le continent souhaite répondre à ses futurs besoins alimentaires en doublant la production sur une base durable. Il a encouragé l'adoption de technologies permettant d'obtenir des rendements élevés pour les cultures et les animaux grâce à la recherche. Il a également appelé au développement de technologies intelligentes du point de vue climatique tout en tirant parti des avantages de la biotechnologie.
L'Afrique veut moins dépendre des importations alimentaires et augmenter la production alimentaire sur le continent pour se nourrir, tout en économisant les ressources et en créant des emplois, a déclaré M. Bahiigwa. « Mais nous voulons augmenter la production alimentaire tout en protégeant l'environnement pour les générations actuelles et futures », a-t-il ajouté.
Evangelista Chekera, directrice générale de Passion Poultry au Zimbabwe, a déclaré que les jeunes devraient être soutenus lorsqu'ils s'aventurent dans l'entrepreneuriat au sein des différents secteurs de la chaîne de valeur agricole afin de garantir la transformation des systèmes alimentaires.
« Les jeunes agro-entrepreneurs ont besoin de plus de subventions pour que nous puissions mener à bien la recherche et le développement des produits et services que nous proposons », a déclaré Mme Chekera. « Il est également nécessaire que les gouvernements créent des hubs locaux où les jeunes innovateurs peuvent développer leurs produits et solutions. »
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