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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Quand la Commission Européenne dérape sur les forêts, le Monde se ridiculise et fait du Denormandie-bashing

17 Juillet 2021 Publié dans #Politique, #Union européenne

Quand la Commission Européenne dérape sur les forêts, le Monde se ridiculise et fait du Denormandie-bashing

 

 

(Source)

 

 

Le 10 juillet 2021 (date sur la toile), le Monde a publié un article que l'on peut qualifier d'odieux, « Le ministre de l’agriculture rallie le camp des défenseurs d’une exploitation intensive des forêts ».

 

En chapô :

 

« Julien Denormandie signe une lettre, avec dix autres ministres européens, appelant la Commission à reporter la publication d’un texte qui doit notamment permettre de mieux protéger la biodiversité. »

 

Les ministres compétents de dix États membres se sont prononcés sur un projet de communication sur la stratégie de l'Union Européenne pour les forêts post-2020, qui – surprise, surprise – a fuité vers une « alliance » d'ONG. M. Julien Denormandie – lire : la France – s'est joint à eux.

 

 

La France ?

 

En fait, pas vraiment, si on en croit le Monde :

 

« Cette prise de position non concertée au sein du gouvernement est symptomatique du rapport de force entre le ministère de l’agriculture et celui de la transition écologique. L’entourage de Julien Denormandie explique que le ministre a choisi de signer le courrier proposé par les autorités autrichiennes "afin d’alerter la Commission sur les préoccupations qui sont les siennes". Les proches de Barbara Pompili n’ont, eux, pas souhaité s’exprimer après la publication de la lettre, qui ne reflète pas la position officielle de la France.

 

C'est à hurler de rire ! Une lettre d'un ministre qui n'engage pas la France...

 

Mais tenez-vous bien à vos accoudoirs ! Voici la suite de l'article du Monde :

 

« Celle-ci [la position] est exprimée dans une note des autorités à la Commission, datée du 6 juillet et que Le Monde a pu consulter. Dans ce document de compromis, qui est le résultat des négociations interministérielles, Paris rappelle que la responsabilité de la politique forestière relève des Etats-membres et estime que les "enjeux liés à la mobilisation du bois et aux emplois des filières associées sont insuffisamment pris en compte" par la Commission. Mais la France souligne aussi l’importance de préserver la biodiversité et les puits de carbone, et se dit favorable à la création d’une base de données commune relative aux forêts. »

 

Le Monde ? Plus fort que la Pravda !

 

 

Denormandie-bashing

 

Le mécanisme de l'article du Monde est ultra-simple : l'amalgame, mâtiné de sous-entendus et d'exagérations :

 

« Dans une lettre adressée au vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, chargé du pacte vert pour l’Europe, révélée jeudi 8 juillet par le site d’information Contexte, Julien Denormandie exprime sa "profonde inquiétude" à l’égard d’un texte qu’il juge "inacceptable". Sa signature figure à côté de celles de ses dix homologues d’Autriche, de Finlande, de Lituanie, d’Allemagne, de Pologne, de République tchèque, d’Estonie, de Roumanie, de Hongrie et de Slovaquie. Des pays traditionnellement engagés, pour la plupart d’entre eux, dans la défense de l’industrie forestière. »

 

Résumé : M. Julien Denormandie est pour l'exploitation – évidemment « industrielle » – des forêts et contre sa protection.

 

Autre résumé : ce qui constitue un véritable scandale institutionnel et matériel au niveau communautaire a été instrumentalisé pour faire du Denormandie-bashing.

 

 

(Source)

 

 

 

Une lettre incendiaire

 

Nous n'avons pas cherché la lettre française sur le site Contexte mis en lien. Il autorise une visite temporaire mais à des conditions un peu trop intrusives à nôtre goût.

 

Mais voici notre traduction de la lettre initiale partie du ministère compétent de l'Autriche. Elle est d'une rudesse particulière.

 

 

° o 0 o °

 

 

 

 

Lettre conjointe des ministres chargés des forêts de l'Allemagne, de l'Autriche, de l'Estonie, de la Finlande, de la Hongrie, de la Lettonie, de la Pologne, de la République tchèque, de la Roumanie et de la Slovaquie sur la stratégie forestière de l'UE après 2020

 

 

Vienne, le 02 juillet 2021

 

Cher Vice-président exécutif Timmermans,

 

Nous sommes profondément préoccupés par le projet de stratégie forestière de l'UE qui circule actuellement. Il manque de manière significative une compréhension du rôle multifonctionnel des forêts et du secteur forestier, il ignore la compétence des États membres et il ignore le propre objectif clé de la Commission vers une croissance verte, et ce, tout en réduisant les forêts principalement à des considérations environnementales, et sans prendre en compte les aspects socio-économiques. Cette situation est inacceptable.

 

Sur la base des traités de l'UE, nous réaffirmons que la responsabilité des forêts incombe aux États membres et que toutes les initiatives liées aux forêts au niveau de l'UE doivent respecter le principe de subsidiarité et de proportionnalité ainsi que les compétences des États membres dans ce domaine.

 

La stratégie doit être élaborée en étroite collaboration avec les États membres de l'UE, comme le prévoit la communication de la Commission « Améliorer la réglementation » [lien] et dans le respect des principes de bonne gouvernance. Les conclusions du Conseil et le rapport du Parlement européen sur la stratégie forestière de l'UE donnent des orientations politiques claires.

