Les héros agricoles des temps modernes : célébrer les pionniers de l'agriculture (2e partie)
Carol Lynn Curchoe, AGDAILY*
A sauvé le Sud [des USA] de la famine
George Washington Carver (1864-1943), né esclave dans une ferme du Missouri en 1865, est devenu le premier étudiant noir et le premier membre noir du corps enseignant de l'actuelle Université d'État de l'Iowa, avant d'être recruté par Booker T. Washington à l'Institut Tuskegee.
Il était un scientifique agricole, un inventeur et un éducateur qui cherchait à revitaliser les sols du Sud qui avaient été épuisés par le coton, une culture épuisant l'azote. Il a mis au point une méthode de rotation des cultures qui alternait le coton avec des légumineuses comme les arachides qui fixent l'azote et d'autres cultures comestibles comme le maïs. En plus de la rotation des cultures, Carver a encouragé la pratique de l'utilisation du compost pour réintroduire des nutriments et ajouter de la matière organique au sol. Il a démontré que l'utilisation du compost pour revitaliser le sol augmentait considérablement sa productivité par rapport aux méthodes courantes précédentes.
Pendant la Première Guerre Mondiale, il y avait des pénuries de cultures et de nourriture, et Carver a commencé à développer des utilisations alternatives pour les patates douces, le soja et les arachides. Les arachides étaient principalement utilisées à l'époque pour nourrir le bétail, mais il a développé des centaines de produits, y compris des plastiques, du caoutchouc synthétique et du papier à partir de celles-ci. À partir des graines de soja, Carver a inventé un procédé de production de peintures et de teintures, pour lequel trois brevets distincts ont été délivrés. Parmi les nombreuses découvertes synthétiques de Carver, on trouve des adhésifs, de la graisse pour essieux, de l'eau de Javel, la sauce chili, la créosote, des colorants, de la farine, du café instantané, du cirage, de la crème à raser, de la crème de jour, des teintures pour bois et des produits de remplissage, du carton isolant, le linoléum, de l'attendrisseur de viande, du poli à métaux, des flocons de lait, du conditionneur de sol et la sauce Worcestershire. Au total, il a mis au point 300 produits à partir d'arachides et 118 à partir de patates douces, en plus de nouveaux produits à partir de déchets, notamment de l'huile recyclée, et des peintures et teintures à partir d'argile.
A découvert les propriétés herbicides du glyphosate
John E. Franz était un chimiste de longue date de Monsanto Co. dont le nom figure sur plus de 840 brevets et qui est surtout connu pour avoir découvert la classe d'herbicides glyphosate. Le travail de Franz lui a valu plusieurs récompenses au fil des ans. La plus importante a été décernée en 1987, lorsqu'il a reçu la National Medal of Technology Presidential Award.
« La percée inestimable de Franz a incité Monsanto à concevoir et à produire des plantes génétiquement immunisées contre le glyphosate, ce qui permet aux agriculteurs d'utiliser l'herbicide sans endommager leurs cultures », écrit le site nationalmedals.org, faisant référence à l'adoption par les producteurs de maïs et de soja de la technologie des semences Roundup Ready.
Bien que le glyphosate soit devenu la principale réalisation de Franz, il a étendu ses recherches au-delà de ce domaine lorsqu'il était chez Monsanto, travaillant notamment sur la chimie des anti-auxines, la chimie des plantes et la chimie des nitrures de soufre. La longue liste de ses brevets nationaux et internationaux couvre ces domaines, ainsi que plusieurs autres liés à l'identification et à la synthèse du glyphosate. Il a été intronisé au National Inventors Hall of Fame en 2007.
SRI : Système d'Intensification Rizicole
Henri de Laulanié a évité les projecteurs, et il n'existe même pas une poignée de photos de lui. Son travail a été à peine reconnu de son vivant, mais ses innovations pourraient s'avérer essentielles pour nourrir la population mondiale croissante.
De Laulanié est né en France en 1920 et a suivi une formation dans un collège agricole avant de devenir prêtre jésuite. Il a été envoyé comme missionnaire à Madagascar en 1961, où il a passé le reste de sa vie à étudier le riz. En 1983, de Laulanié a découvert un système d'intensification du riz, « presque par accident ».
Les agriculteurs utilisant ses techniques pouvaient obtenir 8 tonnes de riz par hectare, contre les 2 qu'ils obtenaient habituellement avec l'agriculture conventionnelle. Et pourtant, son système utilisait la moitié de l'eau, un dixième des semences, et pouvait fonctionner avec des niveaux d'engrais beaucoup plus faibles ou même simplement du compost – les agriculteurs pouvaient produire quatre fois plus de riz !
