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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Glyphosate 2.0 : Les poursuites judiciaires contre l'herbicide paraquat accusé de causer la maladie de Parkinson progressent

1 Juillet 2021 Publié dans #Pesticides

Glyphosate 2.0 : Les poursuites judiciaires contre l'herbicide paraquat accusé de causer la maladie de Parkinson progressent

 

Cameron English*

 

 

Les avocats et les activistes qui prétendent que le désherbant glyphosate provoque le cancer sont passés à une deuxième cible : un autre herbicide appelé paraquat. Affirmant que ce produit chimique peut provoquer la maladie de Parkinson, ces croisés de la justice poursuivent maintenant les fabricants de cet herbicide dans l'espoir de décrocher un autre jackpot. La science n'est pas de leur côté.

 

 

Image : Alam Ramírez Zelaya via Flickr

 

Pendant près de six ans, les groupes anti-OGM ont fait un cercle de chariots autour d'un seul message : le désherbant Roundup (glyphosate) provoque le cancer, en particulier le lymphome non hodgkinien (LNH) [1]. Leurs efforts ont abouti à quelque 100.000 poursuites contre Bayer. Le géant de la biotechnologie a perdu les trois premiers procès qui ont eu lieu. Bien que les dommages et intérêts aient été considérablement réduits dans chaque cas, la société doit encore verser des millions de dollars et tente de régler les cas restants.

 

Le bon filon du Roundup étant en train de s'épuiser, les avocats et les militants s'attaquent à une nouvelle cible, le paraquat, un herbicide. Il y a 157 procès contre Syngenta et Chevron en cours dans les tribunaux d'État et fédéraux. Les poursuites allèguent que ces entreprises n'ont pas prévenu leurs clients que l'exposition au paraquat pouvait provoquer la maladie de Parkinson, un trouble du système nerveux dont les symptômes s'aggravent progressivement avec le temps.

 

Existe-t-il des preuves à l'appui de ces allégations ? Le paraquat est certainement toxique si vous le buvez [2] (ce que vous ne devriez pas faire), et l'EPA limite son utilisation à des applicateurs formés travaillant dans des environnements agricoles. Mais, surtout, cet herbicide ne peut probablement pas traverser la barrière hémato-encéphalique de manière suffisamment efficace pour endommager les neurones producteurs de dopamine, ce qui est à l'origine de la maladie de Parkinson. Lorsqu'il est utilisé conformément à son mode d'emploi, il existe peu de preuves solides indiquant que le paraquat est une cause de la maladie de Parkinson.

 

 

Un schéma familier

 

Une chose à garder à l'esprit : ces procès liés aux pesticides semblent suivre un schéma. Le LNH est idiopathique ; les cancérologues ne savent pas exactement ce qui le provoque. Mais des avocats, avec l'aide de militants anti-pesticides, ont profité de cette lacune dans notre compréhension pour relier à tort l'exposition au glyphosate au LNH. Il n'y a pas l'ombre d'une preuve pour soutenir cette association, mais cela n'a pas d'importance ; les poursuites judiciaires ont continué.

 

L'opposition au glyphosate était clairement la première partie d'une campagne à long terme contre les pesticides de synthèse, comme l'a reconnu sur Twitter le militant anti-OGM Gary Ruskin :

 

 

 

 

Le paraquat est la prochaine cible. Tout comme pour le NHL, les causes de la maladie de Parkinson restent largement inconnues (bien qu'il y ait de plus en plus de preuves que certains cas de la maladie ont une composante génétique), et les avocats plaidants en profitent pour établir un lien entre le paraquat et la maladie de Parkinson. Voyez ces commentaires de U.S. Right To Know (USRTK), le groupe militant de Ruksin qui a travaillé en étroite collaboration avec les avocats qui poursuivent Bayer. « L'EPA ne confirme pas actuellement l'existence d'un lien de causalité avec la maladie de Parkinson », reconnaît USRTK sur son site web, mais :

 

« Plusieurs études scientifiques ont établi un lien entre le paraquat et la maladie de Parkinson, notamment une vaste étude menée auprès d'agriculteurs américains et supervisée conjointement par plusieurs agences gouvernementales américaines. L'Agricultural Health Study (AHS), qui est soutenue par de nombreuses agences et chercheurs américains, a constaté que "l'exposition aux pesticides agricoles peut augmenter le risque d'une personne de développer la maladie de Parkinson."

 

Et en 2011, les chercheurs de l'AHS ont rapporté que les participants ayant utilisé du paraquat ou un autre pesticide étaient "deux fois plus susceptibles de développer la maladie de Parkinson" que les personnes n'ayant pas été exposées à ces produits chimiques. »

 

Il s'agit, au mieux, d'un résumé trompeur des preuves. Par exemple, voici ce que l'EPA dit réellement à propos du paraquat :

 

« L'EPA a passé en revue un ensemble solide de publications sur l'exposition au paraquat, dont plus de 70 articles portant sur une série de résultats sanitaires, notamment la maladie de Parkinson, la fonction pulmonaire et les effets respiratoires, ainsi que le cancer. Sur la base de cet examen, l'EPA a conclu qu'il n'y avait pas suffisamment de preuves pour relier les produits enregistrés à base de paraquat à l'un des résultats sanitaires étudiés, y compris la maladie de Parkinson, lorsqu'ils sont utilisés conformément à l'étiquette. »

