L'agriculture intelligente sur le plan climatique est une solution de durabilité
Maria Gabriela Cruz*
Les débats bruyants et passionnés sur les produits phytosanitaires en Europe peuvent donner la fausse impression que les agriculteurs comme moi sont enclins à sur-utiliser les produits chimiques sur ce que nous cultivons.
C'est ridicule, d'autant plus que nous nous efforçons chaque jour de pratiquer une agriculture de conservation qui protège nos sols, notre eau et notre air.
Nous avons certainement besoin de bons produits de protection des cultures, et j'ai été heureuse lorsque les régulateurs de quatre pays de l'Union Européenne ont déterminé plus tôt cette année que le glyphosate méritait de rester un produit approuvé pour un contrôle sûr et efficace des mauvaises herbes.
Mais ce que nous faisons dans notre ferme au Portugal, où nous cultivons du maïs sous un climat chaud et sec, ne s'arrête pas là.
L'un de nos plus grands défis concerne les précipitations. Sur une période de dix ans, nous pouvons nous attendre à quatre ou cinq années de sécheresse. La dernière fois que nous en avons souffert, c'était en 2019, et les scientifiques portugais prévoient une augmentation des périodes de sécheresse et de chaleur, et des périodes de pluie moins fréquentes mais plus intenses.
L'eau étant une ressource si rare, surtout en été, nous l'utilisons avec beaucoup de précaution – et cela signifie adopter des technologies d'irrigation qui maximisent notre efficacité.
Nous recevons l'eau pour l'irrigation d'un barrage public. Elle est acheminée vers nos cultures en quantités précises et principalement pendant la nuit et tôt le matin afin de maximiser l'efficacité de l'utilisation de l'eau et de l'énergie.
Pour atteindre cet objectif, nous utilisons des sondes pour surveiller l'humidité du sol de notre exploitation. (Vous en voyez une dans cette vidéo.) Elles apportent des informations en temps réel, que nous consultons régulièrement. Nous combinons ces données avec les prévisions météorologiques à six jours, y compris les informations sur la température, l'humidité et le vent. Nous suivons l'« évapotranspiration », c'est-à-dire la perte d'eau du sol et des plantes dans l'atmosphère. Nous examinons également des photos satellites, à la recherche de tendances et de menaces émergentes.
Tout cela nous aide à prendre des décisions intelligentes sur la façon dont nous irriguons nos cultures, afin que notre investissement en eau nourrisse ce que nous essayons de faire pousser plutôt que de disparaître dans le sol ou dans l'air. Nos équipements d'irrigation sont observés chaque jour et le système nous alerte en cas de blocage de nos lignes, que nous réparons immédiatement.
Chaque goutte compte.
Cette approche prudente et stratégique nous permet d'adopter d'autres pratiques durables, comme l'utilisation d'engrais. Là encore, nous nous tournons vers le sol pour savoir ce dont il a besoin. Notre objectif est de fournir une quantité exacte d'engrais au moment précis où cela est nécessaire. Nous analysons le sol en permanence, et nous voulons toujours savoir, à la fin d'une campagne, si les champs ont maintenu ou amélioré leur qualité.
Occasionnellement, nous recevons trop de précipitations, sous forme de fortes pluies qui peuvent emporter nos sols. Ces épisodes, qui surviennent généralement en hiver, sont la principale cause de la faible fertilité des sols au Portugal. Nos étés rendent les averses encore plus dommageables, car les températures chaudes et les périodes sèches appauvrissent le sol de la matière organique qui aiderait à prévenir l'érosion.
Notre solution à ce problème implique une réponse durable : des cultures de couverture et de l'agriculture sans labour (no-till).
Dans notre ferme, nous faisons ensorte que le sol soit toujours couvert d'une culture ou d'une biomasse, comme la paille de la campagne précédente. Cela offre une couverture de protection contre le stress de la pluie, du vent et de la chaleur.
Des stratégies de lutte intégrée contre les ravageurs ont été mises en œuvre sur notre exploitation en 2003 ; elles fournissent des informations qui nous permettent d'évaluer le seuil économique d'un ravageur. Ces informations nous indiquent à quel moment le niveau de population d'un insecte ou l'ampleur des dommages causés aux cultures dépassent le coût de la lutte contre le ravageur. Cette information est essentielle pour notre durabilité et soutient notre capacité à appliquer les produits de protection des cultures avec précision et uniquement lorsque cela est économiquement inévitable.
Nous pratiquons également l'agriculture sans labour (no-till). En renonçant à la méthode traditionnelle de lutte contre les mauvaises herbes par retournement du sol, nous maintenons l'humidité dans la terre. Il s'agit peut-être de notre pratique la plus efficace, économiquement, socialement et écologiquement durable, qui nous aide à séquestrer le carbone dans le sol. Cette étape nous aide à produire de meilleures cultures et contribue à la lutte contre le changement climatique.
Pour que ces systèmes intégrés fonctionnent, nous avons toutefois besoin d'herbicides sûrs et efficaces, comme le glyphosate ou un herbicide de substitution qui permet de lutter contre les mauvaises herbes au moment du semis. Sans eux, nous devrions lutter contre les mauvaises herbes avec des pratiques plus anciennes et moins durables, ce qui entraînerait des dommages environnementaux et une baisse considérable du rendement, les mauvaises herbes étant vivantes et entrant en concurrence avec notre culture pour le soleil, l'eau et les nutriments du sol.
Avec le temps, la technologie nous offrira peut-être des solutions non chimiques pour lutter contre les mauvaises herbes, mais nous n'en disposons pas pour l'instant, et nos pratiques durables nécessitent donc des outils de protection des cultures.
Ils sont essentiels à tout ce que nous faisons sur ma ferme et à la production de la nourriture dont nous avons tous besoin.
_____________
* Maria Gabriela Cruz, Agricultrice, Elvas, Portugal
Maria Gabriela Cruz gère une ferme de 700 hectares à Elvas, au Portugal, qui appartient à sa famille depuis plus de 100 ans. Elle cultive du maïs, du blé, de l'orge, des pois et du trèfle, et utilise le semis direct ou le strip-till sur l'ensemble de l'exploitation. Elle cultive du maïs transgénique depuis 2006. Elle a remporté le prix Kleckner en 2010.
Source : Climate Smart Agriculture is a Sustainability Solution – Global Farmer Network