Le SRI, comme on l'appelle aujourd'hui, repose sur quelques idées relativement simples qui ont tout simplement fonctionné, et au début, personne ne savait vraiment pourquoi. De Laulanié a planté de minuscules plantes plutôt que des plantes plus grandes, et leur a donné plus d'espace que d'habitude. Et plutôt que d'inonder la rizière de manière traditionnelle, il a simplement maintenu le sol humide. Cela a encouragé les plants de riz à développer de plus grandes structures racinaires, avec un tallage plus important à partir de la graine d'origine. Cette technique demande plus de travail, mais les rendements sont depuis longtemps considérés comme exceptionnels.
Père du riz hybride
Le riz occupe – et continuera d'occuper – une place centrale dans les systèmes mondiaux de sécurité alimentaire et des moyens de subsistance. Sur une production mondiale annuelle de 596,485 millions de tonnes provenant de 155,128 millions d'hectares, l'Asie produit 540,621 millions de tonnes provenant de 138,563 millions d'hectares.
En 1959, la Chine a connu la Grande famine chinoise. Yuan Longping, un scientifique agricole, était impuissant à aider les personnes affamées qui l'entouraient dans la province de Hunan. Il a déclaré : « Il n'y avait rien dans les champs parce que les gens affamés ont emporté toutes les choses comestibles qu'ils pouvaient trouver. Ils mangent de l'herbe, des graines, des racines de fougères, ou même de l'argile blanche en dernière extrêmité. »
Il s'est souvenu toute sa vie du spectacle de ceux qui étaient morts de faim, et cela l'a poussé à devenir connu comme le « Père du riz hybride ».
Dans les années 1950, deux théories distinctes de l'hérédité étaient enseignées en Chine. L'une était fondée sur le concept des gènes et des allèles (Gregor Mendel et Thomas Hunt Morgan), l'autre sur celui des scientifiques soviétiques Ivan Vladimirovitch Mitchourine et Trofim Lyssenko, qui affirmaient que les organismes changeaient au cours de leur vie pour s'adapter aux changements environnementaux qu'ils subissaient et que leur progéniture héritait ensuite de ces changements. À l'époque, la position officielle du gouvernement chinois sur les théories scientifiques favorisait le camp soviétique. Yuan a été formé et encadré par des biologistes qui suivaient les idées de Mendel et de Morgan.
En 1966, Yuan lui-même a fini par être désigné comme contre-révolutionnaire, et il était prévu de l'emprisonner. Cependant, une lettre de soutien à Yuan et à son travail a été reçue à la suite de sa publication sur le riz mâle-stérile, ce qui lui a permis de poursuivre ses recherches et de mettre au point des hybrides de riz.
En 1979, la technique de Yuan pour le riz hybride a été introduite aux États-Unis, ce qui en fait le premier cas de transfert de droits de propriété intellectuelle dans l'histoire de la République populaire de Chine.
A découvert comment les plantes résistent aux maladies
John Charles Walker (1893 –1994) était un scientifique agricole américain connu pour ses recherches sur la résistance des plantes aux maladies.
Il a été le premier scientifique à démontrer la nature chimique de la résistance des plantes aux maladies. Walker est surtout connu pour avoir développé des variétés d'oignons, de choux, de haricots, de pois, de betteraves et de concombres résistant à des maladies. L'Académie Nationale des Sciences a déclaré qu'il était considéré comme « l'un des plus grands phytopathologistes du monde » et que « ses découvertes fondamentales sur la résistance des plantes aux maladies ont eu un impact durable sur l'agriculture mondiale. »
Père du coton hybride
En Inde, l'ère du coton hybride n'a commencé qu'en 1970 avec la mise sur le marché du premier hybride de coton au monde « H 4 » de la station de recherche sur le coton de Surat de l'Université Agricole du Gujarat, en Inde.
Cet hybride a été développé par feu le Dr C.T. Patel, connu comme le père du coton hybride. Cet hybride, en raison de son potentiel de rendement élevé et de sa grande adaptabilité, est rapidement devenu très populaire parmi les agriculteurs. Bien que les travaux de développement d'hybrides commerciaux de coton tétraploïde aient commencé vers 1930 à la station de recherche sur le coton de Surat, ils ne se sont concrétisés que 40 ans plus tard, en 1970.
L'ère du coton hybride est divisée en deux parties : l'ère des hybrides conventionnels et l'ère des hybrides basés sur la stérilité mâle. Au début, tous les hybrides de coton étaient développés par la méthode conventionnelle, c'est-à-dire par émasculation et pollinisation manuelle. Cependant, la semence des hybrides conventionnels est très chère, car l'émasculation nécessite un travail manuel. La stérilité mâle génique (SMG) est depuis apparue comme un meilleur outil pour accélérer la production d'hybrides.
Fondatrice de la biotechnologie végétale moderne
Mary-Dell Chilton, née le 2 février 1939 à Indianapolis (Indiana), figue parmi les fondateurs de la biotechnologie végétale moderne. Chilton a été la première (1977) à démontrer la présence d'un fragment d'ADN plasmidique d'Agrobacterium Ti dans l'ADN nucléaire du tissu de la galle du collet.
