« Europe agricole: chronique d’un désastre annoncé et assumé », de Mme Emmanuelle Ducros dans l'Opinion
Glané sur la toile 887
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Sans fanfare, autant dire en catimini, le Commission Européenne a publié le 31 juillet 2021 un rapport du Centre de Recherche Commun, « Modelling environmental and climate ambition in the agricultural sector with the CAPRI model » (modélisation de l'ambition environnementale et climatique dans le secteur agricole avec le modèle CAPRI).
Dans « Europe agricole: chronique d’un désastre annoncé et assumé », Mme Emmanuelle Ducros nous offre un super-condensé des résultats de cette modélisation des principales ambitions européennes, des stratégies « farm to fork » (de la ferme à la table) et « biodiversité 2030 » (d'ici 2030 : mettre 10 % des terres agricoles dans des régimes de haute diversité paysagère ; porter la part de l'agriculture biologique à 25 % de la surface agricole utilisée ; réduire les pertes de nutriments du sol d'au moins 50 % ; réduire l'utilisation d'engrais de 20 % ; réduire l'utilisation et les risques des pesticides chimiques de 50 % ; réduire de 50 % l'utilisation des pesticides « plus dangereux » ; réduire de 50 % les ventes d'antimicrobiens à usage vétérinaire ; développer un vaste réseau de zones protégées...).
Dans son article, Mme Emmanuelle Ducros revient sur une analyse qu'avait faite en novembre 2020 le Service de la Recherche Économique de l'USDA (voir aussi ici). Elle écrit :
« Dans cette note, les économistes américains estimaient que l’Europe devait s’attendre à une réduction de 12 % de sa production alimentaire si elle s’appliquait ses règles à elle-même. La baisse de production planétaire serait de 11 % en généralisant la norme européenne, via les "clauses miroir". Une baisse de production s’accompagnant d’une hausse des prix mondiaux de l’alimentation de 89 % – et de 17 % en Europe. La chute de 20 % des exportations européennes se doublerait d’une baisse des revenus des agriculteurs de 16 %. Plus grave : une généralisation des visées européennes "précipiterait 185 millions de personnes dans l’insécurité alimentaire par la course aux ressources ; le PIB mondial chuterait alors de 1 100 milliards de dollars". Peut-être l’étude n’était-elle pas dénuée d’arrière-pensées politiques…
Perdant-perdant. L’étude européenne ne s’attarde, elle, pas sur les conséquences pour le reste du monde, mais elle confirme les projections américaines pour l’Europe elle-même ! La baisse des surfaces céréalières de 4 % et des rendements de 11 % (dues aux réductions de pesticides et d’engrais) produirait une chute globale de la production de 15 %. Même baisse pour les oléagineux. Dégringolade de 13 % pour les fruits et légumes, de 10 % pour les produits laitiers, de 17,5 % pour la viande bovine, un peu plus de 15 % pour le porc et la volaille. Et finalement, si les prix devaient augmenter un peu (12 % en Europe) et les coûts d’exploitation baisser ? "Cela ne compensera pas les baisses de volumes et ne suffira pas à garantir une meilleure rémunération pour les agriculteurs", déplore Gilles Keller [chargé des études économiques à la Coordination Rurale]. Le Green deal serait donc un deal perdant-perdant économiquement. »
Mme Emmanuelle Ducros ajoute quelques chiffres et cite aussi Mme Christiane Lambert, qui dirige le COPA-COGECA, le porteur d'intérêts de l'agriculture et de la coopération agricole à Bruxelles.
On lira sur site.
Mais retenons tout de même la conclusion de Mme Christiane Lambert, fondée sur la nécessité pour l'Union Européenne d'importer davantage si elle met ces « stratégies » en application :
« Loin des yeux, loin du cœur, les problèmes… Refrain connu pour Christiane Lambert : "Souvenez-vous des néonicotinoïdes. Brune Poirson expliquait que ce n’était pas grave si on ne faisait plus de sucre ici, qu’on l’importerait d’ailleurs. Là, on va détruire notre agriculture et importer du carbone. Se défausser ainsi, ce n’est pas responsable." »
Cet article et d'autres réactions n'ont pas fait plaisir à tout le monde. Ainsi, sur Twitter, un certain Benoît Biteau, eurodéputé Vert a produit un fil surprenant.
(Source)
Ainsi donc, la « modélisation de l'ambition environnementale et climatique dans le secteur agricole avec le modèle CAPRI » devient aux yeux de notre génie une évaluation de la « pertinence de l’outil "modèle CAPRI" pour évaluer l’impact de la stratégie #Farm2Fork sur le secteur agricole. »
Quel génie, ce Benoît Biteau...
Mais il est vrai que cette étude du Centre de Recherche Commun n'aborde pas l'intégralité des problèmes et ne vaut donc pas étude d'impact.
Notez aussi que M. Benoît Biteau, tout comme ses collègues ne protestent pas contre l'absence d'étude d'impact...
Cependant, au vu des résultats portant sur les objectifs phares, comment ne pas être d'accord avec M. Thomas Montaigne ?
C'est une tragédie !
(Source)