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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

La biotechnologie peut protéger la biodiversité de l'Afrique, selon un biologiste spécialiste de la conservation

3 Septembre 2021 Publié dans #Divers

La biotechnologie peut protéger la biodiversité de l'Afrique, selon un biologiste spécialiste de la conservation

 

Joseph Maina*

 

 

Image : Zèbres dans une réserve naturelle en Ouganda. Photo : Joan Conrow

 

 

Bien que la biotechnologie soit le plus souvent considérée comme un outil permettant de répondre aux besoins alimentaires de l'Afrique, elle pourrait également jouer un rôle dans la protection de la biodiversité unique du continent.

 

L'activiste environnemental, généticien et biologiste de la conservation ougandais Clet Wandui Masiga affirme que la biotechnologie a en fait contribué à préserver et à protéger la biodiversité de l'Afrique, un terme qui désigne le nombre d'espèces différentes présentes dans un endroit donné, ainsi que le nombre d'individus de chaque espèce et la variabilité génétique au sein de l'espèce.

 

« En fait, la biotechnologie est venue pour sauver la biodiversité », déclare M. Wandui, membre de l'Alliance for Science Global Leadership. « Si vous examinez scientifiquement les moteurs de la perte de biodiversité, la biotechnologie n'entre nulle part en jeu. »

 

Il explique que, de manière générale, la biotechnologie a permis d'augmenter les rendements, de réduire les applications de pesticides et d'aider à la sélection de cultures et de bétail supérieurs. Par conséquent, il est nécessaire de mettre moins de nouvelles terres en production, ce qui contribue à la préservation des zones sauvages.

 

Des études de terrain ont permis de conclure que la culture du cotonnier Bt, qui est intrinsèquement résistant à certains insectes nuisibles, a un effet bénéfique global sur la biodiversité par rapport à l'application d'insecticides sur la culture pour lutter contre les ravageurs.

 

La biotechnologie agricole comprend une gamme d'outils qui altèrent ou modifient les gènes ou les génomes d'organismes vivants pour introduire des caractéristiques souhaitables, telles que la tolérance à la sécheresse, la résistance à des maladies et des insectes nuisibles, une meilleure qualité nutritionnelle et une meilleure efficacité de l'azote. Un aspect important de la biotechnologie moderne est l'utilisation de l'outil connu sous le nom d'édition du génome, dont CRISPR.

 

Malgré le succès avéré de la biotechnologie agricole en Afrique et ailleurs dans le monde, des inquiétudes sont apparues quant aux interactions de cette technologie avec la biodiversité indigène du continent. Le débat s'intensifie alors que de plus en plus de pays africains considèrent le génie génétique comme un outil viable pour accroître la sécurité alimentaire et que les agriculteurs se montrent plus disposés à adopter de nouvelles cultures génétiquement modifiées (GM).

 

 

Apaiser les craintes

 

Les craintes portent notamment sur le fait que les cultures génétiquement modifiées pourraient envahir l'environnement naturel, se croiser avec les espèces indigènes ou les concurrencer, limiter directement la biodiversité ou réduire la diversité génétique au sein des espèces, tant sauvages que cultivées.

 

L'Agence de Développement de l'Union Africaine-NEPAD (AUDA-NEPAD) dissipe ces craintes et d'autres, en affirmant que les caractéristiques qui ont été modifiées dans les cultures génétiquement modifiées n'ont pas sensiblement amélioré la capacité de ces cultures à envahir les habitats non gérés et à concurrencer les espèces sauvages. En fait, l'édition génétique a été utilisée pour empêcher l'eucalyptus de devenir envahissant.

 

 

M. Clet Wandui Masiga s'exprime lors d'un forum agricole. Photo : Alliance pour la Science.

 

 

En outre, les autorisations de cultures génétiquement modifiées comprennent une évaluation approfondie qui détermine toute menace potentielle que les nouveaux traits pourraient représenter pour les espèces indigènes. Elles font également l'objet d'une évaluation minutieuse des effets négatifs potentiels involontaires sur d'autres espèces, comme par exemple les pollinisateurs, les organismes du sol et les plantes et animaux menacés.

 

« L'évaluation des risques évalue l'impact potentiel de l'exposition directe aux produits génétiques et de l'exposition indirecte par le biais des modes d'alimentation et de l'accumulation des produits génétiques dans l'air, le sol ou les résidus aqueux de l'environnement de dissémination », note l'AUDA-NEPAD. « Des approches par paliers ont été développées pour évaluer ces risques et contribuer à garantir qu'un examen suffisant est entrepris lorsque des risques potentiels sont identifiés. » Les cultures GM sont également examinées pour s'assurer que leur utilisation n'entraînera pas de pratiques susceptibles d'avoir un impact négatif sur les composants non vivants de l'environnement où elles sont cultivées.

 

« Les personnes qui ont vraiment essayé de résoudre en partie le problème de la perte de biodiversité sont celles qui ont commencé à chercher des technologies susceptibles d'augmenter la production par unité de surface », explique M. Wandui. « Par exemple, dans un pays comme l'Ouganda, le rendement moyen du riz est de 1.200 kg par hectare. Lorsque vous obtenez du riz hybride associé à des engrais et à l'utilisation de pesticides, vous augmentez le rendement par hectare à 10.000 kg. Pour que ce riziculteur obtienne 4.500 kg, il aurait fallu défricher quelque 3 hectares de terre. Donc, en sauvant 3 hectares, l'agriculteur protège toute la biodiversité qui existe dans ces espace. t

 

Pour amplifier encore son propos, M. Wandui se tourne vers le Kenya voisin, où il pointe du doigt le grand nombre de bovins détenus par des communautés pastorales. Le bétail parcourt la campagne à la recherche de pâturages, un mouvement qui entraîne l'érosion des sols. Cette situation contraste avec l'élevage laitier hautement spécialisé pratiqué dans certaines parties du pays, qui implique l'élevage d'animaux supérieurs, notamment dans les régions voisines de la capitale, Nairobi.