Ses recherches sur Agrobacterium ont également montré que les gènes responsables de la maladie pouvaient être retirés de la bactérie sans affecter sa capacité à insérer son propre ADN dans les cellules végétales et à modifier le génome de la plante. Chilton a décrit ce qu'elle avait fait comme un désarmement du plasmide bactérien responsable du transfert de l'ADN.
Elle et ses collaborateurs ont produit les premières plantes génétiquement modifiées en utilisant Agrobacterium portant le plasmide Ti désarmé (1983). On l'a surnommée la « reine d'Agrobacterium ». Chilton est l'auteur de plus de 100 publications scientifiques.
Pionnier de la biologie végétale et de la biotechnologie
Robb Fraley a été pendant des décennies le directeur de la technologie de Monsanto Co. et est souvent considéré comme le « père de la biotechnologie agricole ». Chez Monsanto, il a supervisé la sélection des plantes, la biotechnologie végétale, les produits biologiques agricoles, les produits microbiens agricoles, l'agriculture de précision et la protection des cultures. On lui attribue le développement de la première culture génétiquement modifiée à l'échelle commerciale (ou OGM, dans la terminologie plus populaire) dans les années 1980. Il est titulaire d'un doctorat en microbiologie et en biochimie de l'université de l'Illinois.
M. Fraley est connu pour être un ardent défenseur des organismes génétiquement modifiés – et du rôle de la science pour aider à nourrir la population mondiale croissante – et a œuvré pour que les scientifiques participent au dialogue public.
Parmi les distinctions les plus prestigieuses qu'il a reçues, on peut citer notamment le fait d'avoir été reconnu comme lauréat du Prix Mondial de l'Alimentation en 2013 [ma note : avec Marc Van Montagu, oublié de ce palmarès, et Mary-Dell Chilton], d'avoir reçu la Médaille Nationale de la Technologie des mains du président Clinton en 1998 et d'avoir reçu le prix de l'Académie Nationale des Sciences pour l'Application Industrielle de la Science pour ses travaux sur l'amélioration des plantes en 2008.
Des hormones synthétisées à partir de plantes
Percy Lavon Julian est né en 1899 à Montgomery, en Alabama, fils d'un employé des chemins de fer et petit-fils d'esclaves. Il est accepté à l'Université DePauw de Greencastle, dans l'Indiana, en tant que sub-freshman, ce qui signifie qu'il doit suivre des cours de lycée en même temps que ses cours de première année. Il se spécialise en chimie et obtient le titre de major de sa promotion en 1920.
Après avoir obtenu son diplôme, il a enseigné la chimie à l'Université Fisk pendant deux ans avant d'obtenir une bourse Austin pour l'Université de Harvard, où il a obtenu une maîtrise en chimie organique. Après Harvard, il retourne enseigner au West Virginia State College et à la Howard University. Il était un chimiste de recherche et un pionnier de la synthèse chimique de médicaments à partir de plantes, comme la cortisone, les stéroïdes et la pilule contraceptive.
Dans les années 1930, les chimistes ont reconnu la similarité structurelle d'un grand groupe de substances naturelles – les stéroïdes. Ceux-ci comprennent les hormones sexuelles et les hormones corticales des glandes surrénales. Le potentiel médicinal de ces composés était évident, mais il était pratiquement impossible d'en extraire des quantités suffisantes. Il a été intronisé à la National Academy of the Sciences, au National Inventors Hall of Fame et à l'American Chemical Society pour ses travaux durables. Tout au long de sa vie, il a été socialement actif dans des groupes cherchant à améliorer les conditions de vie des Afro-Américains, contribuant à la fondation du Legal Defense and Educational Fund of Chicago et siégeant aux conseils d'administration de plusieurs autres organisations et universités.
A découvert l'hormone végétale éthylène
Shang Fa Yang est un phytologue américain d'origine taïwanaise, professeur à l'Université de Californie à Davis, qui a découvert, entre autres, le mécanisme de biosynthèse, le mode d'action et les applications d'une hormone végétale, l'éthylène.
L'éthylène est impliqué dans de nombreux aspects complexes du cycle de vie des plantes, notamment la germination des graines, le développement des racines, la croissance des tiges et des racines, la formation de racines adventives, l'abscission des feuilles et des fruits, la floraison, la détermination du sexe et la sénescence des fleurs et des feuilles. L'éthylène aide également les plantes à s'adapter au stress, comme la sécheresse, les inondations, les attaques de pathogènes ou une forte salinité. L'éthylène est surtout connu pour son rôle essentiel dans le mûrissement des fruits, comme les tomates, les bananes, les poires et les pommes.
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* Le Dr Carol Lynn Curchoe est la fondatrice d'ART Compass et l'auteur de The Thin Pink Line, Regulating Reproduction. Vous pouvez la retrouver sur Facebook, Twitter, Instagram et LinkedIn.
Source : Modern agricultural heroes: Celebrating pioneers in crop ag | AGDAILY