 

L'examen des 115 pages de l'agence a offert une analyse plus détaillée (p. 89) :

 

« En ce qui concerne l'exposition professionnelle, il a été déterminé qu'il existe des preuves épidémiologiques limitées mais insuffisantes d'une relation associative ou causale claire [...] En ce qui concerne les populations étudiées non professionnelles, les preuves de trois populations étudiées ont été évaluées et il a été déterminé qu'il n'existe pas de preuves épidémiologiques suffisantes d'une relation associative ou causale claire. »

 

Même l'étude de 2020 citée par USRTK offre peu d'éléments à l'appui des litiges. « Bien que notre analyse de sous-groupe ait laissé entrevoir un risque de MP plus élevé pour le paraquat ainsi que pour le groupe des pesticides inhibiteurs du complexe I mitochondrial chez les personnes ayant subi un traumatisme crânien, » notent les auteurs, « nous avons trouvé des preuves limitées d'associations indépendantes de MP incidentes avec ces pesticides ». Les auteurs d'une revue systématique des données de 2019 sont allés au cœur du problème :

 

« Les données indiquent une association positive entre l'exposition au paraquat et la survenue [de la maladie de Parkinson], mais le poids de la preuve ne permet pas de supposer une relation de cause à effet indiscutable entre les deux. Des études mieux conçues sont nécessaires pour accroître la confiance dans les résultats. »

 

Sachant que Syngenta a tout intérêt à se défendre, deux scientifiques affiliés à l'entreprise ont publié en mai 2021 une étude qui pourrait nous aider à tirer une conclusion plus ferme. Les chercheurs ont analysé les résultats de santé de 968 employés d'une usine de fabrication de paraquat au Royaume-Uni ; 415 de ces travailleurs étaient décédés au moment où l'étude a été menée, mais seuls quatre certificats de décès mentionnaient la maladie de Parkinson, dont deux indiquaient la MP comme cause du décès. Cinq autres décès ont été attribués à d'autres affections neurologiques. Les chercheurs ont conclu en comparant les taux de mortalité locaux et nationaux :

 

« Il n'y a aucune preuve d'une incidence accrue de la MP parmi les travailleurs de la production [de paraquat], d'après les mentions de la MP sur les certificats de décès des travailleurs décédés. En outre, il n'y avait aucune preuve de mortalité négative due à d'autres causes, y compris la mortalité par cancer du poumon. »

 

L'un des points forts de l'étude « était que l'exposition [au paraquat] était confirmée par des antécédents professionnels complets et la disponibilité d'informations de suivi personnel ». Ce point est important car les travailleurs de la production ont probablement été confrontés à des niveaux d'exposition plus élevés sur des périodes prolongées que les travailleurs agricoles maintenant impliqués dans les poursuites, qui n'ont probablement pas pulvérisé le désherbant sur une base quotidienne.

 

De plus, la conception de l'étude a permis d'éliminer le risque de biais de rappel, qui se produit lorsque des personnes diagnostiquées avec une maladie font une déclaration erronée de l'exposition qu'elles supposent être à l'origine de leur état [3]. Ce phénomène a probablement faussé les résultats d'études antérieures sur l'exposition aux produits chimiques comme cause possible de la MP.

 

L'étude, d'ailleurs, était un suivi et a confirmé les résultats d'un article publié en 2011 dans BMJ Open par les mêmes chercheurs.

 

 

Où en sont les choses

 

Compte tenu de toutes ces preuves, voici ce qu'il en est. Le paraquat est hautement toxique. Les personnes qui ne l'utilisent pas correctement ne s'en sortent pas bien. Cela dit, il n'existe pas de preuves solides permettant d'établir un lien de causalité entre le paraquat et la MP. Les preuves épidémiologiques sont contradictoires et leur valeur est limitée par le fait que de nombreuses études ne disposent pas de données fiables sur l'exposition au paraquat.

 

Tout juge devrait examiner les preuves et rejeter ces poursuites. Mais un tribunal fédéral a déjà refusé de le faire, jugeant que le ré-examen du paraquat par l'EPA « ne dictera pas le succès ou l'échec des prétentions des plaignants ». Malheureusement, les tribunaux américains sont devenus des lieux conviviaux pour les avocats spécialisés dans la responsabilité civile et les activistes qui cherchent à diaboliser les produits utiles. C'est pourquoi vous ne pouvez plus acheter de poudre pour bébé à base de talc chez CVS, par exemple, et cela suggère que d'autres manigances juridiques sont à venir.

 

___________

 

* Cameron English, directeur de Bioscience

 

Cameron English est auteur, éditeur et co-animateur du podcast Science Facts and Fallacies. Avant de rejoindre l'ACSH, il était rédacteur en chef du Genetic Literacy Project.

 

[1] Il existe de nombreux sous-types de LNH.

 

[2] Ma note : Il est mortel. C'est malheureusement un instrument de suicide largement utilisé dans cartains pays en développement.

 

[3] C'est un problème courant dans les études épidémiologiques rétrospectives. Par exemple, les adultes chez qui on a diagnostiqué une dépression sont plus susceptibles de se souvenir de sévices subis pendant l'enfance que les témoins sans antécédents de maladie mentale.

 

Source : Glyphosate 2.0: Lawsuits Claiming Herbicide Paraquat Causes Parkinson's Move Forward | American Council on Science and Health (acsh.org)

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