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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Dies irae ! Le 23 septembre est déclaré « Journée européenne du bio »

30 Septembre 2021 Publié dans #Agriculture biologique, #Politique, #Union européenne

Dies irae ! Le 23 septembre est déclaré « Journée européenne du bio »

 

 

(Source)

 

 

Mais qu'ils sont c...

 

Dies irae ! Jour de colère !

 

« Les institutions européennes célèbrent le lancement de la "Journée européenne du bio"  », tel est le titre d'un article d'Euractiv du 27 septembre 2021.

 

Par où commencer ? Relever l'incroyable pouvoir du lobby du bio dans les institutions européennes ? Vitupérer l'incroyable bêtise qui sévit dans ces mêmes institutions ?

 

La journée européenne du bio (EU Organic Day) est certes essentiellement symbolique, mais on connaît le poids et l'impact des symboles, ou du moins de certains d'entre eux.

 

Il n'y a pas de journée européenne de l'agriculture, ni de l'alimentation... mais nous avons maintenant une journée européenne du bio.

 

Bientôt, les lobbies du bio et les instances européennes feront du lobbying pour faire instaurer une journée mondiale du bio...

 

Ce serait un message adressé par ceux dont la bouche déborde (encore) de nourriture – enfin, parmi les nantis, pas ceux qui dépendent de l'aide alimentaire – à ceux dont l'estomac est trop souvent vide – enfin pas chez les nantis de ces pays, sensibles aux mèmes des nantis mentionnés en premier – que leur estomac devra encore gargouiller davantage.

 

 

Parlement Européen, Conseil et Commission...

 

La journée a été lancée en grande pompe par les trois instances bruxelloises, le Parlement Européen, le Conseil (l'assemblée des chefs d'État et de gouvernement) et la Commission.

 

Lors de la cérémonie de signature et de lancement, le Commissaire à l'Agriculture, Janusz Wojciechowski, a déclaré (texte complet en anglais) :

 

« Aujourd'hui, c'est la fête de la production biologique, un type d'agriculture durable qui permet de produire les aliments dans le respect de la nature, de la biodiversité et du bien-être animal. Le 23 septembre correspond également à l'équinoxe d'automne, moment de l'année où le jour et la nuit sont d'égale longueur ; il s'agit d'un symbole d'équilibre rappelant l'harmonie entre l'agriculture et l'environnement, idéalement adapté à la production biologique. Je me réjouis que nous soyons parvenus à lancer cette journée européenne annuelle du bio conjointement avec le Parlement européen, le Conseil et des acteurs clés du secteur : elle sera l'occasion de sensibiliser l'opinion à la production biologique et de promouvoir le rôle essentiel joué par cette dernière dans la transition vers des systèmes alimentaires durables. »

 

La déclaration est lyrique... mais les arguments sont faux. Certes, ils ont été tellement répétés et proclamés qu'ils ont pris l'apparence de vérités, mais les faits sont têtus.

 

 

 

 

Une preuve anecdotique par la France Agricole

 

La France Agricole du 24 septembre 2021 nous offre un élément de preuve qui, pour être anecdotique, fait néanmoins l'affaire.

 

« Raisonner la fertilité en grandes cultures bio » présente une simulation « avant-après » pour une ferme de 156 hectares de terres à bon potentiel dans la plaine de Caen, sans élevage (ben oui, ça ne correspond pas vraiment à l'image d'Épinal, ni à Martine à la ferme bio).

 

Côté ferme, en situation de départ (non bio – après arrêt du débouché betterave sucrière), la marge brute s'établissait en moyenne pondérée à 1.173 €/ha. En bio, elle passerait à 1.335 à 1.468 €/ha, selon les scénarios (vente ou non de la luzerne).

 

C'est évidemment sur la base de prix qui ne sont pas ceux d'aujourd'hui – ni de ceux qui prévaudront quand (si...) l'objectif de 25 % de la SAU en bio est atteint. L'écart entre, par exemple, le blé non bio et bio restera-t-il le même ? Il est en train de se réduire... mais ce n'est que la tendance actuelle. Et le supplément de travail est-il bien valorisé ? Qu'en est-il des aléas de culture, en particulier de ceux pour lesquels le bio n'a pas de solutions ?