 

« Ces bovins dans les fermes laitières mangent de l'herbe à éléphant [Cenchrus purpureus], qui est très nutritive. Une vache frisonne dans une telle ferme pourrait se nourrir sur la superficie d'un acre [40 ares] – ou moins – et produire des quantités de lait équivalentes, voire supérieures, à celles de dix vaches des pasteurs », note-t-il.

 

 

La perte de biodiversité a une longue histoire

 

M. Wandui affirme en outre que la biotechnologie – en particulier la modification génétique et l'édition de gènes – est une innovation relativement récente qui n'a pas eu d'effet négatif sur la biodiversité du continent. Selon lui, la perte de biodiversité existe depuis que l'homme a commencé à défricher les terres et à pratiquer l'agriculture.

 

« Lorsque l'homme s'est mis à cultiver des plantes, il a commencé à sélectionner les cultures les plus performantes et à les domestiquer. Et au fur et à mesure que la culture évoluait, il s'appuyait sur ce que les ancêtres avaient sélectionné, réduisant la base génétique en sélectionnant les individus les plus performants », explique-t-il.

 

Par exemple, lorsque les gens ont appris à élever des vaches laitières, ils ont eu besoin d'une herbe plus nutritive, ce qui a modifié la biodiversité originelle de ces endroits. « Cette perte n'a rien à voir avec la biotechnologie », affirme M. Wandui.

 

La perte de biodiversité est également due à l'urbanisation croissante. Citant le cas de Nairobi, M. Wandui note que le célèbre parc national de la ville a sauvé la mise, car l'habitat humain aurait entraîné une perte de biodiversité dans l'espace couvert par le parc.

 

Les catastrophes naturelles, telles que les incendies de forêt, constituent une autre cause importante de perte de biodiversité, de même que le défrichement des forêts par l'homme pour obtenir du charbon de bois et du combustible de cuisson. Tous ces facteurs contribuent aux graves dommages que subit actuellement la biodiversité sur le continent. Mais les projecteurs ont été braqués de manière sensationnelle et démesurée sur la biotechnologie, sans que les affirmations ne soient vraiment étayées par des données scientifiques, explique M. Wandui. L'ampleur de la biotechnologie actuellement en place en Afrique est tout simplement trop faible pour susciter les critiques du militantisme anti-OGM.

 

« Ce que les gens font pour désinformer le public, c'est qu'ils regardent quelques superficies cultivées en biotechnologie et disent : "Vous voyez, cela détruit la biodiversité". Mais regardez l'Afrique : où la biotechnologie est-elle appliquée sur le continent ? Par rapport à la superficie des terres, il n'y a presque rien. La superficie en l'Afrique du Sud, par exemple, ne atteint quelque 3 millions d'hectares. Même l'ensemble du continent ne compte pas 4 millions d'hectares sous biotechnologie. »

 

« Aucun OGM n'est cultivé dans des pays comme l'Ouganda, à l'exception de ceux qui font l'objet de recherches, et cela ne représente pas grand-chose. Dès lors, comment peut-on dire que la biotechnologie a détruit la biodiversité dans un pays comme l'Ouganda ? »

 

 

S'adapter à un climat changeant

 

Selon M. Wandui, les pratiques agricoles traditionnelles ont porté un préjudice encore plus grand à la biodiversité. La recherche de terres fertiles conduisait les gens à défricher des forêts et à assécher des marécages, ce qui détruisait la biodiversité sur de vastes étendues de terre.

 

« L'agriculture moderne permet aux agriculteurs de tirer davantage de la même superficie. En obtenant plus de production d'un hectare, vous épargnez les autres zones qui l'entourent et qui auraient été détruites pour faire pousser la même culture », souligne-t-il.

 

La biotechnologie est utilement déployée pour protéger certaines cultures importantes du continent, qui risqueraient autrement d'être perdues ou de ne pas donner un rendement optimal face aux changements climatiques, entre autres dynamiques défavorables. Les chercheurs considèrent l'édition du génome comme un outil permettant d'identifier les gènes associés à des caractéristiques de tolérance au stress chez le bananier, ce qui pourrait être utilisé pour améliorer le bananier en vue de son adaptation à un climat changeant.

 

Des scientifiques de l'Institut International de Recherche sur l'Élevage (ILRI) de Nairobi mènent également des recherches pour introduire des caractéristiques souhaitables telles que la tolérance à la chaleur et la résistance à des maladies chez les bovins et les poules, en utilisant l'édition de gènes. Les scientifiques se tournent également vers l'édition de gènes pour sauver le cacaoyer du Ghana face aux changements climatiques défavorables qui menacent de faire disparaître l'industrie actuelle du cacao.

 

______________

 

* Source : Biotechnology can protect Africa's biodiversity, says conservation biologist - Alliance for Science (cornell.edu)

 

Cet article a été publié pour la première fois dans Africa Business.

 

 

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