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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Les agriculteurs soucieux du climat ouvrent la voie

10 Août 2021 Publié dans #Divers

Les agriculteurs soucieux du climat ouvrent la voie

 

Gabriel Carballal*

 

 

 

 

La plupart des agriculteurs n'ont pas besoin d'une incitation pour faire ce qu'il faut.

 

Faire ce qu'il faut devrait être une motivation en soi. C'est pourquoi nous avons introduit l'agriculture sans labour [no till] dans notre ferme en Uruguay il y a une génération. C'était logique pour notre sol, qui est au centre de tout ce que nous faisons. Grâce à la culture sans labour, nous sommes de meilleurs agriculteurs qui produisent plus de nourriture.

 

Cependant, à l'ère de la prise de conscience du climat, l'agriculture sans labour présente un autre avantage : elle élimine le carbone de l'atmosphère et le retient dans le sol, réduisant ainsi la contribution de l'Homme au réchauffement de la planète tout en enrichissant le sol et en luttant contre l'érosion.

 

Maintenant, les gens veulent payer les agriculteurs pour cet avantage de la séquestration du carbone.

 

Cela me convient parfaitement : je suis tout à fait d'accord pour laisser les agriculteurs découvrir des moyens d'obtenir des sources de revenus supplémentaires. Alors que l'Union Européenne, les États-Unis et même la Chine présentent des propositions majeures pour réduire les gaz à effet de serre, ils devraient reconnaître que les agriculteurs ont un rôle utile à jouer.

 

Nous sommes souvent traités comme une partie du problème plutôt que comme une partie de la solution. Une meilleure stratégie consiste à nous traiter comme des partenaires de la conservation. Pour cela, il faut d'abord comprendre ce qui nous motive à produire les aliments dont le monde a besoin.

 

En Uruguay, nous développons des marchés spéciaux pour l'achat et la vente de crédits carbone. Les importateurs automobiles, par exemple, peuvent vendre des voitures et des camions avec un ensemble de crédits carbone qui rendent les nouveaux véhicules « neutres en carbone ». Dans ce système, le prix de vente d'un véhicule garantit la séquestration du carbone dans une quantité égale à ce que le véhicule émettra en pollution ordinaire pendant sa durée de vie.

 

La plupart de ces crédits vont à la production forestière, car les arbres sont très efficaces pour éliminer le carbone de l'atmosphère. Les agriculteurs peuvent faire de même, mais à plus petite échelle. Les cultures de mon exploitation éliminent en permanence du carbone de l'atmosphère. Dès que j'aurai trouvé un moyen simple et précis de mesurer leur niveau de piégeage du carbone, je pourrai commencer à vendre des crédits carbone.

 

Trouver des moyens créatifs pour permettre aux agriculteurs de stocker du carbone dans leur sol pourrait faire une grande différence dans la lutte contre le changement climatique.

 

Pourtant, pour moi, l'agriculture sans labour ne consiste pas à collecter plus d'argent d'une nouvelle source. Nous utilisons cette approche de l'agriculture parce qu'elle est meilleure pour nous, agriculteurs.

 

Dans les années 1990, lorsque nous avons adopté l'agriculture sans labour, l'érosion des sols était un énorme problème. L'excès de travail du sol avait détruit une grande partie des terres fertiles en Uruguay. Si nous n'avions pas adopté cette nouvelle méthode, qui permet de conserver le sol intact et de le protéger par des cultures de couverture, nous aurions probablement perdu nos sols.

 

Je viens de finir de semer le blé, l'orge, le canola et l'avoine – et sans le semis direct, nous n'aurions aucun espoir de les récolter plus tard. Nous aurions fait faillite.

 

Nous avons appris au fil des ans que l'approche sans labour n'améliore pas seulement notre ferme, mais qu'elle améliore aussi le monde parce qu'elle combat les changements climatiques néfastes en retirant le carbone de l'atmosphère.

 

Rappelez-vous vos leçons sur la photosynthèse à l'école : les plantes utilisent l'énergie solaire pour prélever le dioxyde de carbone de l'air et le transformer en eau et en hydrates de carbone, créant ainsi une biomasse que les cultures utilisent pour se développer.

 

Dans un système de travail du sol à l'ancienne, les agriculteurs ne font pas autant de choses. Après une récolte, ils brûlent les résidus de culture. Notre voie est différente : nous laissons les chaumes se décomposer en matière organique et utilisons maintenant aussi des cultures de couverture pour accroître ce processus.

 

Nous enrichissons le sol, le protégeons de l'érosion et améliorons le climat. Pour nous, nos clients et l'environnement, c'est une situation gagnant-gagnant-gagnant.

 

Et les crédits carbone n'ont rien à voir avec cela. Nous n'avons pas besoin d'une motivation supplémentaire. Si c'était le cas, nous passerions à côté de l'essentiel. Je ne connais pas d'agriculteurs qui disent : « Je vais faire ce qui est mal parce que personne ne me paie pour faire ce qui est bien. »

 

Nous sommes donc prêts et disposés à apporter notre aide. Nous faisons partie de la solution. Je ne m'opposerai pas à une mesure incitative supplémentaire qui encouragerait davantage d'agriculteurs dans cette direction – mais quiconque pense que nous avons besoin d'une mesure incitative pour faire ce qui est juste a beaucoup à apprendre sur les agriculteurs.

 

___________

 

Gabriel Carballal, agriculteur, Uruguay

Exploite 5.000 hectares de blé, d'orge, de canola, d'avoine, de semences de graminées, de soja GM, de maïs GM et de sorgho. Élève du bétail sur 3.500 hectares – 1.700 têtes de bœuf de race britannique. Nos 24 employés utilisent les dernières technologies.

 

Source : Climate Conscious Farmers Leading the Way – Global Farmer Network

 

 

Ma note : Il ne faut pas s'emballer. À la production agricole correspond essentiellement un cycle de carbone. L'agriculture peut contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique, d'une part, en réduisant ses émissions – ce qui a pour effet, dans le cas du cycle, de réduire les gaz à effet de serre présents dans l'atmosphère – et, d'autre part, en stockant le carbone dans le sol (voir à cet égard l'initiative 4 pour mille).

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H
Le titre est amusant "Les agriculteurs soucieux du climat..." Je doute qu'il y ait sur la terre un agriculteur ou un éleveur qui ne soit pas soucieux du climat. Tous les jours toute personne qui vit de la terre se pose la question de la météo et parfois plusieurs fois par jour. Certes, nous explique t'on, la météo quotidienne ne serait pas le climat ? Il me semble tout de même que la météo de chacun des 365 jours de l'année, d'année en année, c'est bel et bien le climat.
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