 

Notons aussi que, pour « tourner », l'exploitation a besoin d'engrais organiques extérieurs, provenant sans nul doute d'exploitations conventionnelles pour les fientes et de compostières qui ne font pas la distinction entre bio et conventionnel. Nous avons vu dans un autre article qu'il y a sans doute une limite à la part de l'agriculture biologique dans le paysage d'ensemble liée aux disponibilités d'azote.

 

 

Nous nourrir, la finalité de l'agriculture

 

Il y a aussi le côté « ferme France » (et « ferme Europe), dont la finalité est de nous fournir notre alimentation et quelques autres produits comme, justement ici, le lin.

 

Notons d'abord que le colza disparaît dans cet exemple de la rotation bio – pour des raisons bien connues. Cela a aussi des conséquences sur nos chères abeilles et autres pollinisateurs, ainsi que sur l'approvisionnement en protéines pour l'alimentation animale.

 

Faisons un calcul simple, que d'aucuns traiteront de simpliste : considérons que les différents produits sont équivalents en termes de calories (notre premier besoin alimentaire après la boisson) par unité de poids. La rotation conventionnelle dégage un rendement moyen de 61,2 quintaux/hectare/an (ramenés aux 156 hectares de la ferme). La rotation bio, sur 9 ans, arrive à… 22,2 quintaux/hectare/an, soit 36 % du conventionnel.

 

La littérature très militante nous affirme que le bio fait aussi bien, voire mieux, que le conventionnel. La littérature teintée de plus ou moins de militantisme avoue une baisse, disons, de 15 à 25 % selon les auteurs et les situations prises en compte ; mais c'est généralement par rapport à une culture donnée et non une rotation.

 

Notre exemple anecdotique ne doit pas être sur interprété. Il suggère cependant que les projections doivent être affinées et que bon nombre d'entre elles sont vraisemblablement trop optimistes.

 

 

(Source)

 

 

Les débouchés seront-ils là ?

 

En outre, il y a la question des débouchés. Le superbe objectif de l'Union Européenne de convertir 25 % de la surface agricole utilisée au bio devrait augmenter les productions marginales comme ici la lentille et le sarrasin. Le marché pourra-t-il les absorber ? Faudra-t-il prévoir un menu lentilles bio obligatoire chaque semaine la cantine ? Etc.

 

Cette question se pose d'une manière plus générale. Elle est du reste déjà sur le devant de la scène pour des productions comme le lait bio en France, dont une partie part en conventionnel.

 

Au cours du processus d'établissement de la politique européenne en matière d'agriculture biologique, les représentants de l'agriculture qui nous nourrit, le COPA-COGECA (actuellement présidé par Mme Christiane Lambert) et d'autres ont averti a plusieurs reprises sur les dangers pour les agriculteurs d'une politique n'assurant pas l'équilibre entre l'offre et la demande.

 

Mais, comme le rapporte Euractiv dans un de ses articles consacrés à la question, les craintes, doutes et objections ont été balayés par le Commissaire à l'Agriculture Janusz Wojciechowski. Y compris avec des arguments spécieux tels que : « Il faut augmenter ce type d'agriculture » parce que c'est meilleur « pour l'environnement et la santé humaine », ou encore que si l'Autriche peut avoir près de 25 % de sa SAU en bio, l'Europe le peut aussi.

 

 

Meilleur pour l'environnement et la santé humaine ? (Source)

 

 

Les Ravis de Bruxelles

 

Le quartier européen de Bruxelles n'est pas vraiment une crèche ; à bien des égards, c'est une pétaudière.

 

Mais on y trouve des Ravi qui s'extasient devant l'agriculture biologique...

 

Alors que le Centre Commun de Recherche de la Commission Européenne tablait sur une baisse de quelque 10 % de la production ensuite des stratégies en faveur de la biodiversité et « De la ferme à la table » – plutôt en phase avec les calculs de l'USDA – une étude réalisée par l'Université de Kiel arrive à -20 % pour les céréales, les oléagineux et la viande bovine. C'est, rappelons-le, pour l'ensemble des mesures proposées.