 

Toutefois, la Commission n'a pas associé les États membres à l'élaboration de la stratégie. Il n'y a pas eu non plus de discussion au sein du comité permanent forestier (le principal forum pour discuter de toutes les questions liées aux forêts, assurer la coordination et la cohérence des politiques forestières et des politiques au niveau de l'UE), et aucune information substantielle n'a été activement donnée par la Commission au niveau du Conseil.

 

En examinant le projet actuel, il est clair que les points de vue des principales institutions de l'UE – le Parlement Européen et le Conseil – ont été largement ignorés. Au lieu de cela, la Commission a choisi une approche technocratique, à taille unique et imposée du sommet.

 

  • Nous demandons instamment à la Commission de respecter les compétences en matière de forêts.

 

  • Nous demandons à la Commission de suivre les conclusions du Conseil sur la stratégie forestière de l'UE pour l'après-2020, qui donnent des orientations politiques pour protéger les forêts et renforcer leur résilience et les services écosystémiques, tout en assurant la compétitivité et la durabilité du secteur forestier de l'UE.

 

  • La Commission doit reconnaître la diversité des forêts européennes et les aspects pratiques de la gestion durable des forêts ainsi que les différences de conditions naturelles, socio-économiques et culturelles entre les États membres.

 

  • Nous ne voyons pas les multiples fonctions des forêts et le rôle de la gestion durable des forêts, qui étaient au centre de la stratégie actuelle, suffisamment reflétés dans l'approche globale, ce qui entraîne des déséquilibres majeurs au sein des trois piliers de la durabilité. Le concept holistique et dynamique de la gestion durable des forêts, largement reconnu au niveau international, qui est largement ancré dans les législations nationales et mis en œuvre par celles-ci, doit être au cœur de la nouvelle stratégie.

 

  • Les ministres en charge des forêts soutenant cette démarche demandent à la Commission de suivre l'agenda de la croissance verte et de s'opposer à l'intention de réduire les forêts uniquement à des considérations environnementales. Nous devons reconnaître qu'aujourd'hui déjà, nos forêts européennes gérées de manière durable apportent une contribution importante, non seulement à nos objectifs environnementaux et climatiques, mais contribuent de manière significative au développement socio-économique ainsi qu'au développement rural.

 

  • Nous nous opposons fermement à une proposition législative sur la planification et la surveillance des forêts européennes. Un tel outil entraînerait une charge administrative sans précédent pour les États membres et les opérateurs, alors que son raisonnement, son objectif et sa valeur ajoutée restent inconnus. Nous rejetons en particulier l'intention de la Commission de fixer des indicateurs et des seuils européens ainsi qu'un nouveau système de certification forestière pour la gestion durable des forêts et de réglementer en détail les questions et pratiques individuelles pour tous les États membres et les propriétaires et gestionnaires de forêts.

 

  • En ce qui concerne la bioéconomie, le projet de stratégie ne tient tout simplement pas compte de la contribution holistique des produits du bois, qui peuvent remplacer les produits et les carburants d'origine fossile, ni de leur contribution unique à l'avènement d'une économie plus verte et plus circulaire. En tant que tel, il néglige totalement les avantages climatiques et socio-économiques et le plein potentiel d'efficacité des ressources que les forêts pourraient avoir pour la bioéconomie.

 

  • Compte tenu de ce qui précède, nous demandons instamment à la Commission de tenir compte de la déclaration ministérielle de Bratislava « The Future We Want : The Forests We Need » [l'avenir que nous voulons : les forêts dont nous avons besoin – lien], signée par l'UE et soutenue par les deux commissaires, Janusz Wojciechowski et Virginijus Sinkevičius, lors de la huitième conférence ministérielle Forest Europe.

 

La stratégie forestière est censée créer un cadre cohérent pour les politiques forestières de l'UE et les politiques forestières nationales des différents États membres. Nous attendons de la Commission une stratégie qui soutienne les stratégies et initiatives forestières des États membres, ainsi que le secteur forestier et les propriétaires et gestionnaires de forêts, afin qu'ils puissent continuer à produire les multiples fonctions que nos forêts remplissent et qui sont indispensables pour contribuer aux objectifs du Pacte Vert de l'UE.

 

La Commission devrait s'appuyer sur la grande expertise et la motivation des États membres, des propriétaires et des gestionnaires de forêts qui sont attachés à la gestion durable des forêts en tant que concept dynamique et bien établi. Depuis des siècles, ces personnes/citoyens ont façonné nos paysages culturels traditionnels. La stratégie devrait motiver toutes les personnes travaillant pour les forêts et viser à intégrer leur expérience et leurs connaissances, ce qui est essentiel pour les sauvegarder à l'avenir.

 

Nous demandons instamment à la Commission de réviser le projet et de refléter les opinions des États membres et du Parlement. À la lumière de ce qui précède, le report de la publication de la stratégie donnerait suffisamment de temps pour impliquer correctement les États membres.

 

[Formule de politesse]

 

 

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F
Cet épisode confirme la folie furieuse de la commission européenne. Celle ci a décidé de détruire l’économie sous prétexte d’écologie. Que ce soit l’agriculture avec la « stratégie » de la ferme à la fourchette, l’industrie automobile avec le récent projet, la filière bois avec ce qui est relaté ici... Il y a vraiment de quoi s’inquiéter. Ursula Van der Leyen place la (soi disant) protection de l’environnement au dessus de tout le reste. Une Europe en ruine n’aura plus les moyens de protéger quoi que ce soit.
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