Les conspirations sur les pesticides démystifiées : comment les médias vous induisent en erreur sur la sécurité chimique (2e partie de « Pesticides et propagande... »)
Cameron English*
Image : memyselfaneye de Pixabay
Dans la première partie de cette série – « Pesticides et propagande : un guide pour repérer l'activisme déguisé en journalisme » – , nous avons examiné certaines des caractéristiques d'un reportage bâclé sur les pesticides. Nous complétons ici notre analyse par une analyse de trois autres thèmes communs à cette espèce de journalisme de pacotille.
S'attaquer aux pesticides est sexy. De nombreux militants, avocats et journalistes ont fait carrière en propageant un récit simple et convaincant sur les produits chimiques utilisés par les agriculteurs pour produire notre nourriture. L'histoire ressemble à ceci (voix inquiétante du narrateur) :
L'avide entreprise X a développé un produit chimique de synthèse Y pour tuer les parasites. Il a si bien fonctionné que les agriculteurs en dépendent désormais. Mais, grâce à un journaliste intrépide ou à un scientifique indépendant, nous savons que l'entreprise X a dissimulé les preuves montrant que le produit chimique Y est nocif pour les humains et l'environnement. Pire, des documents internes ont montré que l'entreprise a corrompu l'Agence de Protection de l'Environnement (EPA), empêchant l'organisme de réglementation de prendre des mesures pour protéger la santé publique. Les articles qui font référence aux Nazis sont bons pour obtenir des likes sur Facebook et des retweets supplémentaires .
Ce récit n'est pas toujours inexact ; les fabricants de pesticides et les organismes de réglementation peuvent être avides et malhonnêtes. Mais, comme je l'ai dit dans la première partie de cette série, les journalistes sont aussi la proie de ces péchés. Plus précisément, leurs articles inspirés d'Erin Brockovich sur les méfaits des entreprises manquent souvent de nuance, font dans le deux poids deux mesures et négligent les rôles importants que jouent les pesticides dans la production alimentaire et la protection de la santé publique.
Dans cette partie, j'aborderai quelques autres caractéristiques des mauvais reportages sur les pesticides, l'objectif étant de vous aider à distinguer le journalisme solide de l'activisme qui se fait passer pour du journalisme.
Conscients de la nécessité d'obtenir des avis d'experts, les auteurs d'articles anti-pesticides incluent généralement une ou deux citations de scientifiques accrédités, peut-être un agent de l'EPA ou un expert indépendant. Ces citations donnent à l'article un vernis de crédibilité, mais une petite recherche montre que ces spécialistes ne sont pas ce qu'ils semblent être.
L'article d'Intercept que j'ai mentionné dans la première partie, « The Department Of Yes : How Pesticide Companies Corrupted The EPA and Poisoned America » (le département du oui : comment les entreprises de pesticides ont corrompu l'EPA et empoisonné l'Amérique), en est un parfait exemple. L'auteur décrit M. Charles Benbrook comme « un économiste agricole chevronné qui a passé des années à éplucher des documents internes sur les pesticides en tant que témoin expert dans le litige avec Monsanto et Bayer sur le Roundup ». Il s'agit d'un mensonge par omission, car M. Benbrook est un consultant connu de l'industrie alimentaire biologique. On lui a payé 100.000 dollars pour faire passer des études pro-bio par le processus d'examen par les pairs.
De telles pitreries sont sans aucun doute aussi malhonnêtes que tout ce dont l'auteur accuse Monsanto. Mais soit The Intercept n'était pas au courant des conflits d'intérêts de M. Benbrook, soit il les a délibérément passés sous silence. L'une ou l'autre option ternit la crédibilité du site.
The Intercept a également cité Nathan Donley, un biologiste du groupe anti-pesticides Center for Biological Diversity. Se fondant sur l'étude de 2019 de Donley, l'auteur de The Intercept se lamente : « Au moins 85 pesticides interdits en Chine, au Brésil ou dans l'Union européenne étaient encore utilisés aux États-Unis en 2016... » C'est sûr que cela semble terrible, mais un peu d'approfondissement révèle des détails pertinents mais non divulgués.