 

Et il se trouve à Bruxelles un Ravi, le Commissaire à l'Agriculture Janusz Wojciechowski, pour vanter, par exemple, « le rôle essentiel joué par [l'agriculture biologique] dans la transition vers des systèmes alimentaires durables ».

 

Ou encore :

 

« Les agriculteurs biologiques équilibrent [associent] les méthodes traditionnelles et écologiques avec les nouvelles sciences et technologies qui propulseront l'agriculture dans le futur. »

 

Dans quel monde vit-il ? Un des piliers de l'agriculture biologique est précidément le refus des nouvelles sciences et technologies.

 

Précédemment, en mars 2021, à l'occasion du lancement du plan d'action pourl'agriculture biologique, il avait qualifié, avec lourdeur et emphase, le bio – « les produits produits sans intervention chimique » – comme étant « plus sain » que le conventionnel.

 

 

(Source)

 

 

Un autre Ravi, M. Jože Podgoršek, Ministre slovène de l'Agriculture, des Forêts et de l'Alimentation, a déclaré :

 

« En augmentant les revenus dans les zones rurales, l'agriculture biologique peut jouer un rôle central dans la relance de l'Europe fondée sur la transition verte et numérique. L'augmentation de la part de l'agriculture biologique contribuera à renforcer les chaînes d'approvisionnement plus courtes et offrira des opportunités supplémentaires aux petites exploitations. »

 

En France tout au moins, la grande distribution est en train de s'accaparer le marché du bio...

 

Mais il y en d'autres qui sont véritablement ravis. Enfin... avec des revendications du style « toujours plus »...

 

 

(Source)

 

 

 

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H
Petit rappel historique, en utilisant des rapports du passé, on comptait autrefois non à l'ha, mais au ratio entre poids en semences et poids récolté : Blé tendre, production actuelle par ha de environ 45 fois la semence ; fin XIXème siècle, récolte de plus ou moins 10 fois la semence ; belles années du XIIIème après la révolution industrielle médiévale, 4 à 6 fois la semence ; avant aux VII-Xème siècle, 2 à 3 fois la semence... Nos ancêtres mangeaient peut-être "bio" (et encore nos ancêtres font de la chimie depuis au moins le néolithique mais c'était à tâtons et sans précautions...) Mais surtout nos ancêtres mangeaient rarement à leur faim et assez régulièrement pas du tout. Et leur alimentation n'avait rien de sain. Les maladies des plantes, champignons des céréales, notamment faisaient des ravages réguliers sur les organismes humains. Bien sûr tout cela est totalement et complètement oublié...
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M
Aujourd'hui dans mon magasin de bricolage j'ai vu des sacs de granulés de bois bio pour foyers à pellets. J'ignorais que ça se mangeait!
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D
Nous commençons déjà à voir les effets délétères de la politique énergétique européenne...alors que les températures sont encore clémentes: le blackout a été évité de justesse en été et les prix du gaz explosent, suivis par ceux de l'électricité, qui va paupériser la société.<br /> La feuille de route agricole européenne prend le même chemin, mais ça risque de très mal se passer
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M
A l'heure où j'écris en France 22% d'électricité de source renouvelable et 38g de CO2/kWh, en Allemagne 53% de renouvelable et 312g de CO2/kWh, cherchez l'erreur.
M
Il y a aussi cette phrase "Les agriculteurs biologiques quant à eux, perçoivent des revenus plus élevés et sont plus résilients." . L'affirmation selon laquelle seule l'agriculture bio permet à l'agriculteur de vivre, suivit ensuite d'une demande de plus de subvention pour cette même bio. L'hypocrisie de ce secteur en une phrase.
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A
Devant tant de dogmatisme et d'imprévision, espérons et œuvrons pour que ce "dies irae" ne se transforme pas un jour en "dies illa" car émaillé d'émeutes de la faim!
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