Premièrement, le fait qu'un autre pays dispose d'un cadre réglementaire différent de celui de l'Amérique ne prouve pas que le nôtre est inapproprié. La Chine, gouvernée comme elle l'est par un régime communiste brutal, maintient des restrictions d'expression parmi les plus strictes au monde. Devrions-nous pour autant rejeter le Premier Amendement ? La réponse est évidemment « non », mais l'analogie permet de mettre en évidence la faille de la platitude de The Intercept. Un scientifique a récemment baptisé cette affirmation le sophisme du « c'est interdit en Europe », parce qu'il est si couramment employé par les groupes anti-vaccins et anti-OGM.
Plus précisément, quel est le degré de dangerosité de ces pesticides que l'EPA autorise à rester sur le marché ? Causent-ils des milliers de cas de cancer chaque année ? Non. Le processus d'enregistrement de l'EPA est conçu pour éliminer les substances qui présentent des risques graves pour la santé publique. Lorsque ces produits chimiques causent des dommages, ils sont généralement dus à une intoxication aiguë. Comme Donley l'a correctement noté dans son article, « la grande majorité de ces empoisonnements étaient de nature accidentelle et leur gravité allait de mineure à, dans certains cas, la mort ».
Ces décès sont certainement tragiques (et évitables). Mais les « accidents et mauvais usages » relativement rares, pour reprendre la formulation de Donley, ne prouvent pas que ces produits chimiques devraient être interdits. Au contraire, ces incidents confirment que les pesticides doivent être utilisés de manière appropriée – un peu comme les voitures, les nettoyants ménagers ou l'alcool, le cancérigène bien connu que beaucoup d'entre nous apprécient sans trop craindre le cancer.
Entre parenthèses, l'étude de Donley a été revue par nul autre que, attendez... Charles Benbrook !
En parlant de recherche bâclée, soyez à l'affût des articles de presse qui citent des études de faible qualité comme s'il s'agissait de paroles d'évangiles. Voici un exemple tiré de l'article de The Intercept :
« Des années après que des études ont révélé que les taux de maladie de Parkinson sont sensiblement plus élevés chez les personnes qui ont utilisé [le désherbant] paraquat, les litiges contre Syngenta, son fabricant, augmentent également. »
L'étude citée dans le paragraphe ci-dessus date de 2011. Au cours de la décennie écoulée, des recherches de meilleure qualité ont été publiées. Par exemple, deux études portant sur les employés d'une usine de fabrication de paraquat n'ont trouvé « aucune preuve d'une augmentation de l'incidence de [la maladie de Parkinson – MP] parmi les travailleurs de la production, d'après les mentions de la MP sur les certificats de décès des travailleurs décédés. » Il est également probable que le paraquat ne puisse pas traverser la barrière hémato-encéphalique suffisamment efficacement pour endommager les neurones producteurs de dopamine à l'origine de la maladie de Parkinson. [1]
The Intercept se plait à affirmer qu'il « se dédie à rappeler leurs responsabilités aux puissants par un journalisme sans peur et contradictoire ». C'est manifestement faux au vu des manigances documentées ici. Mais le problème n'est pas propre à ce seul site. Les médias avertissent régulièrement le public et lui demandent d'éviter les théories du complot et de « faire confiance à la science », pour ensuite se retourner et promouvoir les élucubrations des militants anti-vaccins. Les journalistes acceptent volontiers les dons des entreprises tout en dénonçant l'influence corruptrice des financements industriels sur la science. Les exemples sont nombreux, mais vous avez compris.
Cela ne signifie pas que les journalistes ont toujours tort. Mais cela confirme définitivement qu'ils méritent votre scepticisme jusqu'à ce qu'ils se montrent dignes de confiance. Si les journalistes font les tours de passe-passe que vous voyez ci-dessus, vous savez qu'ils essaient de vous tromper au lieu de vous informer.
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Cameron English, directeur de Bioscience
Cameron English est auteur, éditeur et co-animateur du podcast Science Facts and Fallacies. Avant de rejoindre l'ACSH, il était rédacteur en chef du Genetic Literacy Project.
[1] Voir mon article de juin, « Glyphosate 2.0 : Les poursuites judiciaires contre l'herbicide paraquat accusé de causer la maladie de Parkinson progressent » pour une discussion sur la qualité de ces études.